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"Vie de merde", retrouvailles... Ces Français racontent comment Facebook a bouleversé leur vie

Le réseau social de Mark Zuckerberg fête ses 20 ans ce dimanche 4 février. Retrouvailles familiales, lancement de carrière, élans de solidarité: pour un certain nombre de Français, Facebook a été un véritable créateur de liens, lieu de rencontres inattendues ou encore un tremplin.

Bon nombre d'histoires d'amour et d'amitié sont nées sur Facebook, à coups de "like", "poke" et autres discussions Messenger ces 20 dernières années. Aujourd'hui quelque peu vieillissante, et de plus en plus décriée, la plateforme américaine fondée en 2004 par Mark Zuckerberg a tout de même permis en un seul clic de mettre en relation des inconnus aux quatre coins du monde. Elle reste d'ailleurs aujourd'hui le réseau social le plus consulté au monde, avec plus de deux milliards d'utilisateurs actifs chaque jour.

Si Facebook a aidé certains internautes à trouver l'amour, il a permis à d'autres de retrouver des proches perdus de vue. Lors d'événements dramatiques, le réseau social a pu permettre de relayer en masse des appels à témoins ou à la solidarité. Il a aussi été un tremplin pour certaines marques ou concepts innovants. Des Français dont la vie a été bouleversée par Facebook racontent leur histoire à BFMTV.com.

Tous les soirs dans Le titre à la une, découvrez ce qui se cache derrière les gros titres. Céline Kallmann vous raconte une histoire, un récit de vie, avec aussi le témoignage intime de celles et ceux qui font l'actualité.
20 ans après, Facebook a-t-il vraiment changé nos vies?
17:11

· Avec le succès de VDM, Facebook "a lancé ma carrière"

Maxime Valette ne s'en cache pas: l'envolée de son site de divertissement "Vie de Merde", il le doit en partie à Facebook, et à son succès fulgurant de 2009 à 2015. Le développeur web n'a que 19 ans lorsqu'il créé ce site qui permet aux internautes de partager "leurs petits malheurs" de la vie quotidienne.

Exemple de l'une des micro-histoires les plus populaires: "Aujourd'hui, plein d'espoir, je demande ma copine en mariage. Elle n'a pas dit non, elle ne s'est pas évanouie, elle n'a pas pleuré. Elle a simplement demandé: 'Mais… Pourquoi?' VDM."

Très vite, les fondateurs de VDM font le pari de se servir de Facebook afin que leur site (financé par la publicité) gagne en visibilité, quand d'autres sont encore réticents à l'époque. Le site se décline rapidement en anglais - FML, pour "F*** my life" - et en quelques mois, leur page Facebook devient la première au monde à atteindre le million d'abonnés.

"C'était exceptionnel", se souvient cet entrepreneur installé à Reims (Marne), aujourd'hui âgé de 35 ans. "C'était un moyen d'exister pour nous. Un nouveau support qui changeait constamment, où de nouvelles fonctionnalités naissaient quasi tous les jours. Il y avait tout à faire à l'époque."

Au début des années 2010, son entourage a encore du mal à comprendre l'énormité du phénomène VDM. "C'était lunaire, on faisait des chiffres stratosphériques et on pouvait vivre de cette activité mais mes proches n'ont réalisé qu'à partir du moment où on a eu des produits dérivés comme la BD", sourit-il.

"Avec le recul, je me rends compte que ça a pris très vite. Des chiffres exponentiels comme on faisait à l'époque avec VDM, on en verra plus jamais", ajoute-t-il, conscient que cette expérience lui a permis de lancer sa carrière.

Aujourd'hui, cet entrepreneur autodidacte est à la tête d'une plateforme de fans de séries TV, BetaSeries. Après avoir vendu VDM en 2016, il se dit "fier" d'avoir pu racheter la société VDM il y a trois ans. La page Facebook "Vie de merde" comptabilise désormais plus de 2,8 millions d'abonnés.

· "J'ai découvert ma famille biologique"

"Les larmes me sont tout de suite montées." À table un soir d'avril 2021, Pierre Florsch lâche son téléphone portable dans son assiette quand il découvre avec stupéfaction le message qu'il vient de recevoir sur Facebook: "Oui, nous avons effectivement la même mère."

À la recherche de son histoire et de ses origines depuis une quarantaine d'années, cet électricien originaire de Metz espérait recevoir ces quelques mots envoyés par un parfait inconnu depuis longtemps.

Ce jour-là, il apprend grâce au réseau social qu'André est en réalité son frère aîné, et qu'il a également une sœur de 4 ans sa cadette. Élevés ensemble par leur mère en Alsace, ils ignoraient tout de l'existence de Pierre. La fratrie, bien que sonnée, échange rapidement es photos de famille, puis se rencontre. Le quinquagénaire découvre alors que sa mère est morte quatre ans auparavant, puis un test ADN lui permet de découvrir son père biologique.

