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Avec la crise, le grand retour des boursicoteurs en ligne

Le trader Peter Tuchman lors d'une clôture du NYSE.

Le trader Peter Tuchman lors d'une clôture du NYSE. - SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Confinés et confrontés à la chute du marché boursier, des boursicoteurs en herbe affluent sur les plateformes de trading, à l'affût de bonnes affaires. Les courtiers en ligne en viennent à refuser du monde.

De longues heures confinés à domicile, des perspectives économiques hasardeuses et une dégringolade sans précédent des marchés financiers. Tout semble donner raison aux Français désireux de se lancer dans le boursicotage. Alors que le CAC 40 a perdu jusqu'à 40% de sa valeur depuis son plus haut, le 18 février, les épargnants se ruent en Bourse.

Les chiffres des courtiers en ligne parlent d'eux-mêmes. "En mars et en avril, nous constatons une multiplication par trois, voire quatre, du nombre d’ouvertures de comptes par rapport à ce que l’on observait en décembre et janvier", relève Ambroise Lion, de la filiale française du célèbre courtier britannique IG. "Les volumes d'ordres sont, eux, deux fois supérieurs à la moyenne habituelle", complète-t-il.

Des records d'affluence

Même constat pour la plateforme e-Toro, qui constate "la plus forte hausse d’activité depuis le boom des cryptomonnaies, en 2017-18". Le nombre de nouvelles positions ouvertes sur le site aurait été multiplié par cinq depuis l’annonce du virus.

Les pics d'activité record reviennent néanmoins à Fortuneo et Bourse Direct. "Bourse Direct a multiplié son nombre de comptes ouverts par plus de trois depuis le début de l'année et par sept sur le seul mois d'avril", fait savoir l'entreprise auprès de BFM Tech. "Le nombre d'ouvertures de comptes aura fait fois sept en mars, et les volumes d'ordre, fois quatre", note Grégory Guermonprez, directeur de Fortuneo. "Et la tendance se poursuit en avril."

De manière générale, ces courtiers en ligne vivent, chacun à leur manière, un pic absolu d’audience. "Ce pic d’activité correspond évidemment à un record, sachant que nous n’avions pas vu une telle situation sur les marchés depuis des dizaines d’années", juge Ambroise Lion.

"Au-delà de la seule comparaison avec la crise de 1929, le pétrole en terrain négatif, c’est quelque chose qui n’était jamais arrivé dans l’Histoire ! La dernière période qui avait correspondu à un tel engouement sur les marchés remonte au boom des cryptomonnaies, début 2018. Et l’activité constatée à l’époque n’arrive qu’à la moitié de celle d’aujourd’hui", tranche-t-il.

150.000 nouveaux investisseurs

Cet engouement hors normes pour l'investissement en Bourse est confirmé par l'AMF. Dans un document du 27 avril, l'institution observe une "activité très soutenue des particuliers sur les marchés actions". Entre le 24 février et le 3 avril, plus de 150.000 nouveaux investisseurs sont ainsi intervenus sur les valeurs appartenant à l’indice SBF120. Et, sur les cinq semaines ayant suivi le 24 février, "les achats d’actions françaises par des particuliers ont été multipliés par quatre par rapport à la période équivalente en 2019, pour un montant net total de 3,5 milliards d’euros".

Avec ces nouveaux inscrits, émergent de nouveaux profils d'investisseurs. "Ces nouveaux clients ont entre 10 et 15 ans de moins que les investisseurs habituels sur actions françaises", note ainsi l'AMF. Les sommes investies s'en trouvent moins importantes. Tous établissements confondus, les montants médians des nouveaux investisseurs sont deux fois inférieurs à ceux des investisseurs historiques" Pour les courtiers en ligne, il avoisine les 2000 euros.

"Les nouveaux actionnaires que nous observons, qui pour la plupart n'avaient jamais eu de portefeuille boursier, ont 38 ans en moyenne, contre 50 ans pour nos clients habituels", fait remarquer Grégory Guermonprez. "Leur premier investissement est en moyenne de 8000 euros, ce qui est plus conséquent que celui des actionnaires inscrits en fin d'année dernière après l'entrée en Bourse de la Française des Jeux. L'investissement moyen de nos clients de longue date tourne néanmoins plutôt autour des 50.000 euros".

Les actionnaires en herbe avancent un large panel d'arguments pour justifier leur intérêt pour la Bourse. Certains y voient une opportunité à court-terme, pour générer des revenus sur des titres particulièrement volatils. "J’ai boursicoté fin mars-début avril, avant d'arrêter la semaine dernière", explique l'un d'entre eux auprès de BFM Tech. "Des paris risqués m'ont rapporté parfois jusqu'à 50% en quelques jours, avant de tenter un dernier coup sur le pétrole... avec l'échec que l'on connaît. J'ai donc préféré arrêter, d'autant plus que cette activité venait empiéter sur mon travail".

D'autres s'engagent sur plusieurs années. "Mon objectif est de réaliser plusieurs investissement de long terme, sur cinq à dix ans", explique Julien, la trentaine. "J'ai vécu la crise de 2008 en étant trop jeune pour me lancer. Je peux désormais me permettre de le faire, même si je me contente essentiellement de choix prudents". Face à l'afflux de clients, et à leurs nouvelles velléités d'investissement, certaines plateformes se montrent elles aussi prudentes. Quitte à imposer des barrières à l'entrée. Sur IG France, 40% des nouvelles demandes d'ouvertures de comptes sont ainsi refusées.

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech