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Les voleurs se professionnalisent, comment protéger son vélo?

Le  vol de vélos se multiplient et les méthodes des voleurs se perfectionnent

Le vol de vélos se multiplient et les méthodes des voleurs se perfectionnent - Aurore MESENGE

Avec la pénurie et la crise sanitaire, les vélos valent de l'or et des réseaux de voleurs très organisés dérobent les modèles les mieux protégés. Marquage, antivol, alarmes, géolocalisation... est-il possible de se protéger contre le vol?

En se faisant rare et de plus en plus utile, le vol de vélos se professionnalise avec des groupes organisés qui font de véritables razzias dans les grandes agglomérations grâce des méthodes de plus en plus perfectionnées.

Difficile d'obtenir des chiffres précis du nombre de vols. Le ministère de l'Intérieur ne dispose d'aucuns chiffres récents et ne nous a pas dévoilé le nombre de plaintes déposées. Les dernières données officielles remontent à 2018 et proviennent l'enquête "Cadre de vie et sécurité" de l'Insee. Il y a trois ans, "les vols et tentatives" affichaient un total de 361 000.

Difficile d'imaginer que ce chiffre est stable et encore moins à la baisse. Si le ministère de la Transition écologique évalue à "environ" 300.000 le nombre de vélos volés par an, le site Veloperdu.fr estime que "1076 vélos sont volés chaque jour en France, soit 400.000 par an". Encore une estimation qui pourraient être hélas en deçà de la réalité.

Avec la pénurie et la crise sanitaire, les vélos à assistance électrique (VAE) sont devenus des objets de convoitise aussi facile à voler qu'à revendre. Chaque jour, la police appréhende des voleurs de tous niveaux. Récemment, en plein Paris, un cycliste qui pilotait un VanMoof flambant neuf s'est fait "bike jacker". En mars, le chauffeur d'un diplomate russe a été arrêté. Il revendait sur Leboncoin des centaines de vélos pour une valeur estimée à plus de 100.000 euros. Chaque jour en France des milliers de vélos disparaissent pour alimenter des réseaux de revente de plus en plus "professionnalisés".

Il y a toujours des petits voleurs, mais aujourd'hui nous sommes confrontés à des réseaux européens quasi mafieux qui vu l'ampleur du butin sont à la pointe des technologies de protection", confirme à BFM Business Olivier Schneider, président de la (Fédérations des usagers de la bicyclette).

Crocheteurs de haute volée

Les vols de VAE visent surtout les particuliers même ceux qui laissent leur vélo dans des cours d'immeuble à l'abri des regards. Pour opérer, finies les meuleuses ou les coupe-boulons, trop bruyants et trop voyants surtout en période de confinement avec un couvre-feu à 19 heures. Pour être discrets, les voleurs crochètent les serrures des antivols en quelques secondes. Cette mésaventure est arrivée à Yvon (le prénom a été modifié). Son vélo attaché à un point fixe dans la cour de son immeuble a disparu un beau matin. Il ne restait que le U refermé.

J'ai investi 129 euros dans un U plutôt haut de gamme présenté comme sûr, et j'en suis pour mes frais. Désormais, j'hésite vraiment à racheter un nouveau vélo", nous a confié ce vélotaffeur parisien.

Une autre victime, Carole B., pensait être à l'abri avec deux antivols.

Ca n'a pas arrêté les voleurs. Ils ont ouvert les antivols comme s'ils avaient les clés et les ont laissés", raconte Carole qui a tout de même décidé de racheter un vélo. "Maintenant, j'ai l'angoise de me faire à nouveau voler".

Le crochetage exige du doigté et de l'expérience. Sur Internet, certains se vantent même sur des vidéos de pouvoir ouvrir sans effort des modèles haut de gamme en moins de 30 secondes.

Nous menons une véritable course contre cette délinquance de plus en plus expérimentée, mais le crochetage vise surtout les serrures basiques qui équipent les antivols en U à bas prix. Pour des modèles haut de gamme, c'est un travail d'experts, il y en a peu, mais ils existent et ciblent les plus belles pièces", explique à BFM Business, Florian Plumail, marketing manager sécurité mobile de la marque Abus, l'un des leaders du marché.

Pour déjouer ces méthodes, Abus développe une nouvelle serrure chaque année avec des canons créés par des algorithmes pour changer la disposition des éléments. La société va désormais plus loin avec les SmartX, des antivols connectés sans serrure. Ils s'ouvrent et se ferment avec un smartphone ou une télécommande.

