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Final Fantasy: pourquoi les jeux de rôles japonais ont un tel succès en France

Avec le lancement de Final Fantasy VII Rebirth, Square Enix relance un genre qui connaît une popularité importante, et ce, malgré l'arrivée des jeux de rôles occidentaux plus matures.

Si aujourd'hui, lorsqu'on pense aux jeux de rôle, on parle souvent de Cyberpunk 2077, Dragon Age Inquisition ou encore The Witcher, le genre a néanmoins eu au fil des années de multiples itérations, popularisées en Europe par des productions venues du Japon.

Le J-RPG, un genre culte

Ainsi est né le J-RPG, pour jeu de rôle japonais (Japanese role playing game). Contrairement aux grandiloquentes productions occidentales, qui n'hésitent pas à toujours faire mieux visuellement comme en matière de mise en scène, allant même parfois franchement vers l'action-RPG, le J-RPG reste un mastodonte qui ne nécessite pas une réinvention régulière pour continuer à se vendre.

Parmi les franchises les plus célèbres: Final Fantasy bien sûr, mais aussi Kingdom Hearts ou encore Dragon Quest. Des jeusx devenus ultra-populaire dans le monde entier et en France.

"On peut dire que le genre en lui-même n’a pas besoin de se réinventer. Il l’est déjà constamment par bon nombre de créateurs et de créatrices, pas forcément japonais. Les codes esthétiques et les mécaniques de gameplay sont aujourd’hui repris de par le monde, et on peut avoir des J-RPG créés par des studios occidentaux, même si ça peut sembler contre-intuitif," explique à Tech&Co Jordan Mauger, auteur du livre En quête de J-RPG chez Third Editions, citant des titres comme Undertale ou Chained Echoes en exemple.

Une singularité qui s'explique par une certaine époque, où les éditeurs et développeurs japonais se sont fait souvent connaître par la qualité de l'écriture, tout comme par un gameplay bien à eux. Le tour par tour n'est certes pas l'apanage du Japon, et il a le plus souvent été remplacé par des combats en temps réel afin de dynamiser les expériences, mais il a néanmoins permis à des millions de joueurs de comprendre à leur rythme certains préceptes des jeux sur lesquels ils ont pu s'amuser.

C'est dans ce contexte que sort Final Fantasy VII: Rebirth, seconde partie du "remake" du cultissime Final Fantasy VII sorti à la fin des années 90 sur Playstation. Comme Final Fantasy VII Remake, sorti en 2018 sur Playstation 4, ce nouvel épisode propose des phases de combat en temps réel, mais permet également de passer à du tour par tour, "à l'ancienne" diront les fans. Un système de jeu largement remis au gout du jour par le succès de la franchise Persona ces dernières années.

Avec Persona 5, Atlus a su convaincre le public occidental
Avec Persona 5, Atlus a su convaincre le public occidental © Atlus

La nécessité de s'évader

Mais au-delà du rythme des combats, le J-RPG est aussi connu pour proposer un type de récit centré autour de ses personnages, avec un ton parfois très enfantin et qui a la particularité de faire en sorte que le joueur s'attache très rapidement aux héros, tout en célébrant les antagonistes. Si les histoires ne sont pas toutes d'une originalité folle, cela n'empêche pas les fans de se souvenir parfois au mot près de certaines séquences de la saga Final Fantasy ou Tales of.

"C'est une question de culture avant tout," explique Guillaume Leviach, streamer et journaliste jeu vidéo, "tout ce qui touche à la pop culture japonaise a très souvent une base très enfantine, colorée... Je pense que mélanger cet aspect plus 'gamin', un peu 'kawaii', à des problématiques plus adultes, et les mises en scène qui vont avec, nous permettent de nous rappeler qu'on reste dans un jeu et dans un univers complètement fictif."

Dans un J-RPG, on va ainsi avoir cette impression d'être dans un film interactif, offrant un détachement nécessaire dans un pays connu pour l'intensité de son milieu professionnel: "Je pense que c'est ce détachement qui plaît autant aux joueurs," abonde Guillaume Leviach, "mais pas que les japonais, qui sont pourtant la cible, il y a aussi les occidentaux, qui, mine de rien, ne recherchent pas que des expériences extrêmement immersives, et veulent aussi s'évader de leur réalité quand ils jouent."

L'attente des joueurs autour des productions de ce type est importante, sans pour autant qu'ils ne réclament de changements importants: "Le terme J-RPG désigne un genre déjà assez compliqué à définir, c'est le seul genre auquel on accole une aire culturelle précise et le mot n'est pas employé par celles et ceux qui le font, puisque les créateurs japonais ne parlent que rarement de J-RPG", explique Jordan Mauger.

Le J-RPG, une invention occidentale

L'appellation "J-RPG", qui symbolise donc le jeu de rôle à la japonaise n'est finalement qu'une invention occidentale, nous confirme l'auteur: "Ca désigne surtout ce qui a l'air japonais à nos yeux, de l'extérieur. De là, on peut donc considérer que c’est assez logique qu’on veuille retrouver dans les œuvres à venir ce qui nous a permis de nommer ce genre un peu bancal: un style visuel et des stéréotypes souvent utilisées dans l’animation japonaise."

Les stéréotypes du J-RPG font-ils d'eux des jeux "mièvres"? Pas vraiment, confirme Jordan Mauger: "Les J-RPG quant à eux présentent souvent des univers plus colorés et centrés autour de stéréotypes reconnaissables et donc rassurants, mais finissent toujours pas nuancer leur propos et leur univers au bout d’un certain temps: derrière le royaume mignon que doit sauver l’adolescent fougueux, on finit toujours par arriver à une remise en question, à quelque chose qui rebat les cartes, à une apocalypse surprise. C’est sûrement ça qui fascine: comment ce jeu va-t-il nous surprendre, alors même qu’il a l’air de raconter la même chose que ceux auxquels on a joué avant."

Avec l'hégémonie actuelle du jeu de rôle occidental, les sacres de Dragon Age Inquisition ou de The Witcher 3 en leur temps... Comment faire pour que le J-RPG continue d'intéresser son audience? "Ce n'est pas au genre de se réinventer, mais peut-être aux studios historiques, qui, à cause des investissements colossaux que nécessitent les jeux vidéos à gros budget, doivent limiter les prises de risque, et proposer des remakes ou des histoires convenues, comme c'est le cas pour Square Enix, Atlus ou Bandai Namco," conclut Jordan Mauger.

Sylvain Trinel