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Incendie meurtrier à Strasbourg: la mémoire "sélective" d'un accusé

L'incendie est survenu dans le quartier de la gare à Strasbourg, dans la nuit du 27 février 2020.

L'incendie est survenu dans le quartier de la gare à Strasbourg, dans la nuit du 27 février 2020. - Sdis Bas-Rhin/BFMTV

L'incendie a eu lieu dans la nuit du 26 au 27 février 2020, dans un immeuble de Strasbourg. Cinq personnes sont mortes.

"Je ne m'en rappelle plus": au procès des incendiaires présumés d'un immeuble de Strasbourg en 2020, un drame qui a fait cinq morts, l'interrogatoire des accusés vendredi devant les assises a laissé bien des questions en suspens.

Ils sont deux à se succéder à la barre, pour répondre de leurs agissements la nuit du 26 au 27 février 2020. Il y a Sassoun Azarian, 24 ans, qui cachait son cannabis dans l'immeuble. Il réfute être un "dealer", même s'il reconnaît qu'il "dépannait" des "clients", et que ce n'était "pas gratuit".

Et puis il y a Munasar Ali Abdullahi, 25 ans, regard perdu derrière d'épaisses lunettes noires. L'enquêtrice de personnalité a relevé chez lui "un retard de développement moteur et intellectuel", son QI a été mesuré à 53. L'expert psychiatre, au contraire, n'a décelé "aucune anomalie mentale" chez cet accusé qui "ruse, fabule et a réponse à tout".

C'est lui qui répond le premier au président du tribunal. Le magistrat l'interroge sur ses déclarations au cours de l'enquête, lorsqu'il a minoré son implication et mis en cause son ami, affirmant que Sassoun Azarian avait "jeté volontairement sa cigarette" qui a incendié la colonne électrique, et que ce "n'était pas un accident".

"C'est un accident"

"Je ne me rappelle plus" soutient l'accusé. "Vous avez dit avoir vu votre ami avec sa cigarette, près du disjoncteur", reprend le président, Antoine Giessenhoffer. "Je ne me rappelle plus". "C'est pour ça que je vous rappelle vos déclarations".

"Sur le coup (lors de l'interrogatoire du juge d'instruction, NDLR), j'étais stressé, paniqué, je voulais m'en sortir, j'ai dit n'importe quoi. Mais nous deux, on n'a rien à voir dans l'histoire. On a tué personne, c'est un accident, c'est comme ça".

L'échange dure une vingtaine de minutes, sans que le tribunal ne parvienne à sortir de l'impasse. Même poussé dans ses retranchements, Munasar Ali Abdullahi fait allusion à un supposé handicap pour éviter de répondre sur le fond.

"Ma santé mentale, elle est pas bien, elle me permet pas de me rappeler", dit-il en baissant la tête, avant un silence. "C'est bon, on a terminé ?".

Mais l'interrogatoire se poursuit.

"C'est curieux cette mémoire, n'est-elle pas sélective ?", fait semblant de s'interroger Alexandre Chevrier, l'avocat général. "Vous ne vous rappelez plus, c'est bien commode. Mais ce n'est pas le cas des victimes", conclut-il.

"On avait fumé"

Sassoun Azarian, à son tour à la barre, semble avoir davantage pris la mesure des événements. Mais le soir des faits, il s'est dépêché de quitter l'immeuble qui allait devenir un brasier, sans prendre la peine de prévenir les habitants ou les secours.

"On avait fumé, on avait bu, la tête n'était pas claire, pas nette", concède-t-il. "Jusqu'à aujourd'hui, je me disais 'c'est pas moi, c'est pas possible'".

Le lendemain, il s'est présenté à un policier en faction devant le bâtiment fumant. "On n'a jamais pensé que ça pouvait être à cause d'une cigarette. Si c'est à cause de nous, ça ne peut qu'être un accident", poursuit-il, incapable de dire qui de lui ou de son co-accusé a jeté le mégot fatal.

"Vous ne vous êtes pas rendu compte qu'il y avait un problème ?", l'interroge l'avocat général.

"Jamais de la vie", répète cinq fois l'accusé en haussant la voix. "Aujourd'hui, je vais voir un psychologue, je suis pas bien, je dors pas la nuit", assure-t-il.

Son avocat réclame qu'au cours du délibéré à venir lundi, la question du caractère "involontaire" de l'incendie soit posée aux jurés. Sans cela, les accusés encourent la réclusion criminelle à perpétuité.

S. B. avec AFP