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Pour détourner l'attention des critiques, Facebook a secrètement lancé une campagne dénigrant TikTok

Mark Zuckerberg annonce le changement de nom de Facebook pour Meta

Mark Zuckerberg annonce le changement de nom de Facebook pour Meta - Facebook

L'entreprise a recruté une agence de communication ayant pour mission de faire de la mauvaise publicité au réseau social chinois, afin de le présenter comme "une menace pour les jeunes américains".

L'entreprise Meta, maison-mère de Facebook et Instagram, a fait appel à une agence de communication baptisée Targeted Victory pour lancer une campagne visant à dénigrer le réseau social TikTok, l'un de ses principaux concurrents. Le Washington Post, qui a mis la main des emails internes à Facebook, révèle l'information ce mercredi 30 mars.

D’après les échanges consultés par le quotidien américain, Targeted Victory a présenté plusieurs pistes aux équipes de Mark Zuckerberg pour présenter TikTok comme une "menace" envers les jeunes américains.

Une partie de ces emails datent du mois de février 2022, peu après que Meta a dégringolé en bourse en annonçant sa perte d'un million d'utilisateurs actifs, une première pour le réseau social. De son côté, TikTok passait cet été le cap du milliard d'utilisateurs actifs.

Pour tenter de créer une image anxiogène de TikTok, Meta avait pour ambition de partager des récits faisant état de "challenges" violents et dangereux sur la plateforme, dans l’espoir que ces éléments soient repris par la presse américaine.

"Avez-vous des exemples de tendances TikTok néfastes sur vos marchés?" écrivait un employé de l’agence de communication mandatée par Meta à l’un de ses collègues dans un email interne.

Faux challenges

Pour accumuler les éléments pouvant nuire à TikTok, les équipes du prestataire de Meta ont notamment regroupé une série d’articles évoquant des tendances dangereuses sur TikTok, dans un document baptisé “Bad TikTok Clips” (“mauvaises vidéos TikTok”).

Comme le rappelle le Washington Post, plusieurs défis évoqués dans ces échanges proviennent en réalité de Facebook, et non de TikTok, à l'image du "Devious licks”, un défi qui consistait à vandaliser ou dégrader du mobilier scolaire.

Mais les équipes de communication travaillant pour Facebook ont été plus loin, en inventant de toute pièce des défis pour mieux les attribuer à TikTok. Elles ont ainsi évoqué un challenge consistant à "gifler son professeur", avec pour espoir des reprises de cette rumeur dans la presse américaine.

La mauvaise presse autour du défi "Devious licks" a finalement trouvé un écho auprès du sénateur américain Richard Blumenthal, l’un principaux des acteurs dans la défense des jeunes américains face aux réseaux sociaux.

Ce dernier a ainsi lancé l’initiative d’une audition de TikTok devant le Congrès, accusant l’application d’avoir été "utilisée de façon répétée pour promouvoir des actions et comportements dangereux et destructeurs”.

Faire de TikTok la "menace"

Dans un autre email, l’un des cadres de l’agence de communication précise que l'objectif est de "présenter Meta comme le bouc émissaire", tout en présentant TikTok comme "la véritable menace, en tant qu'application étrangère qui est la première en termes de collecte de données des jeunes utilisateurs".

La concurrence de Facebook et TikTok n'est pas nouvelle, mais elle a pris une nouvelle dimension lors des Facebook papers, où l'on découvrait, dans des rapports internes, que Meta s'inquiétait que les adolescents passent "2 à 3 fois plus de temps" sur TikTok que sur Instagram.

Andy Stone, le porte-parole de Meta, a défendu cette campagne de communication en expliquant que "tous les réseaux sociaux, dont TikTok, doivent faire face à une attention proportionnelle à leur succès".

Une telle opération de lobbying n’est pas une première pour Facebook, qui avait déjà engagé en 2018 une agence de communication peu après le scandale Cambridge Analytica. L’entreprise avait alors tenté de pointer du doigt d’autres géants du web, tels qu’Apple ou Google, pour détourner l’attention de ses affaires.

par Victoria Beurnez