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Elon Musk fait supprimer les comptes Twitter qui suivent les jets privés de milliardaires

Avec plus de 25 comptes suspendus en l'espace d'une journée, le patron de Twitter part en chasse contre les utilisateurs suivant les déplacements des avions privés de personnalités.

Le compte rapportant automatiquement les trajets du jet privé d'Elon Musk a été suspendu mercredi 14 décembre par la plateforme malgré la promesse de l'entrepreneur de ne pas y toucher, illustrant ainsi son approche à géométrie variable de la modération.

Le compte avait été rétabli mercredi en fin de journée aux Etats-Unis, son propriétaire Jack Sweeney tweetant: "je suis de retour!". Avant de finalement être de nouveau suspendu dans la soirée.

Des données publiques

"Mon engagement en faveur de la liberté d'expression va jusqu'à ne pas interdire le compte qui suit mon avion, même si cela représente un risque direct pour ma sécurité personnelle", avait écrit Elon Musk sur Twitter début novembre, quelques jours après avoir racheté la plateforme pour 44 milliards de dollars.

"Compte suspendu" était-il écrit simplement sur le compte en question, baptisé @ElonJet, mercredi. Créé par un étudiant et suivi par environ 500.000 personnes, @ElonJet utilisait les données publiques pour indiquer, de façon automatique, quand et où l'appareil du patron de Spacex et Tesla décollait et atterrissait.

Avant de voir ce compte suspendu, Jack Sweeney soulignait avoir "tous les droits de transmettre des informations" sur le jet dans la mesure où les données sont publiques et que tous les avions ont l'obligation d'être équipés d'un transpondeur, un appareil destiné à aider à leur identification par les radars.

"La politique de Twitter stipule que les données trouvées sur d'autres sites peuvent être partagées ici aussi", précisait le message.

Plus de 25 comptes suspendus

"Publier la position géographique de quelqu'un en temps réel viole le règlement sur le doxing, mais le mettre en ligne en différé est autorisé", avait tweeté, mercredi, Elon Musk, le terme "doxing" signifiant divulguer publiquement, sur internet le plus souvent, des informations personnelles relatives à un individu, sans son accord.

Le compte personnel de l'étudiant, Jack Sweeney, a également été suspendu. Il en va de même pour d'autres comptes créés par le jeune homme de 20 ans, qui suivaient les déplacements des jets privés d'autres célébrités. Tout comme l'avion d'Elon Musk, ceux de Mark Zuckerberg, Jeff Bezos ou encore Bill Gates voyaient leurs trajets renseignés sur Twitter.

Au total, le New York Times indique que plus de 25 comptes scrutant les appareils d'agences gouvernementales, de milliardaires ou de personnalités ont été suspendus. Cet été, un compte similaire (toujours disponible) avait pris de l'ampleur en suivant l'avion privé de Bernard Arnault. Le patron de LVMH avait préféré vendre le jet et opté pour des locations afin de voyager anonymement.

Twitter est allé encore plus loin: il est impossible de partager dans un tweet le lien du compte Instagram qui suit le jet privé d'Elon Musk.

Un message d'erreur s'affiche indiquant: "votre tweet n'a pas été publié, ce lien ayant été identifié par Twitter ou nos partenaires comme potentiellement nuisible". En revanche, il reste possible de le publier depuis l'onglet Instagram "copier l'url et partager".

Des messages contradictoires

Depuis son arrivée à la tête de la plateforme, le multimilliardaire a envoyé des messages contradictoires sur ce qui y est autorisé ou non. Fervent défenseur d'une grande liberté d'expression - tant que les propos respectent la loi - il a rétabli des comptes auparavant bannis par le réseau social, dont celui de Donald Trump.

Mais il a aussi suspendu celui de Kanye West après la publication de plusieurs messages jugés antisémites et refusé le retour sur la plateforme du complotiste d'extrême-droite, Alex Jones.

Elon Musk a, par ailleurs, promu ces derniers jours la publication de plusieurs séries de "Twitter files", des documents internes censés illustrer des pratiques de modération discutables sous la précédente direction.

Des attaques dangereuses

Il a aussi attaqué personnellement l'ancien responsable de la sûreté de Twitter, Yoel Roth, qui a, par la suite, dû quitter son domicile pour des raisons de sécurité, selon des médias américains.

Le co-fondateur et ex-patron de la plateforme, Jack Dorsey, a pris publiquement, mardi, la défense de ses anciens collègues, estimant dans un message que les attaques à leur encontre "peuvent être dangereuses et ne règlent rien".

Il a aussi défendu l'idée que "seul l'auteur originel d'un contenu devrait pouvoir le supprimer" et que la modération ne devrait pas être faite via un "système centralisé" mais effectuée par des algorithmes conçus par le grand public.

Pierre Monnier avec AFP