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Présidentielle: Emmanuel Macron souhaite-t-il vraiment mettre fin à "l'anonymat" en ligne?

Macron face à la presse pour présenter son programme, le 17 mars 2022

Macron face à la presse pour présenter son programme, le 17 mars 2022 - Ludovic Martin

Le président-candidat s'est prononcé contre l'anonymat en ligne. Mais son entourage assure qu'il ne souhaite en rien mettre fin au pseudonymat tel qu'il existe actuellement.

"Dans une société démocratique, il ne devrait pas y avoir d'anonymat." Auprès du Point, Emmanuel Macron a rappelé ce 12 avril sa position sur l'utilisation des réseaux sociaux, dont la puissance monopolistique pourrait à ses yeux justifier un démantèlement. Une position qui a fait réagir de nombreux internautes, inquiet de devoir demain dévoiler leur véritable identité sur Facebook ou Twitter.

Cette prise de position peut paraître d'autant plus surprenante que Mounir Mahjoubi comme Cédric O, les deux secrétaires d'Etat au numérique du quinquennat d'Emmanuel Macron, se sont prononcés contre la levée de l'anonymat en ligne.

Anonymat versus pseudonymat

Dans les faits, de nombreux commentaires associent par erreur deux notions qui semblent voisines, mais qui ont pourtant des implications très différentes: l'anonymat et le pseudonymat.

Sur le Web, un internaute anonyme est par définition intraçable, donc impossible à identifier, y compris par son fournisseur d'accès à Internet ou par les plateformes qu'il utilise.

Un internaute sous pseudonyme est quant à lui impossible à identifier par les autres internautes en raison de l'utilisation d'un pseudo, mais peut être identifié par les autorités en deux étapes: d'abord en récoltant son adresse IP, à laquelle les réseaux sociaux ont accès, puis en demandant au fournisseur d'accès à Internet d'associer cette adresse IP à un abonnement, donc à un nom et à un prénom.

A l'heure actuelle, l'anonymat en ligne n'existe pas: chaque internaute peut être théoriquement retrouvé grâce à son adresse IP. Le pseudonymat est en revanche de mise sur Facebook, Twitter ou n'importe quel réseau social: chacun est libre de se présenter sous le pseudo qu'il souhaite.

La collaboration des plateformes en jeu

Auprès de BFMTV, Eric Bothorel, député de la majorité qui travaille notamment sur le projet numérique d'Emmanuel Macron, est catégorique: il n'est pas question de revenir sur la situation actuelle.

"Il n'y a aucune volonté de mettre fin à l'anonymat en ligne car il n'y a pas d'anonymat en ligne. Il est toujours possible de retrouver l'identité de quelqu'un sur le Web. Mais ce qui est en jeu, c'est la collaboration des plateformes pour livrer ces données, par exemple en cas de propos haineux. Le programme présidentiel ne se positionne en rien contre le pseudonymat, c'est-à-dire la possibilité pour les internautes de ne pas apparaître sous leur vrai nom. On peut être sous pseudonyme, sans pour autant être anonyme, pour être responsable en cas de délit" précise ainsi l'élu.

Toujours auprès du Point, Emmanuel Macron regrettait notamment que des gens "s'autorisent, car ils sont encagoulés derrière un pseudo, à dire les pires abjections". Pour le conseiller numérique du candidat, cette déclaration n'implique pas pour autant une volonté de mettre fin à l'utilisation des pseudos mais vise directement les plateformes, parfois réticentes à collaborer avec les autorités pour identifier des internautes accusés d'avoir commis des délits.

Ce n'est pas la première fois qu'Emmanuel Macron s'attaque à "l'anonymat" en ligne. En janvier 2019, lors du "grand débat national", il avait évoqué sa volonté d'aller "vers une levée progressive de toute forme d'anonymat", faisant suite à de précédents propos dans lesquels il évoquait là encore la collaboration des réseaux sociaux et messageries chiffrées avec la justice.

Si l'anonymat en ligne est théoriquement déjà inexistant, lever le pseudonymat impliquerait de fournir sa véritable identité à des plateformes majoritairement américaines ou chinoises. Ce qui nécessiterait potentiellement de leur fournir une pièce d'identité puis de valider son compte à l'aide d'outils biométriques. Avec à la clé d'autres problématiques, cette fois concernant la gestion des données personnelles.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co