Le dernier créé par Abus est le Bordo 6500A. Ce modèle connecté est en plus équipé d'une alarme de 100 db si on tente de le forcer et déclenche une alerte dès qu'on y touche. Pour s'offrir cette "rolls" de l'antivol, il faut débourser entre 200 euros et 300 euros. Une somme pharamineuse quand la plupart des clients lésinent déjà à mettre entre 80 et 100 euros pour protéger leur monture comme le constatent les vendeurs de vélos.

Les techniques de dissuasion

Après avoir cassé leur tirelire pour un vélo, peu acceptent d'investir dans un antivol. Ils achètent des modèles d'entrée ou moyen de gamme en s'appuyant sur les normes agréées par les assureurs", indique Pierre-Olivier Lamand, chargé de communication pour le réseau Holland Bikes qui vend des vélos et s'est spécialisé dans la protection. "Nous tentons de convaincre qu'il faut investir environ 10% de la valeur d'un vélo et que quelques règles doivent être respectées".

Ce spécialiste conseille d'adopter une stratégie de dissuasion en installant plusieurs dispositifs comme un U avec un câble en privilégiant des marques spécialisées comme Abus ou Kryptonite et éviter celles proposées à bas prix par les chaines de grande distribution.

Il conseille aussi d'installer deux dispositifs de marques différentes qui nécessiteront de passer du temps pour les fracturer. Et pourquoi pas aussi des systèmes d'alarmes et de géolocalisation que l'on trouve à partir d'une centaine d'euros, comme ceux d'Invoxia qui se dissimulent dans des accessoires ou dans le cadre du vélo.

Les voleurs veulent aller vite, ne pas se faire remarquer, ne pas être tracé par une appli et être sûrs de pouvoir vendre rapidement", explique Pierre-Olivier Lamad en conseillant de "ne pas laisser sa batterie et toujours attacher son vélo à un point fixe et en hauteur pour ne pas faciliter la découpe du U à la disqueuse et au coupe boulon".

Pour la FUB qui publie régulièrement des sélection des meilleurs antivols, investir dans un bon U ou un système de traçage, même pour un vélo sans grande valeur est indispensable. Enfin, le marquage reste une arme supplémentaire de dissuasion.

Quel que soit l'antivol, les voleurs ne reculeront devant rien. Il est aussi important de faire marquer son vélo et de l'assurer", conseille Olivier Schneider, président de la FUB, en rappelant que seulement un tiers des vélos volés sont retrouvés et une infime partie est restituée à leur propriétaire.

Freiner le recel par le marquage

Le marquage, obligatoire depuis le 1er janvier pour les vélos neufs et à partir du 1er juillet pour ceux vendus d'occasion par les professionnels, joue un rôle de dissuasion. Il freine la revente puisqu'un un vélo gravé est difficile à revendre sous le manteau et l'acquéreur devient judiciairement un receleur. Le tarif varie de 5 à 50 euros selon la technique employée par les organismes agréés : Bicycode, Paravol, Auvray, Recobik, et bientôt Decathlon.

Mais aussi, seul un vélo marqué récupéré par la police peut être rendu à son propriétaire. Actuellement, sur 400.000 vélos volés, 100.000 sont retrouvés, mais une infime partie est restituée faute d'identifier les propriétaires. Encore faut-il que les vélos volés ne soient pas vendus à l'étrangers comme le font généralement les réseaux organisés. Une enquête du Parisien avait mis à jour une filière vers le maghreb.

"C'est pour cela que le marquage doit être étendu à à l'international, sa vocation n'est pas d'être limitée aux frontières françaises", déclare Olivier Schneider qui milite pour que l'Europe adopte cette méthode.

En effet, les vols de vélos ne se limitent pas à la France. Selon les statistiques publiées par le site Veloperdu, le trio de tête sont les Pays Bas (900.000 vélos volés), la Grande-Bretagne (686.000) et l'Allemagne (600.000). La France est en 4e position.

Cette situation a des conséquences directes sur l'adoption du vélo dans la mobililté urbaine. Selon une étude du bureau de recherche 6t publiée en septembre dernier, 46% des cyclistes déclarent qu'il leur arrive de renoncer à utiliser leur vélo par crainte du vol, une proportion qui atteint 60% chez ceux en ayant déjà été victimes. Et nombre de ceux qui désirent s'en offrir un ne le feront pas sans locaux sécurisés qu'ils soient publics ou privés.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco