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Interview

"Ce qui m’intéresse, c’est la communauté": rencontre avec l'artiste Ludo, icône des bitcoiners

L'artiste contemporain, qui s'exprime aussi bien dans la rue que dans les musées, s'est également fait un nom dans l'univers de la blockchain.

L'artiste contemporain Ludo (Ludovic Vernhet) exprime aussi bien son art dans la rue que dans les musées internationaux. Découvrant l'univers de la blockchain, il décide de consacrer une partie de son art à cette technologie. Aujourd'hui, Ludo a créé une communauté autour de l'une de ses oeuvres phares, la fleur bitcoin ou Bitcoin Flower (BTC Flower), qui représente la reine des cryptomonnaies au dessus des tombes des monnaies traditionnelles. Un an après avoir vendu 2009 NFT Bitcoin Flower, Ludo livre en exclusivité à BFM Crypto ses projets pour l'année 2023.

BFM Crypto: Comment avez-vous découvert la blockchain?

Ludo: Au départ, c'était en 2015-2016, sans comprendre complètement de quoi il s’agissait. J’ai vraiment compris l’utilité de la blockchain en 2017 en lisant le cas de new-yorkais qui réussissaient à y échanger leur électricité. C’est là que j’ai assimilé le pouvoir de cet outil qui redonnait (naïvement?) un pouvoir au peuple en se passant des institutions. Cela résonnait avec mon travail qui était dans la rue, avec un accès direct à l’art.

Quand avez-vous créé une première œuvre en ce sens?

Fin 2017, j’ai créé une fleur bitcoin, au départ appelée "RIP Banking System", que j’ai posée pour la première fois sur un mur du Xème arrondissement de Paris. Elle faisait environ 4 mètres sur 4. C’était une fleur qui renaissait au milieu de l’argent poussiéreux avec peut-être l’éclosion d’un nouveau système. Je n’aime pas représenter l’argent ou quelconque type d’argent dans mes œuvres, mais c’est la technologie qui m’intéressait et que je voulais représenter visuellement. Puis à la suite d'une réflexion sur la représentation physique à cause de la pandémie, j’ai voulu explorer la piste digitale.

C'est-à-dire?

J’ai repris l’idée de la fleur qui est devenue iconique dans le monde blockchain. Elle a notamment beaucoup été partagée par certaines communautés, dont les bitcoiners maximalistes. Ce n’est pas simplement créer des NFT (jetons non fongibles) qui m’intéressait. Il s'agissait d'un vrai projet avec une équipe de 4 personnes qui aurait un véritable sens d’exister. En janvier 2022, nous avons mis en vente 2009 NFT Bitcoin Flower, en référence à la date de création du bitcoin, sur la blockchain Internet Computer (ICP). Les NFT sont partis en 12 secondes. Nous avons lancé un concept novateur, car les pétales de la fleur s’animent en temps réel sur la blockchain, en fonction du cours du bitcoin. Ce qui me plait dans la blockchain ICP, c’est qu’elle est complètement disruptive. L’idée est de proposer des solutions complètement décentralisées beaucoup plus intéressantes que les GAFAM qui misent sur s’associer avec des blockchains sans pour autant repenser leurs modes de distribution.

Quel était l’intérêt d’obtenir l’un de vos NFT?

A la suite de cette vente, nous avons lancé une DAO (pour organisation autonome décentralisée, NDLR): la Flower Power DAO. Chaque collectionneur de cette fleur obtient un pouvoir de vote qui leur permet de diriger dans un sens ou un autre la direction du projet. L’idée est ici d’intégrer les gens, pas seulement les traiter en acheteurs et revendeurs. A ce jour, les membres de notre DAO sont ceux qui détiennent une Bitcoin Flower, mais également ceux qui ont obtenu une Eth Flower (en référence à la cryptomonnaie ether, NDLR) et une ICP flower via des airdrop (une distribution gratuite d'une cryptomonnaie ou d'un NFT, NDLR). Ces trois fleurs sont une trilogie: plus vous avez de fleurs, plus vous avez des votes.

Quel regard portez-vous sur les NFT?

Je suis dans cet univers à travers le prisme de l’art digital. Ceux qui rentrent dans ce marché en proposant par exemple des simples scans de leur création physique ne m’intéressent pas. Aujourd’hui, nous avons une grosse communauté sur Discord. Ce qui me motive, c’est de revenir comme au temps des impressionnistes avec des gens qui soutenaient les artistes, qui participaient au travail et à la valeur de ce que pouvait créer un artiste. Ce qui m’intéresse, c’est la communauté et respecter le vote communautaire. Le modèle aujourd’hui est obsolète: intégrer les gens et la transparence sont pour moi des valeurs primordiales.

Un an après, quelle est la suite de votre projet?

Le premier fruit de notre DAO se concrétisera ce mois-ci en lançant notre plateforme de minting, baptisée Flower Power. Il s’agit d’une plateforme où chaque projet est curaté par la communauté grâce à des votes. Les artistes, projets ou associations caritatives seront ensuite suivis par notre team de développement et par notre DAO. Les projets présentés devront bien évidemment expliquer leur travail en faisant preuve de transparence puis avoir un concept qui a un vrai sens d’exister sur la blockchain.

Quel premier projet allez-vous lancer?

Autour de fin février début mars, nous allons lancer une collaboration avec Clown Skateboard, une marque anglaise qui a travaillé avec l’artiste Banksy. Nous allons ouvrir à la vente une collection de NFT en lien avec ce projet. Les œuvres sont seulement accessibles aux membres de notre DAO et donneront un accès privilégié à une collection physique produite en exclusivité. Plusieurs projets sont déjà programmés pour 2023 et des collaborations avec des marques pour aussi faire le pont digital-physique. Le deuxième axe sur lequel nous travaillons est sur la création d’un "token". Concrètement, les gens pourront staker leurs fleurs sur notre plateforme. Les fleurs seront alors immobilisées sur la plateforme, donnant des intérêts aux utilisateurs sous la forme de graines produites par des fleurs. Les graines pourront alors être réutilisées dans notre écosystème, par exemple pour augmenter le pouvoir de vote ou bien pour soutenir tel ou tel projet en échange de airdrop ou bien en accès privé. Le mot token peut avoir une connotation très spéculative, c’est pour cela que ces graines n'auront, en premier lieu, qu’une utilité dans l’espace que nous créons. Les fleurs produisent des graines mais plusieurs d’entre elles sont nécessaires à faire éclore un projet: nature et communauté… Ce projet est en développement. Nous espérons pouvoir sortir un tel concept d’ici le mois d’avril.

Pauline Armandet