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Réforme des retraites: comment BFMTV traite de la violence dans les manifestations

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Depuis 3 mois, les reporters de BFMTV racontent les manifestations organisées contre la réforme des retraites. Celles qui se déroulent dans le calme et celles qui, parfois, débouchent sur des violences.

Depuis le mois de janvier ont lieu des manifestations et autres actions organisées pour protester contre la réforme des retraites. Lors de celles-ci, des violences ont pu survenir. Comment raconter ces heurts, ces affrontements, comment raconter la violence des casseurs et les dérapages de certains policiers?

Maxime Brandstaetter, journaliste police-justice, a couvert quatre manifestations depuis le début du mouvement de contestation.

"Sur les quatre, j'en ai fait deux côté forces de l'ordre, une avec la Brav - les policiers de Paris - et une avec les gendarmes. Côté manifestants, à chaque fois près du cortège de tête, où il y a des dégradations, mais parfois aussi avec des manifestants pacifiques qui sont blessés", détaille notre journaliste.

Maxime Brandstaetter explique que la question du maintien de l'ordre "est une matière à part entière de la police, de la sécurité, de la gendarmerie". Une matière qui provoque beaucoup de débats sur l'utilisation de la force:

"Est-elle proportionnée? Est-ce que les policiers vont trop loin? Ne vont-ils pas assez loin? Côté manifestants aussi, comment ils réagissent? Qui sont les casseurs? Sont-ils blessés injustement?'".

Notre reportage au cœur d'une Brav

Une matière "polémique" également, qui "fait des dégâts matériels, mais aussi humains" avec des membres des forces de l'ordre et des manifestants blessés, comme le relèvent les chiffres de l'Observatoire des street-médics, relayés par notre journaliste: "c'est quelque chose qui touche tout le monde, qui touche le droit de manifester".

Lors de la journée du 28 mars, Maxime Brandstaetter reçoit l'autorisation de suivre la Brav lors de la manifestation parisienne.

"On négocie à chaque fois pour négocier des entrées avec la Brav, les policiers, on l'a aussi fait avec les pompiers... BFMTV a plusieurs reporters dans la manifestation. Là, on avait beaucoup négocié pour avoir des entrées avec la Brav, on visait spécifiquement la Brav-M", raconte le journaliste à notre micro.

"On avait réussi à avoir l'accord de la préfecture de police de Paris qui choisit avec qui on est, à quelle heure, dans quelles conditions... Ce sont eux qui fixent tout, donc forcément ça restreint ce qu'on peut faire. On avait un accord avec la Brav motorisée (Brav-M) mais ils n'avaient qu'une seule place pour le JRI (journaliste reporter d'images, NDLR) et moi j'avais besoin de voir aussi. Je demande alors une autre place et ils me débloquent une Brav à pied", poursuit-il.

Maxime Brandstaetter raconte alors ce qu'il voit "dans le cadre que la préfecture de police a fixé: on n'a pas le droit de faire des interviews de policiers, on a seulement le droit de poser un micro, filmer la séquence et voir ce qui se passe".

"Si on décide de suivre la Brav, c'est qu'il y a du maintien de l'ordre qui fait polémique. C'est essentiel de pouvoir voir comment ça se passe dans les rangs des forces de l'ordre, quelles décisions sont prises, pourquoi, et pouvoir donner matière à juger et intervenir sur le maintien de l'ordre", explique encore Maxime Brandstaetter.

Le traitement de l'affaire Souleyman par BFMTV

Le traitement par BFMTV de l'affaire Souleyman, un étudiant tchadien interpellé dans la nuit du 20 au 21 mars, a également pu faire l'objet de critique. Quatre jours après son arrestation, Loopsider et Le Monde publient un enregistrement dans lequel on entend des policiers de la Brav-M insulter et menacer le jeune homme. Deux enquêtes sont ouvertes: l'une judiciaire et l'autre administrative.

"Évidemment, nous avons traité cette information, diffusé des extraits et fait réagir des invités dessus", indique Nicolas Marut, directeur adjoint de la rédaction de BFMTV.

"Quand Souleyman est sorti de garde à vue, nous avons réussi à entrer en contact avec lui le lendemain, le samedi 26 mars. Nous l'avons longuement interrogé, lui et une autre personne qui se trouvait à ses côtés et avait assisté à cette semaine", poursuit Nicolas Marut. "Ils nous ont raconté, de leur point de vue, la façon dont s'était passé leur nassage et leur interpellation par la Brav-M. Nous leur avons donné la parole, avons diffusé un sujet dans la matinale et la journée du dimanche".