Trois ans après, Pierre confie qu'il ne s'attendait pas à faire de telles découvertes sur Facebook. C'est sa femme qui lui avait conseillé de rejoindre un groupe d'entraide baptisé "Une bouteille à la mer" dans l'espoir de trouver de nouvelles pistes. "Et effectivement quelques heures après, une dame répondait à ma publication", se souvient-il.

"Elle me conseillait d'essayer d'entrer en contact avec André parce que le nom de famille et la ville d'origine indiqués sur son profil correspondaient à l'histoire que je racontais", développe Pierre, qui a aujourd'hui écrit un livre sur cette histoire de retrouvailles inespérées.

· Après l'attentat de Nice, "on a pu retrouver notre fils"

"J'ai eu peur de ne jamais le revoir." Huit ans après, Tantely et Elodie Rambeloson n'en reviennent toujours pas d'avoir pu retrouver leur fils de 8 mois sain et sauf grâce à un appel à témoins lancé sur Facebook. Le soir de l'attentat de Nice, le 14 juillet 2016, le couple et leurs trois enfants sont fauchés par le camion-bélier qui vient de traverser la Promenade des anglais, faisant 86 morts et 458 blessés.

Lorsqu'il se réveille en état de choc, le père de l'enfant cherche désespérément le bébé parmi la foule, en vain. Ne trouvant son bébé nulle part, Tantely Rambeloson imagine le pire et confie sa "peur de ne jamais revoir" son fils.

En réalité, le petit Tylian est sain et sauf. Au beau milieu de la panique liée à l'attaque terroriste, une dame a le réflexe de le mettre à l’abri après l'avoir trouvé seul sur la Promenade des Anglais, en train de hurler dans une poussette cassée et retournée. Ils se réfugient alors dans une habitation voisine pendant plusieurs heures.

Pendant ce temps, le père de famille est emmené à l'hôpital avec ses autres enfants et sa femme, blessés. Mais sa belle-sœur Tavia, qu'il vient de prévenir, a immédiatement l'idée de lancer un appel à témoin public sur Facebook. La publication est massivement relayée sur la plateforme.

En seulement quelques heures, cette femme raconte avoir reçu entre 300 et 400 messages, parmi lesquels un certain nombre de fausses pistes. C'est finalement un coup de fil et une photo de Tylian reçus plus tard dans la nuit qui viennent apaiser ses craintes.

"Elle m'a envoyé une photo en privé et j'ai regardé, effectivement c'était bien lui. J'ai hurlé de joie", se souvient Tiava, qui a ainsi pu apporter le bébé à ses parents à l'hôpital.

Aujourd'hui, Tylian a 8 ans et il va bien. Son père raconte à BFMTV.com son "immense soulagement" lorsqu'il a de nouveau pu serrer son fils dans ses bras, six heures plus tard. "On a pu retrouver notre fils, c'est tout ce qui comptait", raconte-t-il. Depuis, cette femme est devenue une amie pour la famille. "On est régulièrement en contact avec elle, elle est venue manger à la maison et Tylian connaît son rôle", explique encore la mère de l'enfant.

· Nous avons créé "la plus grosse communauté d'entraide" de Facebook

C'est également sur Facebook qu'est née la Wanted community en 2011, un réseau d'entraide et de solidarité désormais présent dans de nombreuses villes de France - le groupe parisien compte plus de 510.000 membres. L'idée vient de Christian Delachet et "deux potes" qui souhaitent s'échanger des bons plans, adresses et autres recommandations dans la capitale, où ils viennent de déménager.

"On galérait à trouver les bonnes boîtes, les bons restos, des stages, des appartements pas trop chers", détaille Christian, qui explique que la communauté a rapidement pris de l'ampleur. "Petit à petit, nos potes ont ajouté des potes à eux... qui ont fait de même et très vite il y a eu des gens qu'on ne connaissait pas sur la page. On n'avait aucune idée du truc que ça allait devenir."

"Les gens se sont approprié l'outil et puis sans qu'on le voit vraiment venir, on est passés de 300 à un million de personnes en seulement quelques années", témoigne Christian Delachet.

Petites annonces pour trouver du travail, aides pour déménager, soirées cinémas ou anniversaires, recueil d'animaux abandonnés... Au fur et à mesure, les cofondateurs de Wanted se rendent compte que les gens utilisent leur page Facebook "de manière pratique et qu'ils commencent à faire des actions de solidarité".

Le succès est tel qu'en 2018, la Wanted Community remporte une bourse de 850.000 euros organisée en Europe par le réseau social.

"Je dirais que Facebook a rapproché les gens à un moment et je trouve que c'est moins vrai aujourd'hui", explique l'ancien avocat.

"L'outil groupe qu'on utilisait sur Wanted permettait aux gens d'entrer en contact, de discuter entre eux", développe-t-il. "Ça a quand même créé des communautés de personnes qui s'entraident sur des thématiques X ou Y".

Depuis, Christian Delachet a ouvert un café solidaire dans le 10e arrondissement de Paris, dans lequel les clients peuvent offrir des cafés ou des plats à des personnes en grande précarité.

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV