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Essai - Ford Ranger Raptor, un pick-up sans complexe et sans malus

Ford a renouvelé son pick-up, le Ranger.

Ford a renouvelé son pick-up, le Ranger. - Antoine Larigaudrie

Par un tour de passe-passe réglementaire européen, le nouveau millésime du Ford Ranger est désormais importé sans pénalités fiscales. L’occasion pour le constructeur américain de pouvoir vendre sur le marché français sa déclinaison surpuissante Raptor V6 essence.

Ford domine depuis des années le marché très fermé du pick-up. Et ce n’est pas près de s’arrêter. Sur un marché réduit à sa portion congrue ces dernières années après une série de mesures fiscales défavorables (quelques milliers de véhicules par an tout au plus), le pick-up est devenu la bête noire des régulateurs et de l’opinion publique, étant jugé inutile, trop polluant et trop lourd.

Malgré tout, il reste indispensable à un certain nombre de segments professionnels (BTP/construction, services aux collectivités, artisans, professionnels de la montagne et de la forêt…), et sur ce petit marché, le Ford Ranger a toujours eu une longueur d’avance sur ses rares concurrents (Toyota, Nissan, Mitsubishi, Volkswagen), surtout depuis que plusieurs marques ont renoncé à commercialiser leurs pick-up sur le marché français (Renault Alaskan, Fiat Fullback et Mercedes X).

Homologation: la fin d’un casse-tête réglementaire

Même si certains de ces véhicules bénéficient de quelques mesures plus favorables ou atténuant certaines pénalités, le principal point noir est le double malus CO2 + poids appliqué aux pick-up "double cabine" à 5 places et 4 portes, qui l’a condamné à ne plus être qu’un véhicule strictement professionnel. Seuls les modèles "cabine club" ou "Supercab" (deux places et deux strapontins d’appoint à l’arrière maximum) arrivent à être encore économiquement viables sur le marché français.

Ce Ford Ranger Raptor est équipé d'un V6 biturbo essence.
Ce Ford Ranger Raptor est équipé d'un V6 biturbo essence. © Antoine Larigaudrie

Mais Ford, pour le millésime 2023 de son best-seller Ranger, a obtenu une homologation européenne en tant que camion à plateau. Et là miracle: plus de malus. Le nouveau modèle est donc disponible en cabine club, double-cabine et même en déclinaison sportive, le Raptor, désormais équipé d’un généreux V6 biturbo essence (le Raptor jusque-là n’était importé qu’en version turbodiesel). De quoi conforter à coup sûr sa part de marché largement majoritaire pour un bon moment encore, d’autant que l’engin ne manque pas de qualités et de compétence.

Le point fort: puissance et robustesse ostensible

Car ce Ranger Raptor, autant dire que c’est du brutal: 5,36 mètres de long, un peu plus de 2 mètres de large et une hauteur d’1,92 mètre. Le seul engin ayant à peu près ce gabarit étant le Land Rover Defender 130, autant dire qu’on a affaire à un des engins les plus imposants du marché. Les marchepieds en métal et les poignées pour se hisser dans l’habitacle vous rappelleront le côté exceptionnel de ce véhicule, juché sur des pneus tout-terrain de 285, naturellement haut sur pattes (26 centimètres de hauteur châssis, contre 18 pour un SUV Toyota Rav4) et doté d’une peinture orange sombre soulignée de décorations pour le moins visibles, qui finissent de souligner le côté agressif et puissant de ce Raptor décidément très intimidant.

Les dimensions du Raptor sont impressionnantes: 5,36 mètres de long, un peu plus de 2 mètres de large et une hauteur d’1,92 mètre.
Les dimensions du Raptor sont impressionnantes: 5,36 mètres de long, un peu plus de 2 mètres de large et une hauteur d’1,92 mètre. © Antoine Larigaudrie

Le châssis, développé conjointement avec Volkswagen, donne une impression de robustesse à toute épreuve. Réalisé en acier haute résistance, il cumule les points de force, tractage et remorquage, qui permettent de tracter jusqu’à 2,5 tonnes, soit un peu plus que son propre poids. Même le renforcement de l’habitacle permet de porter jusqu’à 350kg sur le toit en mode statique, et 80 en dynamique.

Confort et praticité optimisés

A l’intérieur de l’habitacle, on se retrouve dans un véhicule très confortable et accueillant, avec des matériaux robustes (plastiques rigides) mais très bien exécutés, une sellerie chatoyante, des sièges sport très confortables, et une ergonomie intérieure permettant même l’implantation d’une très bonne instrumentation numérique, ainsi que d’un grand écran central vertical "à la Tesla". Grâce à lui, vous retrouverez un système d’infotainment de qualité et de toutes les options de connectivités (Apple, Android etc…). Les places arrières sont elles aussi confortables faute d’être vraiment spacieuses, surtout au milieu à cause du tunnel de transmission (on est à un niveau d’habitabilité d’une compacte moyenne, de type Golf). Enfin mention spéciale pour le système audio Bang et Olufsen, d’une qualité tout bonnement exceptionnelle.

L'habitacle du Ford Ranger Raptor.
L'habitacle du Ford Ranger Raptor. © Antoine Larigaudrie

Et puis un pick-up, c’est aussi une benne de chargement qui se révèle comme une vraie pièce à vivre. Avec 1,6 mètre de long sur ce double-cabine, recouvrable par un volet électrique coulissant, elle est équipée d’une prise de courant 220v pour d’éventuels outils électriques (ou une machine à café), ainsi que de différents points d’attache, parfaits pour organiser un chargement qui peut atteindre 622 kilos. On peut même y mettre une petite table et deux chaises de camping pour un pique-nique.

