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Normes anti-pollution Euro 7: Bruxelles ménage les industriels

Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, présentait ce matin des propositions sur les nouvelles limites d'émissions polluantes, les normes "Euro 7". Un texte redouté par l'industrie automobile, mais qui apparaît finalement moins contraignant que prévu.

Après avoir voté l'interdiction de vente des voitures thermiques dans l'Union Européenne en 2035, Bruxelles met un peu d'eau dans son vin. La proposition concernant la norme Euro 7 - qui vise à limiter les émissions polluantes et nocives pour la santé humaine et la qualité de l'air (mais ne concerne pas les émissions de CO2) -ne diffère pas beaucoup des normes actuellement en vigueur, fixées il y a 12 ans.

Le texte divulgué ce matin ne relève que très peu les exigences en termes d'émissions d'oxydes d'azote ou de monoxyde de carbone pour les voitures particulières. Pour l'oxyde d'azote par exemple, le projet Euro 7 arrête le curseur à 60 milligrammes par kilomètre pour tous les véhicules légers qui sortiront d'usine à compter du 1er juillet 2025. Aujourd'hui, le seuil est fixé à 60 milligrammes par kilomètre pour les voitures à essence et à 80 milligrammes pour les modèles diesel.

Une réglementation durcie pour les camions et les bus

Le texte durcit en revanche les normes pour les camions et les bus. Selon les calculs de la commission européenne, d'ici 2035, la nouvelle réglementation Euro 7 va permettre de réduire de 56% les émissions d'oxyde d'azote pour les poids lourds et diminuer de 39% leurs particules fines.

"Certains vont reprocher à la Commission d'être trop ambitieuse, d'autres de ne pas l'être assez", a résumé Thierry Breton.

"C'est bien la preuve que nous avons trouvé le bon équilibre" a ajouté le commissaire européen au marché intérieur.

Les industriels du secteur insatisfaits malgré tout

Marc Mortureux, le directeur général de la Plateforme automobile (PFA), organisation qui réunit les grands acteurs du secteur automobile français, reconnaît de son côté que le texte divulgué ce matin peut paraître clément pour le secteur au premier abord.

"Dans l'affichage, les valeurs limites d'émissions ne bougent pas beaucoup", nous explique-t-il.

"Mais la question est de savoir comment on respecte ces valeurs, dans quelles conditions, comment sont réalisés les tests. Tout cela est extrêmement technique et je ne suis pas certain que ce projet Euro 7 soit si favorable au secteur automobile finalement", poursuit-il.

Le ton est le même chez l'association des constructeurs européens d'automobile. "L'impact sur l'environnement de cette proposition est très limité, alerte Oliver Zipse, président de l'ACEA et directeur général de BMW, "alors qu'elle augmente considérablement le coût des voitures".

A quels coûts pour les constructeurs et les consommateurs?

Pour répondre à la réglementation Euro 7, qui est encore loin d'être adoptée, les constructeurs vont devoir en effet mettre aux normes leurs véhicules.

"Cela ne coûtera pas plus de 100 euros supplémentaires par voiture", a assuré ce matin Thierry Breton. Ce calcul est loin d'être validé par tous.

"Pour le moment c'est très difficile de chiffrer le surcoût causé par Euro 7", estime Marc Mortureux. Certains constructeurs sont nettement plus alarmistes. Selon Luca de Meo, le directeur général de Renault, les voitures pourraient augmenter de milliers d'euros avec cette nouvelle réglementation.

Un budget que les industriels préféreraient allouer à l'électrification de leur gamme. L'électrique n'a d'ailleurs pas été oublié ce matin par Thierry Breton. Lors de sa conférence de presse, le commissaire européen a insisté sur un point crucial selon lui: les voitures électriques sont elles aussi polluantes. Elles sont en moyenne 40% plus lourdes qu'une voiture thermique et cela a des conséquences sur les freins et sur les pneus. Le projet de réglementation Euro 7 veut ainsi limiter les émissions de particules lors du freinage et de microplastiques par les pneus.

Les écologistes très critiques
"C'est très insuffisant. La Commission choisit de préserver les profits de l'industrie automobile plutôt que la santé des citoyens", a déploré Lucien Mathieu de l'ONG Transport & Environment. Il dénonce l'influence des pays constructeurs d'automobiles comme la France, l'Italie et l'Allemagne. Une critique reprise par Karima Delli. "Le lobbying des constructeurs automobiles a fait son effet", a regretté l'eurodéputée écologiste. Une opinion partagée par l'association Respire. "C’est une victoire pour le lobby de l’automobile ! En l’état, la norme Euro 7 sera un ralentissement dans la reconversion vers les véhicules à faibles émissions, au détriment de la santé publique", dénonce Tony Renucci, directeur général de l’association. Karima Delli précise qu'"au Parlement, nous ferons tout pour améliorer le texte". Des discussions doivent désormais avoir lieu avec les Etats membres et le Parlement européen.

Justine Vassogne, avec Pauline Ducamp