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"C'est l'art de notre époque": Quand le MoMA de New York se penche sur le jeu vidéo

Le musée expose 11 jeux vidéo tirés de sa collection (Minecraft, Pac-Man, Simcity...) pour interroger les interactions entre la machine et le joueur.

Le jeu vidéo est-il un art? Si la question pourrait ne jamais avoir de réponse, certaines institutions culturelles ne l'ont pas attendue pour mettre le médium à l'affiche de leurs expositions. En témoigne le Musée d'art moderne de New York (MoMA), l'un des musées les plus renommés au monde, qui met le jeu vidéo à l'honneur avec l'exposition "Never Alone: Video Games and Other Interactive Design".

Un nom très abstrait au premier abord, mais qui concerne en fait la plus grande partie de nos vies. "Le design influence toutes les interactions qu'on a avec les machines, que ce soit avec un distributeur de billets, un téléphone ou un jeu vidéo", explique à Tech&Co Paul Galloway, spécialiste des collections du département Design & Architecture du musée.

Et quelle meilleure porte d'entrée pour parler design que le jeu vidéo, avec ses manettes allant du sobre à l'improbable, ses mondes infinis à explorer, et ses interactions parfois imprévisibles? "Les jeux vidéo sont définis par ces idées d'interaction avec la machine."

"Ce qui est incroyable, c'est ce que les gens en font"

11 jeux vidéo sont ainsi exposés dans la galerie du MoMA, allant des classiques comme Pac-Man et Simcity à des curiosités comme Katamari Damacy ou Flowers, en passant par des ovnis complets qui tiennent plus de l'expérience visuelle que du jeu proprement dit. Et d'autres encore sont projetés sur les murs du musée, de Pong à Getting over it with Benett Foddy.

Le musée se penche sur le design interactif à travers trois aspects: d'abord "l'input", c'est-à-dire la manière dont la machine reçoit le signal humain. L'exposition reconstitue l'histoire de ces interfaces, allant du joystick de Pac-Man aux écrans tactiles en passant par les boutons des bornes d'arcade et la manette de la Playstation.

Joystick, boutons, manette, écran tactile: pour interagir, il faut réfléchir au design de l'interface.
Joystick, boutons, manette, écran tactile: pour interagir, il faut réfléchir au design de l'interface. © Emile Asket/Museum of Modern Art

Le MoMA étudie bien sûr "le rôle du designer, qui construit l'expérience et l'histoire pour le joueur", et enfin "la perspective du joueur, avec la liberté créative et les interactions avec l'environnement" qui peuvent transformer l'expérience du jeu de manière totalement imprévue, même pour ses créateurs.

"On le voit dans un de nos exemples, Minecraft: ce qui est vraiment incroyable avec ce jeu, c'est ce que les gens en font, encore plus que le jeu en lui-même", s'exclame Paul Galloway.

"On ne devrait jamais avoir de réponse"

Et ce n'est qu'un échantillon de la collection du MoMA, qui compte 36 jeux patiemment accumulés depuis 2012. Pourquoi une institution comme le MoMA porte-t-elle un tel intérêt au jeu vidéo? Un devoir, pour Paul Galloway:

"Le jeu vidéo, c'est l'art de notre époque", résume le responsable.

Car le jeu vidéo s'est depuis longtemps échappé des salles d'arcade et des consoles pour coloniser chaque instant de nos vies grâce à ses mécaniques (systèmes de points, comparaison avec d'autres utilisateurs...). "Je rencontre souvent des gens qui me disent qu'ils ne jouent pas aux jeux vidéo, et je leur demande: est-ce que vous jouez aux mots croisés sur le site du New York Times? Est-ce que vous utilisez Duolingo? Tout ça, ce sont des jeux vidéo."

Le MoMA compte 36 jeux dans sa collection, allant de Pac-Man à Minecraft en passant par Simcity et Katamari Damacy.
Le MoMA compte 36 jeux dans sa collection, allant de Pac-Man à Minecraft en passant par Simcity et Katamari Damacy. © Emile Asket/Museum of Modern Art
"On ne peut pas dire qu'on est un musée qui essaie de réfléchir à l'art de notre époque si on ne prend pas en compte ce champ de créativité si incroyable et riche que sont les jeux vidéo", affirme Paul Galloway.

Reste l'éternel débat: le jeu vidéo est-il un art? "Je pense que c'est une question très importante... car elle ne devrait jamais avoir de réponse", tranche Paul Galloway. "L'important, c'est de continuer à se la poser, de se demander à quoi on prête de la valeur et pourquoi."

Luc Chagnon