Un monstre de puissance mécanique

Place à la mécanique. Et là, on se retrouve devant un sacré plat de résistance, en appuyant sur le bouton start/stop. Vous serez réveillé par une énorme grondement, suivi d’un ralenti très grave digne d’un remorqueur de haute mer. Si certains seront déçus par l’absence de V8 comme en Amérique, qu’ils soient rassurés, le V6 3 litres biturbo Ecoboost s’avère fort capable. D’une forte puissance (mais pas excessive à 292 chevaux) et d’un couple impressionnant de 492 Nm, doté d’une transmission intégrale permanente à modes multiples et d’une boîte automatique à 10 vitesses, il n’a aucun problème à propulser vivement ce monstre de 2,4 tonnes.

Le V6 du Raptor développe 262 chevaux.
Le V6 du Raptor développe 262 chevaux. © Antoine Larigaudrie

Et grâce à une direction correctement calibrée et de suspensions réglables à grand débattement, il s’avère, de manière très surprenante, très simple et agréable à mener en ville, malgré son calibre très intimidant. Avec même l’impression de survoler les nombreux SUV dans le trafic. Même se garer est loin d’être une galère, encore une fois grâce à une direction bien étudiée, sans pour autant avoir recours à 4 roues directrices, et grâce aussi aux caméras de parking qui aident bien. Même les rampes de parking souterrain serrées ne lui font pas peur.

Mais surtout, c’est le punch incroyable de cet engin qui retient l’attention. Les accélérations sont violentes, et même si les chronos ne sont pas foudroyants (avec un 0 à 100km/h aux alentours des 8 secondes), on ressent de manière directe la puissance herculéenne du Raptor, qui se permet en plus d’être relativement agile en virage, malgré son poids naturellement très élevé. Même s’il convient de conduire avec humilité et anticipation, le freinage en particulier s’avère très efficace, et ne nécessite pas de coups de pédale acharnés pour ralentir. Et puis quelle sonorité! La ligne d’échappement dispose de plusieurs positions, dont une "Sport" qui réveillera tout le voisinage en cas de forte accélération ou de passage dans un tunnel. Un vrai rugissement d’anthologie souligné par la soufflerie des turbos, tout aussi saisissant que celui d’un gros V8.

Notre essai cette semaine, le Ford Ranger Raptor.
Notre essai cette semaine, le Ford Ranger Raptor. © Antoine Larigaudrie

Un tout-terrain hors pair

Quant aux capacités en tout-terrain de ce Ranger Raptor, elles sont exemplaires. Avec une multitude de modes de traction et de réglages de suspensions, on arrive à se tirer de toutes les situations même les plus corsées avec un vrai sentiment de facilité. Grosses ornières boueuses, montées caillouteuses et chemins de randonnées escarpés et rocheux peuvent être envisagés sans aucun problème, avec des blocages très sécurisants partout, efficaces même dans des positions très scabreuses. Le Raptor passe partout avec finesse et aisance.

Enfin, il existe un mode "Baja", inspiré des grandes courses de 4x4 en Basse-Californie. Il se distingue déjà par une libération totale de l’échappement (tout le monde saura que vous avez un Raptor à des kilomètres à la ronde), une rigidification de la suspension et de la direction, une plus forte réactivité de l’accélérateur. Avec pour but de rendre l’engin capable de rouler à très haute vitesse sur les pistes sableuses et caillouteuse. Disponible uniquement en hors-piste dégagé, il transforme le Raptor en véritable boulet de canon capable de rouler a des allures folles sur des terrains fort peu praticables. Un must, à réserver aux initiés.

Le point noir: une bête noire environnementale

Il est difficile de trouver des défauts objectifs à ce Ranger Raptor, tant ils sont liés à son essence même d’engin rugueux et destiné avant tout au transport de charges et au franchissement. Alors oui, son encombrement le rendra difficilement logeable dans la plupart des parkings publics en ville à la hauteur limitée, son encombrement rendra tout de même les manœuvres pour se garer un peu compliquées, et son poids ainsi que sa consommation (13,8 litres au 100 kilomètres selon les normes constructeur) en font l’ennemi public numéro 1 en matière de considérations écologiques, surtout avec des rejets de CO2 qui dépassent allègrement les 300g/km.

Ce Ford Ranger Raptor est vendu plus de 68.000 euros.
Ce Ford Ranger Raptor est vendu plus de 68.000 euros. © Antoine Larigaudrie

Mais rarissimes seront les engins aussi capables pour tracter et déplacer des charges lourdes tout en garantissant à ses passagers de très bonnes conditions de confort, y compris sur route et en ville. Le tout avec en plus une touche "fun" et décomplexée que Ford sait entretenir savamment, tout comme sur son utilitaire Transit Custom avec ses finitions sport (dont le MS-RT essayé précédemment). Il permettra axu professionnels d’avoir, en un seul produit, un utilitaire aux capacités incomparables et un véhicule plaisir très bien étudié et pour le moins performant et séduisant.

Et le marché français n’étant pas pour le moment une priorité pour le segment des pick-up zéro émission -qui serait pourtant salutaire- en attendant, Ford propose ce qui se fait sans doute de mieux en la matière. Et à 68.400 euros TTC sans malus, on pourrait même y voir une bonne affaire.

Antoine Larigaudrie