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Face au Libra de Facebook, Bruno Le Maire souhaite une cryptomonnaie publique

Le ministre de l'Economie veut lancer une réflexion au sein du G7 sur le développement d'une "cryptomonnaie publique".

Le ministre de l'Economie veut lancer une réflexion au sein du G7 sur le développement d'une "cryptomonnaie publique". - ERIC PIERMONT / AFP

Dans une interview parue dans La Croix, le Ministre de l’Economie avance la possibilité de lancer une cryptomonnaie "publique", émise par les banques centrales. Une réflexion devrait être entamée entre les pays du G7.

Ils avaient promis d'"agir rapidement" et leur réponse aux ambitions monétaires de Facebook ne s'est pas faite attendre. Préoccupés par le lancement à venir du Libra, la cryptomonnaie de Facebook, les ministres des finances du G7 devraient bientôt être sollicités par Bruno Le Maire pour organiser une riposte.

Interviewé dans les colonnes de La Croix, le ministre de l'Economie la décrit en ces termes.

"Je propose que nous engagions une réflexion sur une monnaie numérique publique émise par les banques centrales qui garantirait la sécurité totale des transactions, leur rapidité, leur simplicité et leur gratuité. Nous pourrions avancer dans cette voie lors des prochaines assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale en octobre"

Pour rappel, les cryptomonnaies sont des monnaies numériques, sécurisées et a priori décentralisées. Leur cours ne dépend en théorie d'aucune banque ni d'aucun gouvernement. Celui du bitcoin, la plus connue d'entre elles, varie par exemple en fonction de l'offre et de la demande, et également du nombre de bitcoins en circulation. La future cryptomonnaie de Facebook est perçue comme une menace pour la souveraineté nationale des Etats. Le plus large réseau social au monde peut en effet se vanter d'une base de plus deux milliards d'utilisateurs.

Bruno Le Maire n'a pas fourni d'informations supplémentaires au sujet de ce projet de cryptomonnaie. Ses contours restent flous. "Le vrai défi pour les services de paiement est de réduire les délais de fonctionnement, les délais de transition et les coûts des opérations financières transfrontalières. Mais aussi d’offrir un accès facile aux populations dans les pays peu bancarisés", s'est contenté d'exposer le ministre de l'Economie. En rappelant que, quoi qu'il arrive, "la France refuse qu’une entreprise privée se dote des moyens de la souveraineté d’un Etat". 

"La Chine, et son milliard et demi d'utilisateurs potentiels, et les Etats-Unis sont prêts à lancer leur monnaie numérique", rappelle Alain Schott, fondateur du think-tank Ekwee, dont l’ambition est de créer un écosystème vertueux, adossé à la BCE, et favorable à la diffusion d'une monnaie numérique européenne et souveraine. "Pour avoir une taille critique à la hauteur, les projets de monnaie numérique devront forcément être internationaux. L'idée du G7 est intéressante en ce qu'elle permettrait d'éviter une confrontation entre une monnaie numérique européenne et une américaine, les Etats-Unis faisant partie du G7".

Facebook, un crypto-ennemi

Le dévoilement de la cryptomonnaie de Facebook, mi-juin, a fait office d'électrochoc au ministère de l'Economie. Sollicité à ce sujet par Europe 1, Bruno Le Maire avait à l'époque réservé un accueil glacial à ce projet. “L'attribut de la souveraineté des États doit rester aux mains des États, et pas des entreprises privées, qui répondent à des intérêts privés”, avait-il alors insisté. 

Ce projet suscite également nombre d'inquiétudes dans les rangs de la BCE. Le 2 septembre, par la voix d'un des membres de son directoire, Yves Mersch, l'institution faisait valoir des craintes similaires. D'après ses mots, le Libra "pourrait réduire le contrôle de la BCE sur l’euro, nuire au mécanisme de transmission de la politique monétaire en affectant la position de liquidité des banques de la zone euro et porter atteinte à la position internationale de la monnaie unique."

L'idée que les Etats commencent à s'emparer du concept de cryptomonnaie commence à faire des petits. La Chine a posé les jalons d'une cryptomonnaie nationale, vouée à réduire la dépendance de son économie au dollar et à se prémunir des sanctions économiques américaines, à l'heure où les deux pays se livrent à une intense guerre commerciale

Le 4 septembre, Christine Lagarde, future présidente de la BCE, s'est elle-même dite "très intéressée et intriguée" par le fait que "de grandes banques centrales s'unissent pour créer une sorte de monnaie digitale, de “stablecoin” de même nature que le Libra", comme le relevait le Journal du Coin. "Je ne peux pas préjuger de l’attitude de la BCE mais à titre personnel j’aimerais participer à [cette] réflexion", a-t-elle également anticipé. 

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech