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TikTok, YouTube: ces créateurs de contenus démocratisent la littérature

Le compte Jeannot se livre compte 9.600 abonnés sur Instagram

Le compte Jeannot se livre compte 9.600 abonnés sur Instagram - Capture Instagram

Les contenus littéraires comptabilisent de plus en plus de vues sur les réseaux sociaux. Les créateurs profitent des formats courts pour vulgariser le sujet et démocratiser son accès.

"Il y a encore un peu plus d’un an je ne connaissais rien à TikTok", lâche Valentine Tedo lors d’une rencontre avec les journalistes, organisée par TikTok le 13 octobre dernier. Elle tient pourtant depuis août 2021, le compte En toutes lettres sur lequel elle partage sa passion pour la littérature. Néophyte, elle recherchait une plateforme adaptée, un ami lui a parlé du hashtag BookTok. Sa première vidéo a fait plus 10.000 vues en 24h.

Ce phénomène de la littérature sur les réseaux sociaux a été propulsé ces derniers mois par les plateformes elles-mêmes. A l’image de TikTok qui a fait exploser le hashtag BookTok (plus de 88 milliards de vues) en accompagnant les créateurs de contenus littéraires.

Sur son compte, Valentine Tedo partage à ses 16.000 abonnés ses coups de cœur littéraires. Elle le fait sous différents formats dont un qui fonctionne particulièrement bien : "la magie des premières lignes". Dans ces vidéos, elle lit les premières lignes de différents ouvrages pour donner envie aux utilisateurs de s’y plonger.

"Quand je poste une citation je veux que ce soit le plus universel possible, que tout le monde puisse s’identifier", souligne-t-elle.

A travers sa chaine, elle tente d’amener les utilisateurs vers la littérature. La "booktokeuse" organise par exemple des randonnées littéraires comme une visite de la maison de Chateaubriand. "L’idée de ce genre d’initiative est d’amener un public plus éloigné vers le monde de la littérature", explique-t-elle à Tech&Co en aparté.

Parler de la littérature autrement en vidéo, c’est aussi le défi que s’est lancé Jeanne Seignol il y a cinq en ouvrant sa chaine YouTube Jeannot se livre. "Mon but est de dédramatiser l’accès à la littérature et de donner envie aux gens de lire", avance-t-elle, interrogée par Tech&Co. Dans ses vidéos, elle adopte un ton souvent humoristique, raconte ses dernières lectures, des anecdotes sur les auteurs, poste des conseils ou encore des vlogs.

En cinq ans, sa chaine s’est professionnalisée et rassemble 44.000 abonnés.
En cinq ans, sa chaine s’est professionnalisée et rassemble 44.000 abonnés. © Capture YouTube

Avant BookTok, est apparu la communauté BookTube, contraction cette fois-ci entre "book" et YouTube".

"Les formats sont très codifiés avec BookTube, j’ai voulu m’en éloigner et faire quelque chose de plus accessible", explique Jeanne.

Elle passe par les anecdotes pour attirer un public plus éloigné et adapte son contenu selon les périodes de l’année avec des vidéos spéciales Noël ou Halloween. Ainsi, en cinq ans, sa chaine s’est professionnalisée et rassemble 44.000 abonnés.

Communauté plutôt qu'audience

Et ses abonnés Jeanne Seignol peut prendre le temps de discuter avec eux via sa chaine Discord. 500 personnes l'ont rejoint. "Chaque mois nous lisons tous le même livre et nous débattons dessus. Au début, j’étais assez réfractaire puis finalement c’est le canal le plus adapté et j’en suis vraiment ravie", s’enthousiasme-t-elle.

Les chiffres d’audience, ce n’est pas ce qui l’intéresse le plus. Elle ne regarde pas tant l’audience. "J'ai une approche assez 'amusée', je le prends comme indicateur comme un autre. Cela est sûrement dû à mon travail actuel au service numérique de Public Sénat". La YouTubeuse teste depuis quelques semaines le format YouTube Shorts qui lui permet de voir plus facilement si un sujet plaît à ses abonnés.

YouTube a été le point de départ de Jeanne Feydel, 21 ans. Elle a démarré avec une chaine Lifestyle et 130.000 abonnées, avant de basculer sur TikTok pour parler littérature. Sur son compte Le café de Jeanne (28.000 abonnés), elle partage ses lectures du mois, publie des quizz de littérature et donne ses coups de cœur.

Son compte rassemble 28.000 abonnés.
Son compte rassemble 28.000 abonnés. © Capture TikTok

"Je ne me considère pas comme critique littéraire et mes abonnés le savent. Je ne publierai pas de critiques négatives sur un livre", explique-t-elle lors de l'échange avec les journalistes. L’étudiante en école de commerce à Montpellier veut avant tout "prendre du plaisir. Il y a beaucoup de bienveillance de la part de mes abonnés", relève-t-elle. "Et mon public, en tout cas celui qui interagit, est à 70% féminin".

Les interactions, Valentine Tedo les a remarquées dans les commentaires. Au point que des débats ont parfois lieu entre les abonnés. Dans ce cas, elle se donne pour règle ne pas répondre. Elle assure que les réactions de ses abonnés n’influencent pas le contenu de ses vidéos: "je n’essaye pas d’être consensuelle quand je poste. L’aspect éditorial de mon compte est en constante réflexion: est-ce que j’ai envie d’éveiller des débats? Est-ce que je me vois parler de Céline? Je ne crois pas pour autant que l’on puisse parler d’autocensure", analyse-t-elle.

Le compte En toutes lettres rassemble 16.000 abonnés.
Le compte En toutes lettres rassemble 16.000 abonnés. © Capture TikTok

Entre monétisation et maisons d’édition

Les trois créatrices ne gagnent pas leur vie grâce à leurs contenus. Jeanne Seignol explique qu’elle a trois sources de revenus sur YouTube: "les publicités dans les vidéos, ce n’est pas avec cela que je vais gagner ma vie, en publiant une vidéo par semaine sur la littérature", dit-elle avec humour. "Cela me rapporte environ 150 euros par mois. Les dons sur Tipee me rapportent environ 100 euros par mois. Enfin, je bénéficie d’aides et bourses du CNC destinées aux jeunes créateurs".

Au quotidien, elle réalise quelques partenariats sur sa chaîne avec des maisons d'édition. Mais elle en fait assez peu car "je veux garder mon indépendance et ne pas juste présenter les livres que l'on m'envoie", avance-t-elle. Elle refuse d’être rémunérée par des grandes maisons pour parler de leurs nouveaux livres et ces envois n’impactent pas le contenu de ses vidéos.

Jeanne Feydel a déjà fait un partenariat avec l’application littéraire Aldiko Next mais ne monétise pas ses contenus. Pour autant, elle avance que "booktokeuse peut s’envisager comme un métier à part entière".

Curieuse de TikTok, Jeanne a d'ailleurs, dans sa dernière vidéo, lu les livres populaires de BookTok dans la catégorie fantaisy. Bonne nouvelle, cela lui a permis de se réconcilier avec ce genre littéraire.

Margaux Vulliet