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Pourquoi transformer sa vieille voiture en électrique flirte avec l'illégalité

Transformer une (vieille) voiture thermique en électrique, c'est le pari du rétrofit. Un pari pratiquement impossible à mettre en place en France.

Transformer une (vieille) voiture thermique en électrique, c'est le pari du rétrofit. Un pari pratiquement impossible à mettre en place en France. - Ian Motion

Le remplacement d'un moteur thermique par un système électrique est très encadré en France, transformant tout projet en mission quasi-impossible. Une association milite pour qu'une loi permette de faciliter l'opération, comme c'est déjà le cas chez nos voisins européens.

Pour certains, c'est un sacrilège. Pour d'autres, c'est une activité promise à un bel avenir. Cette pratique relativement récente, c’est le "rétrofit électrique". Il s’agit de prendre une voiture existante, et de la modifier avec une technologie plus récente, ici en installant un moteur électrique et une batterie, à la place du moteur essence ou diesel.

Ainsi, aux Etats-Unis, ont déjà été transformés en voiture zéro émission un Combi Volkswagen ou une Ferrari. En France en revanche, transformer son vieux diesel en électrique relève du parcours du combattant. L'homologation de ces néo-électriques pose en effet problème.

Une Mini électrifiée, mais sans-papiers 

Certains ont pourtant tenté d'en faire un business. Ainsi, en 2016, une start-up française baptisée Ian Motion s'est lancé sur ce créneau, pour convertir des Mini (version originale) à l'électrique. A l'époque, l'un des fondateurs évacuait rapidement cette question d'homologation. 

"C’est clairement un problème, mais seulement en France. Si nous devons homologuer véhicule après véhicule, ce sera très compliqué. De plus, pour certains véhicules comme l'Austin Mini, le constructeur n’existe plus, impossible donc de bénéficier de son aide", nous expliquait Roland Schaumann, qui misait alors sur un développement à l'étranger.

Trois ans plus tard, Roland Schaumann expose au salon Rétromobile à Paris (jusqu'au 10 février) le dernier prototype d'Austin Mini originale transformée en électrique. A côté du premier démonstrateur avec sa carrosserie arborant un joli bleu pâle, la voiture est encore sous camouflage. Les précommandes viennent tout juste d'ouvrir sur le salon, mais pas sûr que les clients puissent rouler avec cette voiture en France.

La Mini convertie à l'électrique sur le stand de Ian Motion
La Mini convertie à l'électrique sur le stand de Ian Motion © JB

Prix de la transformation: 40.000 euros tout compris. A l'occasion du salon, les précommandes viennent d'ouvrir. Le client fournit une Austin Mini et Ian Motion s'occupe de la récupérer, de la convertir puis de la livrer. A l'arrivée, une autonomie annoncée à 150 km avec 7 heures pour recharger la batterie de 18 kWh et une vitesse maximum de 120 km/h.

La formule comprend également l'homologation du véhicule... "quand c'est possible", précise Roland Schaumann. Si les clients allemands, italiens ou anglais pourront bien rouler en Mini convertie par Ian Motion avec un certificat d'immatriculation en règle, cette étape reste encore un parcours du combattant en France.

Un avis technique demandé aux constructeurs...

Contrairement aux véhicules neufs, avec une homologation dans un des pays membres de l'Union européenne qui permet ensuite de le vendre dans tout le continent, les véhicules anciens sont soumis à d'autres règles. Elles sont fixées au niveau national et sont plus ou moins souples pour autoriser des modifications sur le moteur et le reste du véhicule. 

"On ne pas obtenir de carte grise française: la libre-circulation des biens permet de circuler partout en Europe sans contrainte particulière mais impossible d'avoir un certificat d'immatriculation, explique Roland Schaumann. Le gros problème en France, c'est qu'on demande l'avis technique du constructeur d'origine, qui n'est pas tenu de répondre, peut refuser sans avoir à se justifier ou, dernier cas, s'il dit oui il a un droit de regard sur toutes les technologies utilisées et peut donc les récupérer." 

Du côté des constructeurs français, personne ne semble avoir entendu parler du rétrofit. Par exemple, chez Renault, aucune demande n'aurait jamais été déposé pour une telle modification. Et c'est sans compter les marques disparues. Il faut alors remettre la main sur les certificats d'homologation du véhicule désiré, ce qui peut être assez compliqué. 

En résumé, pour un propriétaire français d'une ancienne Mini intéressé par une conversion par Ian Motion, il faudrait donc immatriculer le véhicule dans un des pays autorisant ces modifications. Problème: pour immatriculer un véhicule en Allemagne par exemple, il faut y disposer d'une résidence, ce qui rend peu probable ce contournement de la législation française. Un vrai parcours du combattant.

Obtenir un cadre légal pour le rétrofit

"On arrive à une situation incohérente où un véhicule a le droit de rouler en France mais ne peut pas y être immatriculé", résume Arnaud Pigounides, reprenant l'exemple de notre Mini sans-papiers.

Ce fondateur de Retrofuture, une autre entreprise spécialisée dans le rétrofit, a créé une association pour faire bouger les choses en France. L'Aire (Acteurs de l'industrie du rétrofit électrique) milite pour convaincre les autorités de l'intérêt de cette conversion des voitures anciennes dans le contexte actuel de prise de conscience environnementale. 

"Le rétrofit devrait être intégré dans la prochaine loi sur les mobilités, nous y travaillons. En proposant une procédure sérieuse entourant les projets de conversion, les organismes d'homologation pourront être rassurés concernant le point essentiel qu'ils sont chargés de vérifier: la sécurité, détaille Arnaud Pigounides. Le marché est tout juste en train de monter en Europe, mais c'est encore balbutiant. On sent cette demande croître depuis 2 ans environ. Il faut développer notre cadre légal maintenant, il est encore temps."

66.000 voitures rétrofittées en 2025 en France

Pour convaincre, l'association met également en avant le potentiel en termes d'emploi. Si une loi était votée dans les prochains mois, entre 2020 et 2025, près de 66.0000 voitures pourraient être "rétrofitées" en France. A la clé, plus 1,08 milliard d'euros de chiffre d'affaires cumulé sur cette période et plus de 5500 emplois. Et les constructeurs peuvent être rassurés sur leurs ventes de voitures électriques, tout comme les amateurs de voitures de collection avec moteur d'origine: le volume des transformations réalisées ne représenterait que 0,11% du parc des véhicules particuliers en France et 0,44% pour les utilitaires. 

Julien Bonnet