Cette affaire, très suivie, a connu un deuxième épisode le week-end dernier. "Nous apprenons dimanche que Souleyman a été interpellé et que les enquêteurs lui reprochent, selon nos informations, d'avoir, avec d'autres personnes, tenté de mettre le feu à une poubelle en marge d'une manifestation qui se déroulait vendredi soir", raconte Nicolas Marut à notre micro.

En raison du retentissement généré par le début de cette affaire, BFMTV a estimé qu'il était normal de raconter cette deuxième interpellation de Souleyman, "devenu de facto le symbole des violences policières pour une partie de l'opinion, pour certains médias", souligne Nicolas Marut.

"C'était notre devoir de voir exactement ce qu'il en était. Nous avons évidemment suivi cette affaire et contacté nos sources policières pour savoir exactement ce que l'on reprochait à Souleyman", poursuit-il. "Les informations ont varié: il lui a d'abord été reproché d'avoir tenté de mettre le feu à une poubelle avec deux autres personnes. Dans un deuxième temps on nous dit qu'il n'est pas suspecté d'avoir mis le feu mais d'avoir fait le guet pendant que les deux autres personnes tentaient de mettre le feu à une poubelle".

"À ce moment-là, nous ne donnons pas ces informations, car nous sommes toujours ans une phase de récolte", précise le directeur adjoint de la rédaction de BFMTV.

"C'était version contre version"

Notre journaliste Jérémie Paire entre alors en contact avec l'avocat de Souleyman, Me Arié Alimi, qui donne la version de son client, à savoir qu'il n'était pas mêlé à cette affaire et qu'il accusait les policiers l'ayant arrêté de l'avoir incité à mettre le feu avec les deux autres personnes à cette poubelle.

"Nous avons décidé, de façon coordonnée, de sortir cette affaire à 16 heures dimanche, une fois en possession de tous les éléments: les informations de nos sources policières, la version donnée par l'avocat et son interview et enfin les informations que nous donnait un syndicaliste policier", explique Nicolas Marut.

Et d'ajouter: "On a réalisé que c'était version contre version. Nous ne sommes pas policier, ni procureur, ni juge. Nous sommes journalistes et notre travail c'est d'aller chercher les informations et donner la parole aux uns et aux autres".

"L'affaire a connu un rebondissement en soirée avec la sortie de Souleyman de sa garde à vue sans qu'aucune charge ne soit retenue contre lui", souligne Nicolas Marut.

Un sujet très complet est alors diffusé lundi dans la matinale de BFMTV, où toutes les versions données, mais surtout la principale information à savoir que Souleyman était sorti seul et sans charges du commissariat de police.

"Pour nous juger, il faut d'abord nous regarder"

Notre journaliste Jérémie Paire a réalisé deux duplex dimanche après-midi, le premier où il évoque l'état d'esprit de Souleyman qui a pu s'entretenir avec son avocat et dans lequel il lance un son de Me Arié Alimi: "il explique lui sa version des faits, ajoutant avoir des preuves vidéo montrant que son client est innocent".

"À 17h02 je fais à peu près la même chose en précisant la version des policiers puis je donne la version de l'avocat et relance le son en finissant qu'a priori sa garde à vue devait se finir", poursuit Jérémie Paire.

Quelques heures plus tard, la photo et le nom de notre journaliste circule pour dénoncer le traitement de l'affaire Souleyman par BFMTV. Des tweets sont notamment écrits Edwy Plenel, évoquant une "vérité piétinée par des médias dévoués aux haines et des journalistes égarés ou stipendiés".

"Je réécoute ce que j'ai dit et il n'y a pas plus factuel", assure notre journaliste, "à aucun moment dans cet article il n'est fait mention de moi, il n'est fait mention de BFMTV que pour l'interview du syndicaliste et du bandeau". Le pureplayer Mediapart a depuis retiré la photo de notre journaliste, Edwy Plenel a quant à lui retiré son tweet.

Notre reporter Jérémie Paire, qui a suivi plusieurs manifestations depuis le début du mouvement de contestation, a récemment été agressé en marge d'un cortège parisien avec son collègue Baptiste Keita.

"On est des cibles, ce genre d'article et de photo n'arrangent rien", poursuit-il.

"Dans cette affaire, comme dans toutes les autres, nous sommes évidemment extrêmement vigilants à donner toutes les informations, à donner le contradictoire", assure Nicolas Marut. "On essaye de le faire de la façon la plus honnête possible. Ça ne veut pas dire qu'on n'est pas critiquable. Pour nous juger, il faut d'abord nous regarder".

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