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L'Arcom pourrait bientôt avoir la possibilité de bloquer n'importe quel site pornographique

Le gouvernement souhaite se passer d’une décision judiciaire pour bloquer l’accès aux sites X toujours accessibles aux mineurs.

Le gouvernement s’apprête à dévoiler le projet de loi pour "sécuriser et réguler l’espace numérique", qui vise à adapter au droit français les règlements européens sur le numérique - le Digital Security Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA). En l’état, ce texte impose aux réseaux sociaux de bannir les personnes condamnées pour haine en ligne, y compris pour cyberharcèlement.

Le texte est actuellement étudié par le Conseil d’Etat, mais selon les informations du média Next INpact, un article prévoit aussi de durcir la législation actuelle concernant les sites porno. Le but: donner les pleins pouvoirs à l’Arcom pour bloquer ou déréférencer un site porno qui n’aurait pas respecté l’injonction d’interdiction aux mineurs, sans passer par le juge.

L'Arcom pourra décider seule

Le gouvernement reviendrait au passage sur un mécanisme mis en place par la loi pourtant récente du 30 juillet 2020. Cette procédure impose une mise en demeure préalable de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle (Arcom), qui somme les sites de se conformer à l'obligation légale de bloquer l'accès des mineurs à leurs contenus. Une fois quinze jours écoulés, l’Arcom a la possibilité de saisir le tribunal judiciaire de Paris, qui se prononce ensuite en faveur du blocage ou du déréférencement administratif du site, à l’issue d’une audience contradictoire.

Fin 2021, l’Arcom avait lancé une première série de mises en demeure contre cinq sites (Pornhub, Tukif, Xhamster, Xvideos et Xnxx), sommés de se conformer à l'obligation légale de bloquer effectivement l'accès des mineurs à leurs contenus. En avril, elle avait mis en demeure trois autres sites, et lancé une saisine contre l’éditeur de RedTube.

Ce nouveau système permettrait à l’Arcom de faire bloquer ou déréférencer directement le site incriminé, au terme d’une injonction de quinze jours. Concrètement, l'Arcom pourrait imposer aux fournisseurs d'accès à Internet (Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free) de bloquer les adresses IP des sites concernés, et aux moteurs de recherche de les faire disparaître de leurs résultats. Des amendes administratives, allant jusqu’à 500 000 euros ou 6 % du chiffre d’affaires mondial pourraient également être infligées.

Des solutions de contrôle toujours floues

Un recours auprès du juge administratif serait toujours possible pour les entités visées, dans les cinq jours à compter de la décision. Il suspend ensuite les sanctions pendant deux semaines, le temps pour le tribunal de statuer, avec la possibilité d’un appel dans un délai de dix jours.

A l’heure actuelle, le contrôle de la majorité sur ces sites s’effectue en cliquant sur un simple bouton, lorsqu'elle est activée. Une solution jugée très insuffisante pour empêcher les mineurs d'accéder à ces plateformes.

La question se pose également dans le cadre du futur projet de loi définissant la majorité numérique, qui vise à conditionner l’inscription sur les réseaux sociaux des adolescents entre 13 et 15 ans à une autorisation de leurs parents, et à l’interdire en deçà de l’âge de 13 ans.

Dans le cas des sites X, la Cnil, l’autorité en charge de la sécurité des données, ne s'oppose pas au contrôle par carte bancaire ou par analyse du visage. Mais aucune solution concrète n’a encore été privilégiée, en raison de limites importantes liées à leur efficacité et aux risques pesant sur les données personnelles des internautes.

Lucie Lequier