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Subventions de mobiles: pourquoi Free réclame plus d'1,5 milliard d'euros à Bouygues et Orange?

Le point de saturation du marché des smartphones a été atteint en 2016.

Le point de saturation du marché des smartphones a été atteint en 2016. - Jung Yeon Je - AFP

Depuis 2012, l'opérateur conteste cette approche commerciale qui permet à ses concurrents de vendre des smartphones à prix bradés associés à un forfait longue durée.

Free repart à l'assaut des subventions accordées par ses concurrents sur l'achat d'un mobile en échange de la souscription d'un abonnement avec au moins deux ans d'engagement. Une vieille bagarre menée depuis des années par Xavier Niel qui considère que ce modèle est en fait du crédit à la consommation déguisé.

Selon l'Express, l'opérateur qui a lancé la bataille en 2012 contre Bouygues Telecom, Orange et SFR (filiale d'Altice tout comme BFM Business) a réévalué le préjudice qu'il estime avoir subi. Pour Orange, il est désormais estimé à 790 millions d'euros et à 722 millions d'euros pour Bouygues. Soit un total de 1,512 milliard d'euros.

Free n'en démord pas. Non seulement la subvention de mobiles serait du crédit à la consommation déguisé mais en plus cette pratique est déloyale. Le groupe exige donc depuis 2018 que le tribunal de commerce de Paris ordonne la fin de ce modèle et fixe un dédommagement du préjudice subi.

"La pratique actuelle qui mélange le prix du service, celui du terminal et une prétendue subvention est une façon de faire du crédit à la consommation déguisé sans se soumettre aux contraintes légales. Cela revient à pratiquer des taux d'usure de 300 ou 400 % que le consommateur ne voit pas" déclarait en 2012 Xavier Niel, le patron d'Iliad.

Qu'est ce qui motive Free?

Ce conflit de longue date est peut-être un moyen de protéger sa propre approche commerciale. "Le modèle sans engagement (proposé depuis toujours par Free Mobile, NDLR) ne permet pas de faire du mobile subventionné et c'est la raison pour laquelle Free a proposé une alternative avec de location. Malheureusement la location de mobile est compliquée à gérer (avec les risques de fraude) et c'est un échec pour Free", nous explique Renaud Kayanakis, Managing Director, Head of Telecom & Media chez Sia Partners.

"Free veut le lead sur les offres SIM seule et ne pas être dépositionné sur les offres avec mobile subventionné, donc Free souhaite pouvoir s'aligner à la proposition de valeur de ses concurrents et tente de les empêcher de proposer des mobiles subventionnés", poursuit-il. "A défaut de proposition marketing de même valeur il "alimenterait" son compte de résultat par le fruit de ces procédures si elles étaient gagnées".

Reste que pour les opérateurs concurrents, la subvention de mobiles n'entravent en rien la concurrence et ils contestent la méthode de calcul du préjudice.

Free peut néanmoins s'appuyer sur une première victoire en cassation en 2018 contre SFR après deux défaites en première instance et en appel. La Cour de cassation considérait dans son arrêt que certaines des subventions proposées par les opérateurs s'apparentent bien à un crédit à la consommation, elles doivent donc être régies par la réglementation dédiée. 

Pour Free, "l’arrêt de la Cour de cassation rend donc impossible, sans le respect des règles du crédit à la consommation, le paiement étalé du prix de téléphones dans le cadre de forfaits mobiles, ce système "pourri jusqu’à la moelle" comme l’a dénoncé dans le passé une association de consommateurs".

Mais cette décision ne fait pas jurisprudence, elle ne s'applique donc pas automatiquement comme une règle sur le marché.

L'opérateur de Xavier Niel peut-il obtenir gain de cause?

Depuis 2012, le marché a fortement évolué et la subvention de mobile est aujourd'hui l'exception. Les forfaits avec engagement sont désormais très minoritaires (moins de 20% contre 90% à l'époque de la plainte). Néanmoins, ils concernent généralement les terminaux les plus haut de gamme, donc les plus chers. 

D'un autre côté, la question du renouvellement rapide des smartphones pose désormais question pour des raisons écologiques. La pratique pourrait bientôt être limitée: ces mêmes offres poussent les clients à passer à un nouveau téléphone alors même que le précédent fonctionne encore et ne présente aucun défaut majeur, a indiqué le gouvernement dans une feuille de route "sur le numérique et l'environnement" publiée le 23 février.

"Nous sommes prêts à prendre des mesures", a déclaré la source proche du gouvernement, sans donner plus de détails. "L'objectif est clairement d'accroître la durée de vie des terminaux", a-t-il ajouté. Ce qui pourrait signer la fin de cette pratique.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business