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Snips, l’assistant vocal français qui veut “détruire” Alexa... grâce à Amazon

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- - YouTube (Snips)

A contrepied de ses prédécesseurs Alexa et Google Assistant, Snips mise sur le respect de la vie privée de ses utilisateurs. Après avoir annoncé une levée de 30 millions d’euros en mai, l’entreprise a revu ses estimations à la baisse.

Contre Alexa, le service de reconnaissance vocale d’Amazon, Snips rejoue le mythe de David contre Goliath. Ce fleuron français de l’intelligence artificielle claironne depuis plusieurs mois sa volonté de “détruire” l’assistant vocal le plus connu au monde, en allant à contre-courant de ce qui fait sa plus grande faiblesse: l’exploitation à outrance des données personnelles. Les enceintes connectées, dotées d’Alexa ou de Google Assistant, sont souvent présentées comme des espions domestiques, à même de surveiller nos conversations.

De 30 à 13 millions d'euros

Au contraire, Snips promet de n’envoyer aucun échantillon vocal de ses utilisateurs dans le cloud (des serveurs à distance), et de traiter toutes leurs requêtes localement. Ainsi, plus d’espionnage possible. La start-up parisienne s’en remet à sa communauté de développeurs pour créer les applications – météo, écoute musicale ou encore diffusion des dernières informations – qui viendront alimenter cet écosystème plus confidentiel.

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- © Snips

Ce nouvel écosystème nécessite de l’argent. Fin mai, Snips annonçait le lancement d’une ICO, à savoir une levée de fonds en cryptomonnaies, pour rassembler au minimum 30 millions d’euros. Depuis, le cours des cryptomonnaies ayant fortement chuté, le minimum a été abaissé à 13 millions d’euros. Comme le précise Rand Hindi, les investisseurs s’offriront des “jetons” leur permettant d’acheter des applications du futur écosystème, ou, plus étonnant, “d’acheter des données”.

La première phase de cette vente a été lancée le 30 août et la suite devrait se profiler en octobre. Les intéressés peuvent payer ces “jetons” avec différentes cryptomonnaies, mais également avec des euros. Sur le site Medium, le fondateur de Snips précise qu’ils ne donnent aucun droit sur la gouvernance de son entreprise.

Une intelligence artificielle améliorée grâce à Amazon

Avec 13 millions d’euros, « tuer Alexa » sera-t-il donc à portée de main, comme le martèle Rand Hindi? Chez Amazon, 5000 personnes travaillaient sur l’assistant vocal en septembre 2017, contre soixante-dix aujourd’hui chez Snips. Les désormais 16 000 développeurs revendiqués par l’entreprise sont de simples internautes qui utilisent son code source, libre d'accès, pour inventer de futures utilisations à son assistant vocal.

Mais en assurant protéger la vie privée de ses utilisateurs, Snips fait face à un paradoxe de taille: comment faire progresser les capacités de son assistant sans pouvoir exploiter des millions de données vocales, comme le font Google et Amazon? Snips, de son côté, croit au tour de force… et à l’aide d’Amazon.

Interrogé au salon de l’IFA de Berlin, un développeur de Snips explique avoir « recours au site Mechanical Turk d’Amazon pour faire progresser cet assistant ». Chez Amazon, le site Mechanical Turk est une plateforme permettant à des internautes du monde entier d’effectuer des tâches simples (associer un mot-clé à une vidéo, transcrire un discours) pour quelques dizaines de centimes d’euros. Autant d’opérations qui génèrent un trop grand nombre de ratés lorsqu’elles sont effectuées par des algorithmes. Autrement dit, l’intelligence artificielle fait place à des travailleurs du clic pour améliorer cet assistant.

Une “télécommande vocale” plus qu’un assistant

« La technologie Snips part d'un postulat initial très séduisant : ne pas utiliser les services de Cloud des GAFA pour effectuer l'analyse de langage naturel, mais le faire « en local », sur un appareil physiquement présent. Mais là encore, Snips est dépendant de ses meilleurs ennemis. Pour faire progresser leur technologie, les ingénieurs de Snips font appel à un logiciel baptisé TensorFlow, confirme Thierry de Langeron, directeur technique chez l’agence de design Lonsdale et spécialiste des interfaces vocales. Un outil ouvert d'apprentissage automatique mis au point par Google.

Une technologie totalement déconnectée fait craindre l’impossibilité d’élaborer des assistants plus complexes, à même de converser avec leurs interlocuteurs à la manière d’Alexa. « Le grand avantage technique des GAFA est de ne pas être limité par la puissance de calcul. Fonctionner en local comporte toutes les limitations qui vont avec », estime Thierry de Langeron, faisant allusion à la faible puissance des composants des objets connectés.

« C'est sans doute suffisant pour réaliser des assistants assez simples, qu’il s’agisse de faire varier la luminosité chez soi ou d’allumer et d’éteindre des objets connectés, avec un nombre limité de commandes vocales, prédéfinies à l’avance. Cela s’apparente davantage à une télécommande vocale qu’à un assistant».

A ce jour, la principale démonstration des capacités de Snips reste de lancer la préparation d’un café. L’entreprise revendique une quarantaine de clients en marque blanche, dont seul le nom de Keecker est dévoilé. Cette entreprise développe justement un robot de divertissement à simple commande vocale.

En s’attaquant au marché des assistants vocaux, Snips devra convaincre les marques de se déporter sur son écosystème, et de délaisser Amazon et Google pour les bienfaits de la vie privée. La startup n’est pas la première entreprise française à se lancer dans une confrontation avec les géants de la tech.

Giroptic comme Devialet et Withings ont joué les pionniers sur leurs terrains respectifs. Leur capacité d’innovation a été saluée mais leur croissance a été stoppée pour les uns, freinée pour les autres. L’ICO lancée par Snips devrait permettre à l’entreprise d’y voir plus clair. A ce sujet, Rand Hindi l’assure : « Si nous ne parvenons pas à rassembler 13 millions d’euros d’ici février, nous abandonnerons », concède-t-il, à propos de la levée de fond à venir.

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech