Tech&Co
Apple

IA, puce M4, message envoyé : comment l’iPad est devenu une arme de communication pour Apple

Avec ses nouveaux iPad Air et iPad Pro M4, Apple a fait bien plus qu’une simple présentation de ses nouveaux produits. La marque s’en est servi pour faire passer un message et faire "imaginer" son monde de demain, tout en puissance et en IA.

En annonçant ses iPad Air et iPad Pro en plein mois de mai, juste avant sa conférence WWDC des développeurs en juin, Apple a quelque peu bousculé ses habitudes de calendrier. Hormis les années Covid et la pénurie de composants qui avaient perturbé la fabrication et les présentations de produits, tout a souvent eu un ordre et un sens du côté de l’entreprise californienne. Apple a-t-il changé sa façon de communiquer avec son événement "Imaginez"? Pas tant que ça.

Longtemps, le printemps fut consacré aux iPad et éventuellement aux nouveaux iPad Air. Les iPad Pro se refaisaient une beauté à l’automne ou à la WWDC quand ils avançaient des nouveautés marquantes (nouvelle taille, nouveau design, nouvelle technologie, etc.). Pourtant, Apple a jugé essentiel d’organiser un événement dédié aux tablettes tactiles à une période inattendue. 

"Le plus grand jour de l’iPad"

À en croire le géant californien, l’iPad a vécu "le plus grand jour de son histoire". Pourtant, les nouveautés présentées ont majoritairement ressemblé à des évolutions prévisibles. Depuis des années, l’arrivée d’un iPad Air plus grand avec un écran de 13 pouces était murmurée. L’iPad Pro avait la dalle Oled en vue depuis longtemps et une évolution vers une puce plus puissante comme une évidence. Le design affiné est un bonus non négligeable.

Apple iPad Air M2 en grand format
Apple iPad Air M2 en grand format © Apple

Mais c’est finalement le message global qui a été le plus intéressant et fait office de grand virage sous-entendu par les pontes de l'entreprise. Sur un marché des tablettes tactiles de plus en plus concurrentiel, qui reprend aussi doucement après une perte de vitesse, Apple a du fil à retordre et des ventes en baisse alors que les smartphones deviennent de plus en plus grands et rognent le segment. Il fallait donc sortir les muscles et montrer que la marque à la pomme reste le leader de la catégorie, avec la gamme la plus diversifiée… et la plus puissante. Et Apple fit feu de tout bois.

Exit l’ancien design iconique des iPad, le modèle d’entrée de gamme devient l’iPad 10e génération au design plus droit et désormais commun à toutes les tablettes maison. Il reste cependant porté par la puce A14 un peu ancienne, mais suffisante pour bon nombre d’utilisateurs, familles et écoles notamment. De plus, l’iPad 10 voit son prix baisser, aligné sur celui de l’iPad 9, pour se montrer plus attractif et argue qu’il est, sur son segment "d’entrée de gamme", le plus puissant face à des appareils au mieux sous des puces MediaTek ou Snapdragon assez basiques.

Mais c’est aussi — et peut-être surtout — sur le haut de gamme que la concurrence fait rage. Samsung a étendu son portefeuille de tablettes pour marcher sur les plates-bandes d’Apple avec ses puissantes et polyvalentes Tab S9 jusqu’à la S9 Ultra avec sa diagonale folle de 14 pouces pour rivaliser avec l’iPad Pro M2. Avec le modèle M4, ce sera une autre paire de manches. 

Selon les chiffres du cabinet IDC du premier trimestre 2024, le fabricant coréen, malgré des ventes en recul lui aussi, se rapproche de l’ogre américain et, derrière le duo, les Honor, Huawei ou encore Xiaomi commencent à voir leurs ventes gonfler, même s’ils restent encore loin, avec des produits de plus en plus performants.

Remettre l’iPad Air à sa place pour mieux le porter

L’événement servait donc aussi à (r)asseoir sa suprématie en reprenant ses distances technologiques. Considéré comme "l’iPad Pro en moins cher et allant à l’essentiel", l’iPad Air hérite de la puce M2 de son prédécesseur, ce qui va faire de lui l’une des tablettes les plus puissantes du marché. Il pourra aussi profiter du dernier Apple Pencil Pro. Et ce n’est pas anodin qu’Apple ait enfin décidé de le décliner en grand format. Longtemps, pour les plus créatifs, avoir un grand écran contraignait à opter pour l’iPad Pro le plus onéreux, généralement beaucoup trop puissant pour beaucoup.

Les iPad Pro sont plus que jamais les fers de lance des tablettes Apple
Les iPad Pro sont plus que jamais les fers de lance des tablettes Apple © Apple

En proposant un écran 13 pouces sur l’iPad Air à un prix moins élevé que l’iPad Pro (à partir de 919 euros contre 1.569 euros), Apple s’ouvre une nouvelle frange du marché là où les Lenovo, Archos, Samsung qui voient grand dépassent souvent les 1.000 euros sans les points forts d’Apple, à savoir son million d’applications spécifiques ou encore iPadOs et ses liens avec l’écosystème maison. À cela s’ajoutent des iPads en couleurs quand l’iPad Pro et même la concurrence oscillent entre noir ou gris clair. De quoi doper des ventes avec de nouveaux venus ou inciter au changement.

Mais pas question de déshabiller les ventes d’iPad Pro pour rhabiller celles de l’iPad Air. On a pu s’interroger ces derniers temps sur la montée en puissance de ce dernier devenu avec sa puce M1 le plus grand danger pour l’iPad Pro, talonné de près en puissance et possibilités offertes à moindres frais. C’est sans doute pour cela qu’il fallait faire de l’iPad Pro la vedette absolue de l’événement, de la catégorie et le porte-drapeau d’un autre message.

L'iPad Pro, le message IA envoyé à la concurrence

Car vanter les mérites et prouesses/promesses de l’iPad Pro 2024, son nouveau design ultra fin et son écran Oled (de quoi aller annuler les arguments de la Tab S9 Ultra) permet à Apple de dégainer un produit de haut vol, le plus puissant possible même pour l’entreprise — même si la puce M3 Max des MacBook Pro assure d’autres possibilités et calculs. Mais il est surtout l’ambassadeur de cette nouvelle puce M4, annoncée très tôt en en disant un peu sur ses capacités, mais pas trop non plus pour garder des messages pour les développeurs. Le plus important a néanmoins été passé: la puce M4 dispose du Neural Engine le plus puissant, celui capable du plus grand nombre de calculs à la seconde (38.000 milliards).

Et dans toutes les têtes, une évidence: l’iPad Pro et sa puce sont optimisés pour la débauche de puissance exigée par les opérations d’IA. Un terme très rare dans les bouches des porte-paroles d'Apple, mais que la marque s’est amusée à prononcer à plusieurs reprises en réponse aux récentes critiques. 

Apple iPad Pro
Apple iPad Pro © Apple

Comme pour rappeler que ce que d’autres appellent "Neural Processor Unit", "PC à l’IA" ou "puce IA" existe chez Apple depuis la puce A11 Bionic de l’iPhone 8 sorti en 2017. Comme s’en sont amusés Tim Cook et ses comparses dans la vidéo, il n’y a pas besoin de vanter ce qui est déjà naturel et intégré aux appareils maison depuis fort longtemps. Si son assistant vocal Siri n’est pas dopé à l’IA comme ses concurrents directs, si les iPhone et Macbook ne promettent pas de miracles discutables à l’IA, Apple a rappelé que l’iPhone sait déjà être proactif pour son propriétaire, que des fonctions comme la détection de chute ou d’accident sont permises rapidement grâce à l’algorithme conçu en interne et porté par des puces dotées de "super pouvoirs" grâce à la puissance de calcul du Neural Engine, ce cerveau embarqué.

Apple fait des puces pour ses produits et leurs besoins, pas pour les autres et ça change beaucoup de choses. Et l’on nous promet encore plus de possibilités à l’IA très prochainement pour transformer l’iPad en incroyable machine. On n’en saura guère plus pour le moment. Apple a décidé de nous laisser simplement "imaginer" l’avenir iPad en main et IA à portée de doigt. Un événement qui aurait pu être un email? Pas tant que ça. La concurrence a sans doute bien reçu le message.

Melinda Davan-Soulas