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Identifier les donateurs sur Leetchi: pourquoi l’idée de Marlène Schiappa semble irréaliste

Marlène Schiappa réclame davantage de transparence concernant les donateurs de la cagnotte en faveur de Christophe Dettinger. Une volonté qu’il sera difficile de mettre en œuvre.

"Qui finance les violences contre les policiers?", s’interrogeait hier 9 janvier Marlène Schiappa sur BFMTV. Ce jeudi 10 janvier, la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes complétait sa pensée sur France Inter : “Ce que j’ai demandé, c’est que ça puisse être rendu public”.

Pourtant, plusieurs obstacles techniques, juridiques et commerciaux s’opposent à la publication des noms des internautes ayant participé à la cagnotte Leetchi en faveur de l’ancien boxeur Christophe Dettinger, accusé d’avoir frappé des policiers samedi 5 janvier.

Une divulgation interdite par la loi

Le principal obstacle est d’ordre juridique. D’après le Règlement général sur la protection des données, entré en vigueur le 25 mai 2018, il est interdit pour tout site recueillant des données personnelles de les publier sans le consentement de l’utilisateur. “Si les conditions générales d’utilisation (CGU) ne mentionnent pas la possibilité d’une publication de l’identité, il est illégal de mettre en ligne la liste des donateurs”, explique Alain Bensoussan, avocat spécialisé dans les nouvelles technologies. “Les données personnelles ne seront transmises à aucun tiers sans le consentement exprès de l’utilisateur” précisent à ce titre les conditions générales de Leetchi.

“Nous sommes dans un pays d’Etat de droit. Il y a des personnes qui ont laissé leur nom, d’autres qui ont choisi de faire des dons anonymes. Nous protégeons l’identité de nos clients, y compris vis-à-vis d’une demande qui émanerait du gouvernement”, explique Céline Lazorthes, fondatrice de Leetchi, à BFM Tech. “En revanche, nous avons des obligations réglementaires afin d’identifier, et tracer la provenance des flux financiers, comme n’importe quel acteur bancaire” complète-t-elle.

Des contrôles possibles, à des fins judiciaires

Comme tout établissement bancaire, Leetchi pourra être obligé de communiquer des informations “sur requête d’une autorité légale”, notamment dans le cadre de la lutte contre la fraude, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Une requête qui n’impliquerait évidemment pas que ces informations soient rendues publiques. En théorie, Leetchi pourrait inclure la possibilité de divulguer ces informations dans ses CGU. Une stratégie qui n’aurait que peu d’intérêt d’un point de vue commercial et qui pourrait au contraire repousser de nombreux utilisateurs.

Toujours dans le cadre de la réglementation française et européenne, Leetchi demande à tout donateur de fournir une pièce d’identité, lorsqu’il verse plus de 2500 euros sur une année. En-dessous de ce montant, il suffit de renseigner un nom, un prénom et un mail pour faire un don. En cas de doute sur la provenance des fonds, Leetchi peut effectuer des contrôles, même pour de faibles montants. Dans le cas de la cagnotte destinée à Christophe Dettinger, il est probable que la majorité des donateurs n’aient pas eu à justifier leur identité.

Dernier élément pouvant être utilisé pour lever l’anonymat: la carte bancaire. Mais là encore, des garde-fous sont mis en place, afin de sécuriser les paiements. Ainsi, ni Leetchi, ni le prestataire en charge de la gestion des paiements n’ont accès aux noms et prénoms associés aux cartes bancaires.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co