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LA VÉRIF - L'épouse d'un combattant Azov ayant témoigné à la télévision est-elle néonazie?

Il y a une semaine, vendredi dernier, l'Ukrainienne Kateryna Prokopenko était notre invitée, afin d'évoquer sur notre antenne le calvaire des derniers défenseurs du site d'Azovstal à Marioupol. Son mari, Denys Prokopenko, faisait en effet partie de cette garnison assiégée par les Russes. Depuis, la jeune femme a été accusée de sympathies néonazies sur les réseaux sociaux. Des accusations qui reposent toutefois sur des éléments fallacieux. BFMTV fait le point sur cette polémique ce samedi.

La semaine dernière, Kateryna Prokopenko a accompli une vaste tournée médiatique et internationale. L'Ukrainienne, épouse de Denys Prokopenko, l'un des chefs du bataillon d'Azov alors replié dans les souterrains du site d'Azovstal, a défendu la cause de ces derniers défenseurs de Marioupol, acculés par l'envahisseur russe, avant de se rendre, vendredi soir, aux mains de leurs ennemies.

Le 11 mai, au sortir d'une entrevue avec le pape, la jeune femme plaidait ainsi pour leur évacuation:

"Nous espérons que cette rencontre permettra de leur sauver la vie. (...) Nos soldats sont prêts à baisser les armes en cas d'évacuation vers un pays tiers."

Dans la foulée, la jeune femme a multiplié les plateaux télés en France. Et vendredi 13 mai, elle s'est même exprimée sur le nôtre. Une intervention qui a suscité une polémique sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, plusieurs internautes l'ont en effet accusée d'être une militante néonazie, photos à l'appui. Ce samedi, BFMTV fait la lumière sur cette controverse.

• Sur quoi reposent les soupçons?

Sur Twitter, les montages ont rapidement succédé à l'interview de Kateryna Prokopenko dans nos studios. Un quart d'heure à peine après son passage, un internaute mettait déjà en regard une capture d'écran de la ressortissante ukrainienne avec un cliché montrant un groupe de jeunes filles faisant le salut fasciste, désignant la femme blonde située à droite comme Kateryna Prokopenko.

Une publication retweetée près de 7000 fois une semaine plus tard, notamment par des comptes pro-russes. Il faut dire que ce narratif colle à la propagande du Kremlin qui n'a eu de cesse de justifier son invasion de l'Ukraine par une prétendue domination du pays et de son armée par des néonazis.

L'accusation a même été reprise par des personnalités très en vue. Comme le rappeur Booba qui a diffusé trois photos présumées de Kateryna Prokopenko sur le même réseau social. L'artiste a ainsi relayé à nouveau l'image du salut fasciste puis deux autres captations censées montrer Kateryna Prokopenko: une femme exhibant un drapeau marqué de la croix gammée, et la photo de la porteuse d'un t-shirt griffée du même symbole.

• Une jeune fille déjà identifiée... et qui n'est pas Kateryna Prokopenko

L'identité de la jeune femme immortalisée dans ces deux dernières photos accablantes est pourtant déjà connue. Et depuis sept ans. Or, il ne s'agit en aucun cas de l'épouse du soldat d'Azovstal.

Les outils de recherche d'images inversée, comme celui-ci proposé par Google, ou encore celui-ci, permettent ainsi de mettre un nom sur le visage de cette activiste d'extrême droite. Il apparaît que celle-ci est bien de nationalité ukrainienne mais s'appelle Vita Zaverukha. Elle s'était fait connaître en 2014, en pleine guerre civile dans une Ukraine déjà déchirée par le conflit entre Kiev et sécessionnistes pro-russes. Elle avait notamment abusé le magazine Elle dans un numéro daté du 14 au 20 novembre 2014 et consacré aux combattantes volontaires ukrainiennes. Elle y affirmait s'appeler Sveta et s'y décrivait comme une simple "secrétaire et engagée volontaire dans un groupe d’autodéfense", sans afficher ses opinions extrémistes.

L'hebdomadaire féminin avait sans tarder présenté ses excuses, comme l'a relevé RFI dès le 1er janvier 2015, en découvrant les positions exprimées par la jeune femme sur les réseaux sociaux et son goût pour les poses auprès de croix gammées. Le lendemain, Les Inrocks précisaient encore: "Vita Zaverukha poste régulièrement des clichés d’Adolf Hitler, des reliques du Troisième Reich."

• Un salut fasciste difficile à retracer mais qui remonte à une dizaine d'années

Si l'identification de Vita Zaverukha en t-shirt nazi ou brandissant une bannière glorifiant le même régime ne laisse aucune place au doute, le cas du cliché représentant les trois jeunes filles au bras droit dressé dans un même salut fasciste est plus complexe. La recherche inversée n'autorise pas à confirmer ou infirmer la nationalité ukrainienne de ce groupe. En revanche, cette investigation révèle que la photo a notamment été reprise par des sites polonais.

Surtout, elle démontre que l'image circule depuis longtemps, en l'occurrence depuis 2010 au moins, soit douze ans en amont. D'ailleurs, ce post n'a pas attendu l'intervention de Kateryna Prokopenko sur notre plateau et les accusations portées contre elle pour se propager sur internet, au point de devenir un mème - c'est-à-dire une image propice au détournement et régulièrement publiée dans différents contextes dans un but humoristique ou politique. Jamais, pourtant, le nom de Kateryna Prokopenko n'y avait été associé.

Céline Pitelet, Santa Tardieux avec Robin Verner