Réseaux sociaux: comment le prénom "Karen" est devenu une insulte aux Etats-Unis

Outre-Atlantique, Karen est un surnom péjoratif qui désigne la mère de famille blanche, raciste et, désormais, qui refuse de porter un masque.

"Je m’appelle Karen, mais je fais partie des bonnes Karen”. En seulement 24 heures, la vidéo Twitter d'une certaine Karen Hayes a été aimée près de 4.000 fois, et pour cause. Depuis plusieurs années, ce prénom est utilisé pour critiquer une partie de la population américaine. A l’image des “Kevin” en France, supposés ringards et issus de classe populaire.

Karen est devenue un mème, c’est-à-dire une blague virale diffusée sur internet, dont la signification a évolué au fur et à mesure de son utilisation. A l’origine, Karen désigne la mère de famille blanche, issue de la classe moyenne. Procédurière, voire agressive, elle demande toujours à parler au manager et appelle la police à tout bout de champ. Une chaîne YouTube consacrée aux vidéos de "Karen" compte désormais 140.000 abonnés.

La coupe "est-ce que je peux parler au manager" de Karen © Know Your Meme

Difficile de savoir qui fut la première Karen de l'histoire. L'expression pourrait venir d'un sketch de Dane Cook de 2004, sur "cette amie que personne n'aime", qu'il surnomme Karen. Ou bien d'une scène de la comédie Lolita Malgré Moi (2005), dans laquelle le personnage de Karen demande "mais si tu viens d'Afrique, pourquoi es-tu blanc?".

Avant Karen, il y avait eu Becky. Un autre surnom péjoratif donné à une femme qui avait appelé en 2018 la police pour "dénoncer" un barbecue organisé par des Noirs. Mais l'expression n'a pas connu le même retentissement que Karen.

Karen, symbole du racisme contre les Noirs

Ces derniers mois, le racisme est devenu un nouveau trait de personnalité de Karen, après la diffusion de séquences virales où l'on voit des femmes blanches s'en prendre sans raison à des Noirs.

C'est le cas de la "Karen de Central Park". Le 25 mai, jour de la mort de George Floyd à Minneapolis, un promeneur demande à une femme d'attacher son chien, comme le règlement du parc le prévoit. Elle refuse et s'éructe: “j’appelle la police, je vais leur dire qu’un homme africain-américain menace ma vie”.

Le surnom Karen lui est donné par la soeur du promeneur, qui partage la vidéo en écrivant “Quand les Karen baladent leur chien sans laisse”. Elle a été visionnée 45 millions de fois sur Twitter et cumule 5,7 millions de vues sur Facebook.

Un autre incident survenu fin juin à San Francisco fini de populariser le surnom Karen. Alors qu'un homme inscrit sur le mur de sa propriété le slogan “Black Lives Matter”, en soutien aux manifestants qui défilent dans les rues après la mort de George Floyd, un couple s’arrête pour lui demander s’il habite sur les lieux. La femme affirme “connaître” les habitants de l'immeuble et appelle la police.

Rapidement qualifiée de Karen, la femme finira par s’excuser quelques jours plus tard, après avoir reçu de nombreuses insultes. Quelques semaines plus tard, une autre Karen pointera un pistolet sur une mère de famille noire sur un parking.

Karen refuse de porter un masque

Plus récemment, la signification du surnom Karen s’est encore élargie et intègre celles qui refusent de porter un masque au nom de leur liberté.

L'expression est devenue si populaire qu'elle a dépassé les frontières d'internet. L'émission "The Late Show with Stephen Colbert" a repris la chanson Jolene de Dolly Parton pour demander aux Karen de bien vouloir porter un masque.

Le prénom est désormais lourd à porter pour les "vraies" Karen. Certaines auraient même préféré prendre des surnoms pour éviter les éventuelles moqueries. Comme Kevin en France, il y a fort à parier que le prénom Karen sera porté par de moins en moins de petites filles dans les années à venir.

https://twitter.com/Pauline_Dum Pauline Dumonteil Journaliste BFM Tech