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Vote par anticipation: comment le gouvernement veut utiliser les machines à voter

Un amendement déposé au Sénat entend utiliser les machines à voter pour permettre aux Français de participer au scrutin par anticipation. Une stratégie qui ne devrait concerner qu’une minorité de français, si l'exécutif ne décide pas de changer les règles du jeu par la suite.

C’est un amendement déposé par le gouvernement qui fait vivement réagir l’opposition: le texte prévoit la possibilité pour les électeurs de voter par anticipation lors des élections présidentielles de 2022, par le biais de machines à voter, au cours de la semaine précédent le scrutin. Les résultats ont vocation à être enregistrés pour être dépouillés au même temps que l’ensemble des résultats au niveau national “afin d’éviter les risques de fraude ou d’influence sur le vote des autres électeurs” détaille le texte.

Trois machines agréées

Rapidement, de nombreux élus de l’opposition ont déploré cette stratégie qui n’avait jusque-là pas été évoquée par le gouvernement. Certains d’entre eux, comme le député France Insoumise Bastien Lachaud, ou le conseiller régional Florian Philippot, vont jusqu’à établir un parallèle avec l’élection présidentielle américaine.

Durant le scrutin, où le vote par correspondance a largement été utilisé en raison de l’épidémie de Covid-19, Donald Trump n’a cessé d’accuser ses adversaires de fraude, avant que ses partisans les plus extrémistes n’envahissent le Capitole pour contester l’élection.

Contrairement à ce qu’il s’est produit outre-Atlantique, cet amendement ne concerne en aucun cas le vote par correspondance. Dans le cadre du vote anticipé, le texte prévoit l’utilisation “d’un modèle agréé dans les conditions prévues à l’article L. 57-1 du code électoral”. Dans les faits, seules les machines déjà agréées par arrêté du ministre de l'intérieur pourront donc être utilisées.

Jusque-là, seuls trois modèles ont été sélectionnés entre 2004 et 2005. Ils ont pour point commun de ne pas être connectés à Internet et d’être donc étanches à toute tentative d’intrusion à distance. Un piratage reste en théorie possible, mais l’opération nécessiterait ainsi d’envoyer un spécialiste dans chaque bureau de vote où ces machines sont utilisées, en déjouant l’ensemble des mesures de surveillance.

L’amendement déposé par le gouvernement rappelle justement l’application des articles du code électoral en matière de protection des machines à voter.

“La liste d’émargement est conservée de manière sécurisée par le maire, ou par le chef de poste consulaire, entre les opérations de vote et le dépouillement. Elle est consultable par tout électeur. [...] La machine à voter est conservée de manière sécurisée par le maire, ou par le chef de poste consulaire, et ne peut pas être manipulée hors des périodes de vote et de dépouillement” détaille ainsi le texte.

3% des électeurs concernés

Si le piratage massif et centralisé des machines à voter est techniquement impossible, ce type de scrutin se distingue surtout par sa rareté dans l’Hexagone. Depuis 2008, un moratoire a mis un terme à l’extension des machines à voter. A ce jour, seules 64 communes proposent aux électeurs de voter électroniquement, pour un total de 1352 bureaux de vote. Les plus grandes agglomérations concernées sont Le Havre, Brest et Boulogne-Billancourt.

En 2014, un rapport du Sénat revenait sur l’utilisation des machines à voter en France depuis 1969. Selon le document, écrit à l’époque où 83 communes utilisaient ce procédé, 1,5 million d’électeurs y avaient accès sur le territoire, soit 3% du corps électoral.

A ce stade, l’amendement du gouvernement - qui songeait en 2017 à interdire ces mêmes machines à voter - pourrait donc ne concerner qu’une faible minorité des électeurs lors de l’élection présidentielle de 2022.

Mais l'exécutif pourrait aussi décider de mettre fin au moratoire de 2008 en autorisant de nouvelles villes à s’équiper en machines à voter, par exemple pour les dédier au vote par anticipation. Interrogé à ce sujet, le ministère de l’Intérieur n’a pour l’heure pas répondu.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co