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Équateur: une clé USB piégée blesse un journaliste en explosant lors de son branchement

Cle USB Sandisk

Cle USB Sandisk - Cle USB Sandisk

Un journaliste équatorien a été blessé dans l’explosion d’une clé USB piégée, reçue par courrier.

C’est un conseil de base en informatique: il est fortement déconseillé de brancher des clés USB inconnues à vos appareils, surtout professionnels. Mais en Equateur, se faire dérober ses données ou abîmer son système ne sont pas les seuls dangers qu’encourent ceux qui s’y risquent.

Un journaliste a été blessé lundi 20 mars après avoir inséré dans un ordinateur une clé USB reçue dans une lettre, comme le rapporte l’AFP, selon les informations de la chaîne de télévision régionale privée TV Ecuavisa, basée à Guayaquil, pour laquelle la victime travaillait.

Du RDX utilisé

L’engin a explosé dans la salle de rédaction, blessant superficiellement le journaliste Lenin Artieda à une main et au visage, selon le chef de la police criminelle, Xavier Chango. D’après lui, l'explosif utilisé pourrait être "du RDX", "un explosif de type militaire".

Aussi appelé T4, le RDX "peut être utilisé seul comme charge de base pour détonateurs ou mélangé à d’autres explosifs, comme la TNT" selon l’agence de protection de l’environnement américaine. Cet explosif se présente sous la forme de capsules d’environ un centimètre de long, mais seulement la moitié était activée dans le disque dur qu’Artieda a branché, ce qui l’aurait en partie préservé.

L'explosion n'a pas fait d'autres blessés ni de dégâts matériels, mais des lettres contenant des explosifs ont été adressées aux journalistes de quatre autres médias équatoriens. L’une de ces enveloppes a été interceptée par la police avant d'arriver à destination, a indiqué le ministre de l'Intérieur Juan Zapata, qui a précisé que "la capsule détonante est effectivement la même dans les cinq endroits".

Il s'agit d'un "message absolument clair visant à faire taire les journalistes", a encore déclaré le ministre. Le parquet a ouvert une enquête pour terrorisme. L'organisation de défense de la liberté de la presse Fundamedios considère ces attaques comme "une nouvelle escalade de la violence contre la presse: inquiétante, inacceptable, violant la liberté d'expression et nécessitant l'intervention immédiate de l'Etat".

Contexte d’insécurité

Dans un communiqué, le gouvernement exprime sa solidarité, rejetant "catégoriquement tous types d'actes violents" et "tentatives d'intimidation contre les journalistes et les médias".

L'an passé en Equateur, la chaîne nationale RTS avait été la cible de tirs. Gangréné par le narcotrafic, le port de Guayaquil, la deuxième ville d'Equateur, est désormais l'une des zones les plus violentes du pays. Gangs et groupes criminels, dont certains sont liés aux cartels mexicains, s'y disputent le contrôle des routes du trafic de drogues.

Situé entre la Colombie et le Pérou, les plus grands producteurs mondiaux de cocaïne, l'Equateur est passé du statut de simple pays de transit à celui d'important centre de distribution vers l'Europe et les Etats-Unis. Les saisies de drogue ne cessent d'augmenter, et le taux de morts violentes est passé de 14 pour 100.000 habitants en 2021 à 25 en 2022.

Si l’utilisation d’un tel procédé pour faire taire les journalistes est inédite, de tels objets ne sont pas une nouveauté: en 2021, une filiale du conglomérat russe Rostec, Technodynamika, avait déjà présenté un prototype de clé USB auto-destructrice.

Lucie Lequier avec AFP