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French Tech, 5G, régulation, cryptos: Cédric O fait le bilan de son action au gouvernement

Cédric O, le Secrétaire d'Etat au Numérique.

Cédric O, le Secrétaire d'Etat au Numérique. - Ludovic Marin / AFP

Le désormais ancien secrétaire d’Etat au numérique revient sur les principaux sujets dont il a eu la charge. Insistant sur un bilan plus large que la seule éclosion de la French Tech.

Il quitte un secrétariat d’Etat au numérique après plus de trois ans à sa tête. Une période durant laquelle il a accompagné des levées de fonds majeures, une régulation inédite des GAFAM, mais où il a dû faire face à quelques désillusions. Cédric O fait le bilan de son action auprès de BFMTV.

Quel élément vous a le plus marqué au cours des trois dernières années?

Ce qu’il y a à retenir, c’est que la France de 2022 n’est plus celle de 2017. Il y a eu un retour dans le jeu de la France. D’abord en termes économiques, car c’est par là que ça commence, avec des entreprises de plus en plus importantes, comme Mirakl, qui vont demain permettre aussi de fixer des talents et du capital technologique. Ces talents, qui jusqu’à récemment s’exportaient ailleurs dans le monde, ont désormais des arguments pour rester en France.

Quelle est votre plus grande satisfaction?

Quand on parle de ce qu’on a fait en cinq ans, on évoque souvent la French Tech. Mais le bilan, ce n’est pas que la French Tech, même si l’une de mes principales satisfactions est d’avoir participé à tout ça.

Il faut aussi évoquer le DMA et le DSA, deux textes de régulations adoptés au niveau européen, qui ont été éclipsés par l’élection présidentielle mais qui sont susceptibles de tout changer. Je pense qu’ils couvrent la diversité des enjeux numériques.

Il y a aussi des victoires personnelles, notamment sur les questions d’inclusion numérique. En 2017, le budget pour accompagner les Français ayant des difficultés avec le numérique était de 600.000 euros par an. On est désormais à 250 millions!

Le New Deal Mobile a également été très important (un accord avec les opérateurs pour couvrir davantage de zones blanches en réseaux mobiles, ndlr). Avant 2017, il y a eu 600 pylônes allumés en zone blanche en 15 ans. On en est à 2500 en quatre ans.

Le quinquennat se finit par un assèchement des marchés. Est-ce que ça va être plus compliqué pour les start-up?

Il va y avoir un plateau. Ça va être plus compliqué en raison du contexte international et du fait qu’il y ait moins d’argent disponible. Mais je pense que ce n’est qu’une pause car le mouvement de numérisation de l’Europe dans les 5 à 10 prochaines années va être énorme. Il y a une pause dans l’exubérance, mais les sous-jacents macro-économiques sont là.

Si on se rappelle de l’explosion de la première bulle Internet, en 2000 et 2001, des boîtes comme Google, PayPal et Salesforce sont passées à travers. Les actifs technologiques, dès lors qu’ils sont là, passent à travers les crises. La différence entre la crise du début des années 2000 et aujourd’hui, c’est la qualité des actifs humains et technologiques. Quand on regarde ce que font Doctolib, Mirakl ou Alan, on constate que leurs actifs sont solides.

Quelle est votre principale frustration?

Je considère que, globalement, le bilan est très positif. Mais il y a des éléments qui sont largement incomplets. Il faut continuer sur la French Tech: nous ne sommes même pas à la moitié de la moitié du chemin.

Je regrette aussi de n’avoir pas réussi à faire en sorte que le débat sur la question technologique et de l’innovation, qui va de la tech au vaccin, en passant par la 5G, ait souffert dans la période actuelle. Il y a trop d'éléments conflictuels et caricaturaux. Il n’y a plus le consensus sur le progrès technologique que l’on pouvait avoir à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Nous n’avons pas réussi à lever tous les doutes.

Il y a aussi la question du décrochage d’une partie de la population de la compréhension de la grammaire numérique du monde, qui va de la capacité à remplir ses impôts en ligne jusqu’à la compréhension du mode de diffusion des fake news. Le chemin reste très long.

Le cloud (qui reste largement américain ou asiatique, ndlr), c’est une frustration, mais qui se résoudra sur quinze ans. Le retard est immense.

Quel est votre principal échec, à titre personnel?

Ce qui m’a le plus pesé à titre personnel, c’est de soumettre les smartphones reconditionnés à la redevance sur la copie privée.

Va-t-on réussir à rendre les plateformes responsables devant la loi?

Ça va prendre du temps, mais le DSA va changer beaucoup de choses. Ça ne sera pas magique, mais les choses vont évoluer significativement.

Maintenant que vous quittez votre poste, vous en avez le droit: allez-vous acheter des cryptos?

Ce n’est pas impossible. Mais je pense qu’il y avait une bulle et trop d’idéologie. Technologiquement et économiquement, c’est quelque chose d’intéressant. Dans les pays peu bancarisés et où la monnaie est peu solide, ça se regarde. Mais les cryptos resteront des actifs plutôt que des monnaies.

Souhaitez-vous laisser la place à un ministre du numérique, plutôt qu’à un secrétaire d’Etat?

Je pense qu’un ministre du numérique séparé de l’économie et sans administration est un ministre sans pouvoir. Il faut la puissance de Bercy. On pourrait même imaginer que le numérique dépende du Premier ministre, comme cela sera le cas pour l’écologie.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co