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À Marseille, la vidéosurveillance "intelligente" attaquée en justice

Deux associations ont déposé un recours en référé contre la vidéosurveillance automatisée à Marseille.

Deux associations ont déposé un recours en référé contre la vidéosurveillance automatisée à Marseille. - Pixabay

Deux associations ont déposé le 17 janvier un recours devant le tribunal administratif de Marseille, pour faire suspendre un nouveau système de vidéosurveillance intelligente déployé à Marseille. Ce dernier vise notamment à mieux repérer les comportements suspects.

À peine déployée, déjà attaquée en justice. Deux associations, la Quadrature du Net et la Ligue des droits de l'homme, ont déposé ce vendredi 17 janvier un recours devant le tribunal administratif de Marseille, pour faire annuler l'installation d'un dispositif de vidéosurveillance automatisée dans la ville.

Ce dernier, dont l'existence a été révélée en décembre par Télérama, vise à automatiser une cinquantaine de caméras, sur les 1800 déjà incluses dans le réseau, en y associant un logiciel à même de repérer des objets abandonnés ou d'identifier des comportements anormaux, notamment à l'occasion de manifestations. Le tout pour faciliter, le cas échéant, l'intervention des forces de l'ordre. 

La Cnil mise à l'écart

Ce recours en référé est le premier du genre en France. Il s'appuie notamment sur le fait que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) n’ait pas été consultée en amont du déploiement des caméras. "Une analyse d'impact et une consultation préalable de la Cnil étaient obligatoires avant la mise en œuvre du dispositif", jugent la Quadrature du Net et la Ligue des droits de l'homme, en invoquant les articles 27 et 28 de la directive police-justice de 2016.

D'après ces derniers, un traitement "susceptible d’engendrer un risque élevé pour les droits et les libertés des personnes physiques" doit nécessairement être précédé d'une étude sur ses potentielles conséquences et d'une consultation préalable du gendarme des données personnelles. s’accompagner d’une étude sur les conséquences qu’il pourrait engendrer et d’une consultation préalable de l’autorité de contrôle.

En l'occurrence, la ville de Marseille a jugé bon de se passer de l'approbation de la Cnil pour la simple et bonne raison que la municipalité voit en son dispositif une simple amélioration d'un système déjà existant. Là encore, la Quadrature du net et la Ligue des droits de l'homme font part de leur désaccord. Le volet "intelligent" du dispositif marseillais l'exclut des dispositifs classiques de vidéoprotection, qui ne comprennent pas "les enregistrements visuels utilisés dans les traitements automatisés", d'après le code de la sécurité intérieure

Enfin, les caméras intelligentes de Marseille sont soupçonnées de capter des données biométriques, qui font pourtant l'objet d'une protection et d'une vigilance particulières. Si la mairie dément toute collecte de pareilles données, les deux associations estiment que cette dernière serait incontestable. 

"Par le fonctionnement même du traitement qui conduit à l’alerte, mais aussi probablement par les informations transmises par l’alerte, la décision attaquée autorise un traitement de données biométriques - un traitement de caractéristiques comportementales, et aussi de caractéristiques physiques et physiologiques, permettant d’identifier une personne de façon unique", notent-elles ainsi dans leur recours.

"De tels dispositifs mettent gravement en danger nos droits et nos libertés. Ils accroissent considérablement la capacité des services de police à nous identifier et à nous surveiller en permanence dans l’espace public", complète par ailleurs la Quadrature du net. "Tout comme la reconnaissance faciale, ils entraînent un contrôle invisible et indolore de la population, considérée comme suspecte de facto". En octobre dernier, la Cnil avait qualifié un test de reconnaissance faciale dans deux lycées du sud de la France de "disproportionné"... menant ainsi à la suspension de l'expérimentation.

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech