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On a vu "Fallout", la série Amazon: est-ce toujours une bonne idée d’adapter des jeux vidéo?

Fallout, la série

Fallout, la série - Prime Video

Ce 11 avril, la série Fallout inspirée du jeu vidéo du même nom arrive sur Amazon Prime Video. Le dernier exemple d’une tendance actuelle des services de streaming d’aller chercher l’inspiration dans des univers bien connus des joueurs.

The Last of us, Arcane, Cyberpunk: Edgerunners, Halo, Cuperhead… Depuis plusieurs années, les adaptations de jeux vidéo font le bonheur des services de streaming vidéo. À court d’idées, désireux de toucher un nouveau public ou d’aller chercher du contenu: les raisons sont multiples, mais les Netflix, Amazon Prime Video, HBO, Paramount+ et autres raflent souvent la mise à la fin.

Ce jeudi 11 avril dès 3h du matin (en avant-première sur Twitch, puis sur Prime Video), c’est au tour de la saga Fallout de Bethesda de faire son show. Après avoir vu les premiers quatre premiers épisodes de la série, un premier constat: les joueurs vont arriver en terrain connu tant la production s’est appliquée à rester fidèle à l’univers aussi bien visuel que philosophique du jeu. Les nouveaux venus n'en seront pas exclus.

Une série inspirée de la saga, pas un copié-collé

La série met en scène Lucy (Ella Purnell) qui a grandi dans l’abri 33 avec son père (Kyle McLachlan) et son jeune frère. Tout se déroule pour le mieux dans un monde postpocalyptique où les riches ont trouvé refuge, 200 ans plus tôt, dans de vastes abris anti-atomiques après une guerre froide qui s’est prolongée pour finir en explosion nucléaire. Un cocon paisible fait de lois et de règles à respecter qui va voler en éclat quand l'héroïne se frotte au monde extérieur pour la première fois afin de retrouver son père enlevé.

Car en surface, les populations irradiées tentent de survivre dans le Wasteland, de vastes terres américaines ravagées, où la loi du plus fort règne face à une nature hostile. La naïve Lucy va croiser le chemin du Goule (Walton Goggins), revenu d’entre les morts, et d'un soldat en armure chargé de protéger la population.

C’est ce mélange de monde dévasté, de survie, d’ambiance des années 1940-50 mâtinée d’avancées technologiques, d'humains, mutants et robots, qui prend vie à l’écran.

"J’étais obsédé par le jeu, obsédé par son univers", confie le producteur et réalisateur de la série Jonathan Nolan (Westworld) à GameRadar après avoir découvert Fallout 3 en 2008. "Son ambition, sa mythologie et la sophistication de son monde, sa gravité. Et ce qui m’a séduit, c’est son étrangeté, son aspect satirique et le ton impossible à qualifier de l’ensemble. On ne voit que rarement des choses comme ça."

Un univers pour les novices aussi

Le jeune frère de Christopher (Oppenheimer, Interstellar, The Dark Knight) a parfaitement retranscrit sa perception de l’univers du jeu jusque dans les moindres détails. Les tenues emblématiques jaune et bleu, les téléviseurs cathodiques, la musique et la mentalité de l’époque, les affiches de propagande…: le Fallout du jeu n’est pas égratigné en changeant de support. Le côté kitsch et rétro des abris tranche avec la violence en surface.

Fallout la série ne suit pas la trame d’un des jeux de la franchise, même si les fans retrouveront plusieurs références à différents épisodes. Ses créateurs ont choisi une tout autre temporalité, en 2296, neuf ans après la saga. C’est peut-être la bonne idée pour ne pas se mettre les joueurs à dos et éviter les novices sous des références qu'ils n'auraient pas. Et cela permet aussi d’ajouter de nouveaux personnages, de nouveaux événements ou créatures, et même un nouvel environnement (Los Angeles à peine reconnaissable et jamais cité, mais identifiable).

