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Vie numérique

Nous avons testé StopCovid, l'application "anti-coronavirus" du gouvernement

Le lancement de l’application de traçage numérique a été voté ce 27 mai au Parlement. Elle sera déployée à l’échelle nationale dès ce 2 juin.

Au centre des débats depuis deux mois, l’application StopCovid va bien devenir une réalité. Après un débat et un vote (consultatif) à l’Assemblée nationale, elle sera disponible sur iOS et Android ce mardi 2 juin. BFM Tech a pu accéder à une première version de l’application, qui ressemble de près à ce que pourront télécharger des millions de Français.

Développée par l’Inria avec le concours de plusieurs entreprises françaises, elle bénéficie d’une interface claire et compréhensible, dessinée par l’entreprise savoyarde Lunabee Studio, l’une des spécialistes du secteur. Notre essai de StopCovid ne permet toutefois pas à lui seul de présumer de son efficacité

Une interface lisible

Au moment de l’installation, l’utilisateur est invité à activer le Bluetooth, et à autoriser l’application à utiliser la fonction de détection automatique. C’est cette fonction qui permettra de détecter d’autres smartphones équipés de StopCovid, et d’enregistrer leur identifiant - une suite de chiffres générée aléatoirement - pendant 14 jours.

Capture d'écran de l'application StopCovid
Capture d'écran de l'application StopCovid © BFMTV.COM

Une fois ouverte, l’application propose trois onglets. Tout d’abord, l’onglet “Protéger”, qui permet de protéger “les autres”, selon les termes affichés sur l’application, en activant StopCovid, mais également de protéger sa vie privée. Comme rappelé, aucun moyen d’identification ne sera partagé par l’application, qui n’implique d’ailleurs aucune inscription. Il n’est pas nécessaire de renseigner son nom pour l’activer. 

Le deuxième onglet est baptisé “Me Déclarer”, et permet de scanner un QR code ou de saisir le code partagé par son médecin ou le laboratoire d’analyses, afin d’éviter toute fausse déclaration de Covid-19. Enfin, un onglet “Partager” permet de recommander l’application à ses proches.

Un large contrôle des données

Comme évoqué plus haut, c’est dans l’onglet “Protéger” que l’utilisateur pourra gérer l’utilisation de ses données personnelles. Sans géolocalisation, ces dernières sont très limitées: il s’agit d’abord de l’historique des identifiants des smartphones détectés à moins d’un mètre pendant au moins quinze minutes sur les quatorze derniers jours, et ensuite de l’historique de ses propres identifiants. Ceux-ci sont multiples dans la mesure où l’identifiant de chaque utilisateur est renouvelé toutes les quinze minutes, afin de mieux sécuriser le système.

En plus de pouvoir désactiver StopCovid ou de quitter définitivement l’expérience, l’utilisateur peut effacer à la volée tous les identifiants stockés sur son smartphone - les siens comme ceux des mobiles détectés. Ce qui aura pour conséquence de faire “oublier” à son appareil tous les mobiles croisés.

Capture d'écran de l'application StopCovid
Capture d'écran de l'application StopCovid © BFMTV.COM

Il est également possible de supprimer ses propres identifiants, qui sont stockés sur le serveur central en cas de contact avéré avec un malade du Covid-19. En effet, lorsqu’un utilisateur entre un résultat de test positif, le serveur ne télécharge pas son identifiant mais celui de l’ensemble des smartphones qu’il a croisés - ceux des “personnes contact”. Cette liste est ensuite renvoyée vers l’ensemble des smartphones ayant installé l’application et comparée par le système aux identifiants de chaque utilisateur. Une correspondance signifie que l’utilisateur identifié a été en contact avec le malade, et une alerte est automatiquement générée chez ce dernier. 

La suppression de ses propres identifiants sur le serveur nécessite donc une connexion Internet, afin que le smartphone puisse aller vérifier si l’on ne figure pas parmi les cas contact. Ce qui implique en principe d’avoir reçu une alerte ou d’être sur le point d’en recevoir une. Enfin, il est possible de supprimer l’historique de ses alertes.

Des questions en suspens

La mise à disposition de StopCovid ne signifie pas pour autant que la partie est gagnée. C’est au contraire la période la plus sensible qui s’ouvre pour le gouvernement. Car à défaut d’avoir utilisé la plateforme mise au point par Apple et Google, qui permet de solliciter le Bluetooth de façon plus poussée, les développeurs ont dû faire face aux contraintes imposées par ces systèmes d’exploitation - plus fortes sur iOS - qui limitent les accès des applications tierces dans le but d’éviter les abus de programmes malveillants.

Testée sur un iPhone 11 Pro, StopCovid ne s’est pas éteinte au cours de la journée, signifiant qu’elle a correctement fonctionné en arrière-plan. Cela n’implique pas pour autant que le Bluetooth soit resté actif en permanence. C’est lors d’un déploiement plus massif qu’il sera possible de juger de la fiabilité de la connexion avec les autres terminaux, y compris s’ils proviennent d’autres marques. D’après Cédric O, Secrétaire d'État chargé du Numérique, les tests ont démontré que la détection se faisait correctement dans 80% des cas.

L’autre crainte concerne la sollicitation de la batterie, très intense lorsque le smartphone cherche en permanence à établir une connexion Bluetooth. Lors de notre test, les effets de StopCovid sur l’autonomie de notre smartphone ont été négligeables (1% du total de la consommation électrique selon les paramètres de l’appareil). Mais là encore, cela pourrait changer lorsque l’application sera amenée à détecter des dizaines de mobiles équipés de StopCovid.

Reste enfin la principale question: StopCovid servira-t-elle à quelque chose? Pour l’heure, il est totalement impossible de le savoir. Plusieurs éléments seront déterminants: la fiabilité technique, le taux d’adoption (l’application est basée sur le volontariat) et le nombre de cas de coronavirus dans le pays seront autant de paramètres qui joueront sur sa propension à prévenir des contaminations. Un premier bilan devrait être effectué après le lancement, afin de déterminer si StopCovid pourrait être pertinente en cas de deuxième vague.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co