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Cette appli de suivi de grossesse autorise les entreprises à accéder aux données de leurs salariées

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Le leader des applications de suivi de grossesse aux Etats-Unis, Ovia, propose aux entreprises d'accéder aux données de leurs employés. Même si rien n'est fait à l'insu des salariés, certains spécialistes craignent que ces informations soient utilisées pour discriminer les femmes.

Dans le monde, des millions de femmes sont inscrites sur des applications liées à la fertilité. Aux Etats-Unis, le leader du marché s’appelle Ovia. Ce service propose de suivre la croissance de son bébé ou encore d’obtenir des conseils au sujet d’éventuels problèmes de santé. Sauf que les parents ne sont pas les seuls à scruter chaque jour les données de l’application. Une enquête du Washington Post, repérée par nos confrères du Monde, révèle que certaines entreprises sont en partenariat avec Ovia et accèdent ainsi à l’activité de leurs salariés via l'application.

Ovia a été créée en 2012 avec un modèle économique classique basé sur la publicité. Mais il y a trois ans, tout change quand des entreprises proposent de payer pour accéder aux données de leurs employés. Le nombre de sociétés ayant passé des contrats avec Ovia est tenu secret. Mais 10 millions d’employés seraient concernés.

Ovia
Ovia © DR

Le PDG d’Ovia, Paris Wallace, se défend de fournir des données sensibles aux employeurs. Il s’agirait simplement d’informations destinées à suivre l’évolution de l’état de santé du salarié. Par ailleurs, rien n’est fait à leur insu. Les employés sont rémunérés un dollar par jour pour partager leurs données avec leur employeur.

Quel intérêt pour les entreprises? 

Pour vendre ses services, Ovia promet aux femmes une réduction de 30% des naissances prématurées et une augmentation de 30% de la conception naturelle. Ces chiffres proviennent d’études menées en interne et sont donc invérifiables. Aux entreprises, Ovia fait miroiter la réduction des coûts médicaux. Car aux Etats-Unis, la plupart des grandes sociétés assument une majeure partie (plus de 80%) des primes de santé versées aux assureurs. Les entreprises voient aussi dans ce partenariat un moyen de faire revenir les femmes plus vite au travail.

Mais certains spécialistes de la santé et de la protection de la vie privée s’inquiètent de ce procédé. Ils craignent que d’une manière ou d’une autre, les données soient utilisées pour désavantager les mères.

"Le fait que les employeurs suivent de si près les grossesses des femmes est très inquiétant", a déclaré auprès du Washington Post Deborah C. Peel, psychiatre et fondatrice de l'organisme à but non lucratif Texas Patient Privacy Rights. "Il y a tellement de discrimination contre les mères et les familles sur le lieu de travail. Elles ne peuvent pas faire confiance à leur employeur pour avoir leur intérêt à cœur."

Pour Karen Levy, professeure à l'Université de Cornell (dans l'état de New York), ce système profite de la "vulnérabilité des femmes". Parmi les entreprises partenaires d’Ovia, des géants comme Activision Blizzard, le développeur de jeux vidéo, notamment de Call of Duty. Depuis qu’ils proposent Ovia à leurs employés, l’entreprise aurait économisé environ 1200 dollars (1060 euros) par personne en frais médicaux.
https://twitter.com/Pauline_Dum Pauline Dumonteil Journaliste BFM Tech