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Société

Fin de vie: comment va se dérouler l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale

L'examen du texte sur l'"aide à mourir" commence en commission ce lundi 13 mai, avant une arrivée dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le 27 mai. Les députés bénéficieront de la liberté de vote pour ce choix sociétal touchant à l'intime.

Les députés donnent le coup d'envoi ce lundi 13 mai de l'examen du projet de loi sur la fin de vie, qui prévoit d'ouvrir pour la première fois en France une "aide à mourir" pour certains patients, une réforme sociétale attendue mais aussi source d'inquiétudes. "Je pense que nous sommes prêts", a estimé la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, jeudi dans Sud-Ouest, louant un "texte équilibré" qui "a fait l'objet d'une convention citoyenne, de beaucoup de travaux préalables".

Son volet le plus sensible instaure la possibilité pour certains patients de demander à un médecin d'être aidés à se suicider, via une substance létale qu'ils s'administreraient eux-mêmes, ou qu'un tiers pourrait leur administrer s'ils ne peuvent pas le faire.

Des députés veulent élargir la portée du texte gouvernemental, d'autres la restreindre. Les premiers viennent surtout de la majorité et de la gauche, les seconds de la droite et de l'extrême droite, mais des divergences s'exprimeront dans chaque camp.

• Un examen en commission, avant l'arrivée en séance publique le 27 mai

Une commission spéciale de l'Assemblée nationale a été instituée pour examiner ce texte. Les 71 membres de cette commission vont se pencher pendant une semaine sur les quelque 1.900 amendements déposés par des élus de tous bords pour modifier le projet de loi.

Ils lanceront ainsi à 16 heures un marathon parlementaire qui pourrait durer au moins jusqu'à l'été 2025, estime-t-on du côté de l'exécutif, en fonction du nombre d'allers-retours nécessaires avec le Sénat.

Le travail de cette commission avait commencé en amont, dès avril, avec l'audition d'acteurs concernés et de spécialistes (professionnels de santé, fédérations hospitalières, acteurs du domicile, professeurs, représentants des cultes, associations…). Après son examen en commission, le texte arrivera dans l'hémicycle en séance publique à partir du 27 mai.

• Une première partie sera consacrée aux soins palliatifs

Avant de s'attaquer à l'aide à mourir, les députés se pencheront sur la première partie du texte, consacrée aux soins palliatifs. Le texte gouvernemental crée un concept plus large, critiqué par les oppositions, de "soins d'accompagnements" ne se résumant pas à la gestion de la douleur. Il prévoit aussi qu'un "plan personnalisé d'accompagnement" soit proposé aux patients dès qu'une maladie grave est diagnostiquée.

Si le développement des soins palliatifs fait consensus, le fait de traiter ce sujet dans ce texte suscite des réticences, en particulier parmi les députés hostiles à l'"aide à mourir".

"Ça laisse à penser qu'il y a une sorte de continuum entre soins palliatifs et euthanasie, le signal envoyé est détestable", critique le député Les Républicains (LR) Patrick Hetzel, inquiet de l'"effet domino" d'une remise en cause "du principe d'inviolabilité de la vie humaine".

Avant de débattre d'une "aide à mourir", "il aurait d'abord fallu qu'il y ait des structures de soins palliatifs un peu partout en France", estime aussi le député Rassemblement national (RN) Christophe Bentz.

Un meilleur accès aux soins palliatifs "change la donne quant au désir d'en finir avec la vie", juge également le député PS Dominique Potier, l'un des quelques députés de gauche s'opposant à l'euthanasie, à l'instar par exemple du communiste Pierre Dharréville.

• Sur l'"aide à mourir", les députés auront la liberté de vote

Même si la gauche et le camp présidentiel devraient fournir l'essentiel des soutiens au projet de loi, face à l'hostilité dominant à droite et à l'extrême droite, les débats parlementaires ne se réduiront en effet pas aux clivages traditionnels.

Des voix à contre-courant s'exprimeront dans les différents groupes politiques, qui laisseront la liberté de vote à leurs troupes face à un choix sociétal touchant à l'intime.

Sauf surprise, un "vote solennel" devrait avoir lieu le 11 juin, au surlendemain des élections européennes, indiquait fin avril au Parisien la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet.

"Je ne tolérerai pas que ce soit le bazar dans l'hémicycle. Je ne laisserai rien passer", avait également prévenu Yaël Braun-Pivet, jugeant "le sujet trop grave, trop lourd, trop intime, pour tolérer un débat blessant ou dégradant".

Et au-delà d'un simple face-à-face entre adversaires et partisans, plusieurs points précis du projet de loi seront âprement débattus, notamment sur les différents critères posés dans le texte pour pouvoir accéder au dispositif.

• Les points qui vont faire débat

Des députés contesteront notamment le fait qu'il faille être majeur: des amendements proposent de baisser le seuil à 13 ou 15 ans, d'autres de le relever à 20 ans. La nécessité que le pronostic vital du patient soit engagé "à court ou à moyen terme" fait partie des points les plus contestés, certains jugeant qu'elle restreint trop la portée de la réforme, d'autres la trouvant au contraire trop large.

Les modalités de l'autorisation médicale ou encore la place des directives anticipées dans le dispositif seront aussi au coeur des débats.

Le texte prévoit qu'un médecin, un infirmier ou une "personne volontaire" désignée par le malade pourra se charger d'administrer la substance létale. Mais des députés de tous bords veulent proscrire toute intervention d'un tiers, certains souhaitent exclure qu'un soignant puisse "donner la mort" et d'autres encore que le volontaire puisse être un proche du patient.

"J'arrive dans ce débat avec des convictions, mais pas de certitudes", assure à l'AFP le député apparenté MoDem Olivier Falorni, rapporteur général de la commission spéciale, par ailleurs présidée par l'ancienne ministre de la Santé Agnès Firmin-Le Bodo (Horizons).

Marine Cardot avec AFP