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Gabon: ce que l'on sait du coup d'État contre Ali Bongo initié par des militaires

Une dizaine de militaires ont annoncé, ce mercredi matin lors d'une allocution télévisée, "mettre fin au régime en place" et avoir placé le président Ali Bongo Ondimba "en résidence surveillée".

Ce mercredi aux alentours de 3h du matin, un groupe d'une douzaine de militaires a pris la parole à la télévision gabonaise. Ils ont annoncé leur volonté de mettre "fin au régime en place" dans le pays. Un coup d'État annoncé peu de temps après la proclamation d'un nouveau mandat pour Ali Bongo, à la tête du pouvoir depuis 14 ans.

• Ali Bongo réélu avec 65% des voix

La population gabonaise s'est rendue aux urnes le samedi 26 août pour élire le dirigeant du pays. Deux candidats ont récolté la majorité des scrutins, Ali Bongo, en place depuis une quinzaine d'années, a engrangé 64,27% des bulletins. Face à lui, l'opposant Albert Ondo Ossa, qui a obtenu 30,77% des suffrages. Les douze autres candidats ont signé des scores négligeables

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Ces résultats officiels ont été annoncés dans la nuit. Mais des doutes sur leur validité étaient déjà émis avant même la clôture des bureaux de vote. Ainsi, samedi déjà, Albert Ondo Ossa avait dénoncé des "fraudes orchestrées par le camp Bongo".

Lundi, ce même camp d'opposition avait demandé au président en place d'organiser une passation de pouvoir "sans effusion de sang" en avançant un résultat différent au scrutin. Ils n'ont cependant fourni aucune preuve pour étayer leur autre décompte.

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Ali Bongo devait entamer son troisième mandat, cette fois écourté à 5 ans au lieu de sept. L'homme de 64 ans n'est cependant pas le premier homme de la famille à tenir le pouvoir. Avant lui, son père Omar Bongo Ondimba avait tenu le poste suprême pendant 41 ans. Une "dynastie Bongo" régulièrement dénoncée par l'opposition.

• Les militaires dénoncent un scrutin "tronqué"

Ces élections semblent être la raison qui a poussé les militaires à prendre le pouvoir. Dans leur allocution télévisée ceux-ci ont annoncé que les "résultats tronqués" du vote étaient "annulés". Ils estiment que les élections n'ont pas rempli "les conditions d'un scrutin transparent, crédible et inclusif tant espéré par les Gabonaises et les Gabonais".

Les militaires ont, par ailleurs, annoncé la dissolution de toutes les institutions du pays, du gouvernement au Sénat en passant par le Centre gabonais des élections.

Il ne s'agit pas de la première fois qu'un scrutin au Gabon est qualifié de truqué. En 2016 des observateurs européens, dont l'Union européenne, avaient confirmé les accusations de fraude soulevées par l'opposition. Des émeutes avaient éclaté un peu partout dans le pays, et avaient été réprimées violemment.

Qui pour prendre le pouvoir par intermittence? Les militaires ont porté ce mercredi en triomphe Brice Oligui Nguema, le chef de la garde présidentielle. Il pourrait s'imposer - au moins temporairement - comme un nouvel homme fort.

• La France "condamne" le coup d'État en cours

Devant les ambassadrices et ambassadeurs français réunis à Paris ce mercredi, Élisabeth Borne a souligné que la France suivait "avec la plus grande attention" l'évolution de la situation au Gabon. Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, a précisé par la suite que Paris "condamne le coup d'État militaire qui est en cours".

Un décompte de 2017 établissait le nombre de Français au Gabon à environ 10.000 ressortissants. Ils sont invités à rester à leur domicile par l'ambassade. Par ailleurs, un numéro d'urgence a été mis en ligne: 0033.1.43.17.51.00

De plus, la France possède des intérêts économiques dans le pays, notamment minier. Le groupe Eramet a déjà annoncé la "mise à l'arrêt" de ses activités dans le pays.

"Suite aux derniers événements en cours", le groupe a "mis à l'arrêt" ses activités au Gabon et "suit" la situation pour "protéger la sécurité de (son) personnel et l'intégrité de (ses) installations", a annoncé l'entreprise française dans un communiqué.

À noter également, Omar Bongo était l'un des plus proches alliés de la France dans l'ère post-coloniale et Ali est un habitué à Paris, où sa famille possède un vaste portefeuille immobilier. Un patrimoine qui fait l'objet d'une enquête de la part des magistrats anti-corruption.

Enfin, comme le spécifie une page dédiée du ministère de la Défense, des forces armées dont un bataillon d'infanterie, sont stationnés sur place.

• Un énième coup d'État en Afrique

Quelques semaines avant le coup d'État au Gabon, c'est le pouvoir au Niger qui a été délogé par des militaires putschistes. Au total, sept coups d'États - réussis ou non - se sont déroulés en Afrique ces trois dernières années.

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Le Burkina Faso a connu deux putschs en huit mois en 2022. Le Soudan est en proie à une guerre civile depuis le Coup du 25 octobre 2021. En Guinée, les militaires ont pris le pouvoir en septembre 2021. Enfin, le mali a connu deux coups d'États en août 2020 et mai 2021.

Quelques heures après l'annonce des militaires, de nombreuses interrogations restent en suspens. Quel avenir pour l'ex-président? Pour l'heure, il est détenu en résidence surveillée. L'un de ses fils a par ailleurs été arrêté.

La junte a-t-elle vraiment saisi le pouvoir? De nouvelles élections seront-elles tenues? Il est, pour l'heure, trop tôt pour y répondre. Les reporters de l'AFP ont cependant recensé des tirs d'armes automatiques dans plusieurs quartiers de Libreville, la capitale. Ceux-ci auraient rapidement pris fin. Par ailleurs, des manifestations spontanées auraient également été aperçues, bien que les rues semblent plutôt désertes.

Tom Kerkour