Le jeu vidéo, la nouvelle poule aux oeufs d’or d’Hollywood

Après le cinéma et les films (Détective Pokémon, Super Mario Bros, Sonic, Uncharted, Tomb Raider…), le petit écran s’empare à son tour du jeu vidéo pour renforcer ses propositions. Longtemps, il fut de mauvais ton d’aller piocher sur les consoles et PC, cela étant perçu comme le signe d’un manque de créativité et les films furent longtemps à cette image.

Bien avant que The Last of us soit un énorme succès, l’industrie du jeu vidéo a pourtant vu frapper à sa porte les productions et les géants du streaming vidéo, désireux de s’assurer les droits de machines à cash pixellisées ayant une énorme communauté de joueurs, aux profils finalement assez similaires à ceux de bons nombres d'abonnés Netflix et consorts.

Mais là où The Last of us a marché dans les pas du tout premier jeu, bouchant quelques trous narratifs, mais manquant parfois de surprises, les autres adaptations empruntent souvent des routes parallèles. Autant tiré du jeu que de la série de livres, The Witcher a évité quelques écueils de cette manière, mais n’a pu éviter la comparaison, Henry Cavill en Geralt de Riv en premier lieu.

De son côté, Arcane, adapté de l’univers de League of Legends, a surpris tout son monde en créant de toute pièce une histoire où des personnages du jeu font leur apparition. Cyberpunk: Edgerunners ou Halo ont aussi misé sur un cadre connu (la ville de Night City pour le premier, le statut de Spartan pour le second) pour installer un cadre connu, mais y construire une autre trame.

À l’instar de Neil Druckmann, créateur de The Last of Us le jeu, Todd Howard, le producteur de Fallout, fait partie des producteurs de la série et a été impliqué à chaque étape de la production. Cela a permis de s’assurer que les marqueurs, non seulement visuels, les marques de fabrique de Bethesda aussi (l’humour, les combats sans merci, les giclées de sang aussi…) étaient bien conservés, mais sans pour autant ne penser qu’aux fans.

Capitaliser le succès sur une communauté solide

Car le but pour chacun, c’est avant tout d’appuyer un succès potentiel sur des communautés qui y trouveront une extension d’un univers déjà connu et apprécié, sans se priver pour autant d’attirer un public plus novice. "Je ne pense pas que l’on crée un film ou une série pour les fans", avance Nolan. "Je pense que vous pouvez le faire en tant que fan". Mais méfiance, les fans sont les plus intraitables aussi.

Si être fan impose aux réalisateurs de respecter les codes d’un univers pour mieux le retranscrire et s’attirer le respect des joueurs, les créateurs des jeux y ont aussi un intérêt : une série réussie et ce sont de nouveaux joueurs potentiels séduits qui n’auraient jamais mis la main sur le titre sans cela. C’est ce qu’a très bien compris Sony en lançant un remake du tout premier The Last of Us rebaptisé pour l’occasion Part I, car sa suite avait été appelée The Last of Us Part II. Celle-ci s’est d’ailleurs offert, trois ans à peine après son arrivée sur PS5, un remake, histoire d’être fin prête… pour la saison 2 de la série. Ghost of Tsushima, Horizon ou encore God of War, prochaines adaptations attendues, devraient suivre la même voie de la PS5 à la TV.

"Les jeux vidéo sont un médium pour raconter des histoires et, actuellement, le plus important si l’on tient compte des chiffres, du nombre de joueurs et de la taille de l’industrie", a confié Nolan à la presse lors de CanneSeries. Pour lui, cela deviendra même "la principale source d’inspiration" à Hollywood dans les prochaines années.

Il faut dire que le milieu du jeu vidéo a de quoi donner des idées à une industrie hollywoodienne en quête de renouveau. Le marché du jeu vidéo était estimé à 254 milliards de dollars en 2022 et les prévisions l’amènent à quelque 925 milliards en 2032, selon Spherical Insights, spécialiste des données de marché.

Melinda Davan-Soulas