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Pourquoi les véhicules Tesla pourraient toujours bénéficier du bonus écologique annoncé par Emmanuel Macron

Alors que ses ventes ont bondi en 2023 grâce au bonus écologique, les Model Y de Tesla pourraient encore bénéficier de la subvention publique: le critère retenu sera celui de l'empreinte carbone de la batterie et non celui de la production locale. Explication.

Protéger l’industrie française ou protéger la planète? Hier Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d’un nouveau bonus écologique qui ne concernera plus tous les véhicules électriques. Si certains qualifient cette mesure de protectionniste, le chef de l’Etat s’en défend et parle lui d'empreinte carbone.

Il ne suffira plus aux véhicules de n’émettre aucun gaz à effet de serre pour bénéficier du bonus, mais il faudra que d’un bout à l’autre de la chaîne de production, il respecte des critères environnementaux stricts.

A quoi bon après tout acheter une voiture propre en France si elle a été fabriquée dans une usine alimentée par des centrales à charbon?

Une initiative louable mais qui risque de complexifier le dispositif. Aujourd'hui, c'est très simple. Vous bénéficier d'une aide de 5000 euros sans condition de revenu (7000 euros pour les moins aisés) pour l’achat de n’importe quel véhicule électrique neuf de moins de 47.000 euros et de moins de 2,4 tonnes. Avec la nouvelle formule qui sera dévoilé dans le futur projet de loi "industrie verte", ce ne sera plus automatique.

Un "bonus patriotique"?

Mais du bonus écologique au "bonus patriotique" il n’y a qu’un tout petit pas. Et c’est Tesla qui a entre autre poussé l’exécutif à revoir son dispositif.

En début d’année, le fabricant américain a baissé drastiquement les prix de ses modèles, notamment celui du Model Y, le mini-SUV, qui est passé juste sous la barre des 47.000 euros (45.990 euros précisément à date). Il peut donc bénéficier du rabais financé par l'Etat de 5000 euros.

Résultat: les ventes du véhicule américain ont bondi en avril de 1800% sur un an. Depuis le début de l’année, ce sont 10.700 Model Y qui ont été écoulés par l'américain. Des milliers d’acheteurs français annulent leurs commandes de Renault ou de Peugeot pour bondir sur la Tesla.

On se retrouve donc dans une situation où on subventionne avec de l’argent public des véhicules haut de gamme qui plus est fabriqués en Chine (ce qui est le cas de la Model Y d'entrée de gamme, même si une partie de la production de la version "Propulsion" d'entrée de gamme est désormais assurée par l'usine de Berlin depuis quelques semaines). 40% des bonus versés le sont actuellement pour des modèles "made in China".

Mais quels véhicules électriques pourront bénéficier du bonus à l’avenir ?

Le chef de l’Etat a dit vouloir privilégier dans cette optique la production en Europe considérée comme a priori plus vertueuse. Sauf que du côté de Bercy qui planche sur le futur bonus on assure qu’il n’y aura aucun critère de production locale. Autrement dit: si vous produisez "proprement" votre voiture en Chine ou au Canada vous pourrez bénéficier du bonus. Si vous produisez "salement" en France ou en Allemagne, vous n’en bénéficierez pas.

La Dacia Spring pourrait ne plus avoir de bonus

"Nous sommes en train de définir les critères, un travail technique est en cours, indique-t-on du côté du ministère de l'Economie. L’évaluation de l’impact environnemental se fera sur la batterie, l’acier qui compose le véhicule ainsi que l’intégration de matériaux recyclés."

Si les normes en la matière sont moins contraignantes en Chine qu'en Europe, on peut penser que de fait les véhicules fabriqués là-bas seront défavorisés. Mais quid des véhicules Tesla fabriqués aux Etats-Unis et vendus en Europe (Model S et Model X) ou en Allemagne comme c'est le cas d'une partie des Model Y?

Certes, les versions de Model Y produites en Allemagne étaient jusqu'ici les plus coûteuses (Grande Autonomie et Performance) à plus de 50.000 euros, donc non-éligible au bonus. Mais avec une accélération de la production et des effets d'échelle, le constructeur américain a démontré par le passé qu'il était capable de compresser ses coûts et donc ses prix. De quoi bénéficier à nouveau du bonus...

L'autre paradoxe c’est que le véhicule électrique le plus populaire, celui des classes les moins aisées, est certes français... mais produit en Chine. Il s'agit de la Dacia Spring, proposée aujourd'hui à partir de 20.800 euros (hors bonus). Il y a fort à parier qu'elle ne respecte pas les critères d'empreinte carbone qui seront dévoilés dans les prochaines semaines par le gouvernement.

Comme toujours avec la question environnementale, les produits vertueux sont les plus chers et donc inaccessibles pour les ménages les moins aisés.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco