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Procès de la "mafia des déchets" dans le Var: prison ferme et amendes contre les prévenus

La balance de la Justice (illustration)

La balance de la Justice (illustration) - AFP

Cinq hommes ont été condamnés par le tribunal de Draguignan à des peines de prison ferme avec du sursis, et l'entreprise Esterel Environnement s'est vue adresser une amende de 300.000 euros ce mardi.

"Privilégier la réparation": face à la "mafia des déchets", accusée d'avoir déversé des milliers de tonnes de gravats sur la Côte d'Azur, la justice a parfois opté pour la prison ferme mais surtout obligé les prévenus à remettre en état les terrains pollués.

Le tribunal correctionnel de Draguignan (Var) "a parfois fait le choix de privilégier la réparation des dégâts", a expliqué la présidente du tribunal à la lecture du délibéré mardi.

300.000 euros d'amende contre l'entreprise Esterel

Même si des amendes ont été infligées, la plus lourde contre l'entreprise Esterel Environnement atteignant 300.000 euros, les 17 prévenus ont d'abord été condamnés à consigner des sommes parfois importantes, dans un délai d'un an, pour assurer la remise en état des sites pollués par les centaines de milliers de tonnes de gravats de chantier déversés, gravats pollués au bitume, au plastique, voire au plomb, à l'arsenic ou au mercure.

Ainsi, la même société Esterel Environnement devra consigner 1 million d'euros. Les autres prévenus, dont des entreprises, devront consigner des sommes allant de 20.000 à 500.000 euros.

"Je suis au RSA, comment je vais payer ?"

Des consignations pour un total de 3,28 millions d'euros ont été prononcées, pour une remise en état des 22 terrains pollués globalement estimée entre cinq et six millions d'euros.

Mais d'ores et déjà se posait mardi la question de la solvabilité des condamnés, frappés pour la plupart d'une interdiction d'activité de 5 ans: "Je suis au RSA, comment je vais payer ?", a réagi l'un d'eux à la sortie de l'audience.

"C'est une décision positive", a commenté Mathilde Gouëffon, juriste à France Nature Environnement (FNE). "Mais il y avait plus de solvabilité du côté des donneurs d'ordre, absents du procès, que des transporteurs", a-t-elle regretté.

"Procès des petites mains"

Concernant les personnes physiques, l'un des cerveaux du réseau, un homme de 34 ans au CV judiciaire déjà étoffé, a été condamné à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis.

Quatre autres de ces prévenus qualifiés de "malfaiteurs de l'environnement" par l'accusation ont également été condamnés à des peines de prison ferme, entre 24 et 30 mois et assorties de sursis de 9 à 18 mois.

Le tribunal a également accordé des dommages de 2.000 à 20.000 euros à plusieurs associations parties civiles, dont FNE, ainsi qu'à quelques propriétaires lésés et parfois menacés de mort. Un des propriétaires floués, menacé de se retrouver "enterré dans son terrain" totalement "massacré", a obtenu 20.000 euros au titre du préjudice "moral et de jouissance".

Des centaines de milliers de tonnes de déchets déversés dans la nature

De 2017 à 2020, les 17 prévenus, dont sept entreprises, avaient déversé des centaines de milliers de tonnes de déchets issus de chantiers sur une vingtaine de sites entre Fréjus, Le Luc et Trans-en-Provence, dans le Var, et jusqu'à Sospel dans les Alpes-Maritimes.

Leur technique, longuement décryptée à l'audience, fin novembre, était simple: proposer des livraisons "gratuites" de terre végétale à des particuliers, via des petites annonces sur Le Bon Coin ou Facebook ; mais, au lieu de deux ou trois camions, certains sites ont vu défiler des centaines de poids lourds chargés de gravats.

Cette décision "emblématique est dans le sens des réquisitions du parquet", s'est félicitée Me Ségolène Tuloup, qui défendait la Fédération du bâtiment et des travaux publics du Var, partie civile.

"On a une balance entre ce que les prévenus devront supporter, mais avec l'aide de l'Etat, qui immédiatement, conformément à ce que prévoit le code de l'Environnement, aura la charge de remettre les sites en état, aux frais des condamnés, ce qui change beaucoup les choses pour les victimes", a-t-elle ajouté.

"Sur le plan financier, les condamnations sont extrêmement lourdes", a pointé de son côté Me Audrey Vazzana, avocate de l'un des accusés, regrettant un procès où "on s'est contenté de poursuivre les petites mains".

L.C avec AFP