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Vie numérique

Rentrée: pourquoi les tablettes sont une fausse bonne idée pour alléger les cartables

Les tablettes sont régulièrement évoquées pour remplacer les manuels scolaires papier. Mais leur efficacité pédagogique et économique est loin de faire l’unanimité.

"Le numérique est utile dès lors qu’il est au service de la transmission et de la pédagogie". Ce 5 septembre, sur BFMTV, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal revenait sur l’usage du numérique à l’école, notamment au collège et au lycée. Depuis plusieurs années, des départements français multiplient les expérimentations pour utiliser davantage des tablettes numériques. Ces dernières ont un avantage de poids: en remplaçant les manuels scolaires, elles permettent de rendre un cartable bien plus léger.

Mais en France comme à l’étranger, ce passage à la tablette est de plus en plus discuté. Dernier exemple en date, la Suède, qui après plusieurs années de numérisation massive, souhaite remiser les tablettes au placard pour faire réapparaître les manuels scolaires au format papier.

Meilleur apprentissage sur papier

En cause: des difficultés de lecture croissantes dans le pays, qui pourraient être liées à l’usage de tablettes plutôt que de papier. En 2018, deux méta-analyses s’étaient penchées sur les études existantes concernant l’efficacité de l’apprentissage sur papier et sur écran. Avec à la clef un avantage significatif pour le papier. Dans le même temps, plusieurs institutions ont pointé du doigt les limites importantes de l’apprentissage par le numérique.

"Les pays qui ont consenti d’importants investissements dans les technologies de l’information et de la communication dans le domaine de l’éducation n’ont enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves en compréhension de l’écrit, en mathématiques et en sciences" pointait l’OCDE dès 2015.

“Ce qui s’est rapidement produit, c’est que ça avait plus tendance à disperser nos élèves qu’autre chose" note Sophie Vénétitay, professeure et secrétaire générale adjointe du syndicat enseignant SNES-FSU, auprès de Tech&Co, évoquant les expérimentations locales qui ont pu être organisées dans l’Hexagone.

Un constat partagé dans un document de l’UNESCO, qui, dans son rapport mondial de suivi sur l’éducation 2023, estime que "les enseignants perçoivent l’utilisation des tablettes et des téléphones comme une entrave à la gestion de classe".

Le problème de la maintenance

Mais les faiblesses pédagogiques sont loin d’être les seules limites au développement de la tablette à l’école. La première contrainte concerne le coût des équipements, forcément important.

“Pendant le confinement, on a eu un don d’une fondation qui nous a donné une centaine de tablettes, car beaucoup d’enfants n’avaient pas de matériel chez eux. Mais c’était un fonctionnement très artisanal", se souvient Laurent Kaufmann, principal de collège à Montreuil et secrétaire fédéral Sgen-CFDT, auprès de Tech&Co.

Comme Sophie Vénétitay, Laurent Kaufmann pointe un autre défi de taille posé par l’usage des tablettes numériques: la maintenance. Tous deux évoquent les difficultés pour les enseignants de faire face à du matériel parfois défaillant - quand ce n’est pas la connexion Internet elle-même qui rencontre des difficultés, qu’il faut savoir réparer ou mettre à jour à tout moment.

“La crise sanitaire a mis en évidence l’importance des ‘inégalités quotidiennes’ du numérique: qualité des connexions et leurs contraintes (comme les forfaits bloqués), absence ou faible qualité des équipements, partage intrafamilial des équipements, faible maîtrise des outils de communication avec les enseignants" pointait de son côté un rapport du ministère de l’Education nationale, début 2023.

Auprès de Tech&Co, Gabriel Attal précise ne fermer aucune porte à l’avenir concernant l’utilisation de la technologie pour alléger le poids des cartables au collège et au lycée. Mais en France comme à l’étranger, la tablette est encore loin d’être la solution pour préserver le dos des adolescents.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co