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Les antennes 5G seront-elles un gouffre énergétique ?

Des antennes 5G ont été incendiées au Royaume-Uni et aux Pays-Bas.

Des antennes 5G ont été incendiées au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. - FABRICE COFFRINI / AFP

Plus rapide et plus performante que la 4G, la 5G démulpliera les volumes de données pouvant être échangés sur les réseaux. Quitte à démultiplier, du même coup, la consommation d'énergie? La corrélation ne fait pas figure d'évidence.

Avec la 5G, s’apprête-t-on à voir notre consommation d’énergie s’envoler ? Ce nouveau standard de téléphonie mobile est régulièrement présenté comme un gouffre énergétique par ses détracteurs. Ce 20 septembre, sur BFMTV, Jean-Luc Mélenchon fustigeait ainsi un réseau "qui consomme encore plus d'énergie" que le standard précédent, pour légitimer un moratoire et la tenue d'un débat démocratique sur la question. L'argument des antennes éteintes la nuit en Chine, car trop énergivores, revient quant à lui régulièrement dans le discours anti-5G.

Qu'en est-il réellement ? Les études à l'échelle mondiale font encore défaut sur le sujet. Les rares estimations dévoilées jusqu'alors émanent du think-tank The Shift Project, selon lequel le déploiement de la 5G équivaudrait à une augmentation de 2 % de la consommation d’électricité du pays. Les prévisions de ce think-tank en matière de consommation énergétique du streaming ou encore des cryptomonnaies ont néanmoins, et par le passé, déjà été revues à la baisse.

Des opérateurs trop optimistes ?

Faut-il pour autant se fier aux prévisions des acteurs responsables du déploiement de la 5G ? Les opérateurs promettent une consommation d’électricité de la 5G inférieure à celle de la 4G. "Pour acheminer 1 giga de data, la 5G utilisera deux fois moins d’énergie que la 4G à son lancement, et dix fois moins d’énergie à horizon 2025", claironne par exemple Orange.

Lors d'une audition au Sénat le 10 juin, le président de Bouygues Telecom s'était montré plus nuancé. "La 5G permet, lorsque l’on transporte des données, de le faire avec moins d’énergie. En revanche, elle augmente considérablement les débits et permet donc un usage beaucoup plus important, donc de transporter davantage de données, ce qui est beaucoup plus consommateur. Il est donc erroné d’affirmer que la 5G permettra des efforts en matière d’énergie", notait ainsi Olivier Roussat.

"À fréquence égale, couverture égale et débit égal, la 5G consomme 15% de moins que la 4G, si l’on en croit la documentation des équipementiers, Ericsson et Huawei en tête", note Jérôme Nicolle, consultant indépendant en infrastructures réseaux. "En revanche, si d’ici dix ans les usages augmentent considérablement, contraignant les opérateurs, sous la pression du marché, à déployer du 3,5 Ghz et à peu près 2.000 pylônes supplémentaires, la consommation d’énergie pourra doubler". Cela intègre néanmoins et d'après une étude de Huawei, un report de la consommation énergétique des data centers sur le réseau.

Une corrélation faussement évidente

Par ailleurs, qui dit démultiplication des volumes de données échangées, a priori par dix pour la 5G, ne dit pas forcément augmentation de la consommation énergétique. "Cette corrélation est un mythe hélas admis comme une évidence", souligne ainsi Pierre Beyssac, président de la société de stockage de fichiers Eriomem. "Les statistiques historiques montrent une explosion du volume sans augmentation de la consommation, au contraire on voit une stagnation voire une légère diminution".

L'impact environnemental de la 5G embarque en réalité avec lui un large panel de paramètres. "La consommation d’énergie de la 5G dépendra essentiellement de la stratégie de déploiement des opérateurs et de la façon dont le réseau sera utilisé", estime ainsi Jérôme Nicolle.

"Les opérateurs ne feront que s’adapter à la demande. Si on demande plus, on va consommer plus. Si on optimise nos usages, on peut s’en sortir", tempère-t-il ainsi, en pointant du doigt les sites et applications mobiles grossièrement conçues et qui "consomment bien plus que nécessaire". À ses yeux, le problème de consommation d’énergie ne tient au fond pas spécifiquement à la 5G mais à l’ensemble de la chaîne du numérique.

Retard à l'allumage

Initialement prévues en avril, les enchères pour les fréquences 5G ont été repoussées au 29 septembre. Le déploiement de la 5G dans les grandes villes françaises devrait intervenir au plus tôt mi-novembre. La France accuse en la matière un léger retard par rapport à ses voisins européens. "Ce retard à l’allumage peut être une chance", explique malgré tout Jérôme Nicolle.

"Il peut être l’occasion de déployer la 5G d’une façon plus écologique que ce qu’elle aurait pu être. À la fois en tirant des enseignements des déploiements engagés dans les autres pays mais aussi en se donnant la possibilité de co-construire les réseaux, contrairement à ce qui est jusqu’à présent prévu, et de réduire le nombre d’équipements nécessaires sur le réseau par deux" espère-t-il.

Prochaine étude attendue sur le sujet: celle de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) qui devrait apporter sa pierre à l'édifice début 2021. Une étude sur les effets sanitaires de la 5G, cette fois-ci menée par l'Anses, est également attendue à cet horizon-là.

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech