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Peut-on faire confiance à Binks, la "néobanque" qui imite l'Apple Card?

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Depuis plusieurs semaines, une jeune “néobanque” française figure parmi les plus téléchargées sur l’App Store. Baptisée "Binks", elle reprend en grande partie les codes de l’Apple Card, disponible aux Etats-Unis. Non sans soulever quelques questions.

Elle est la première application qui s’affiche lorsqu’on recherche les termes “banque en ligne” sur l’App Store d’Apple (hors contenu sponsorisé), et se présente comme “#1 Banque en ligne”. Depuis la fin de l’année 2019, l’application de la “néobanque” Binks accumule plus de 3.000 notes positives, bien qu’elle ne propose à ce jour aucun service fonctionnel. Elle figure par ailleurs parmi les trente applications les plus téléchargées dans la catégorie banque/finance, devant Ma French Bank (La Banque postale) ou Hello bank! (BNP Paribas)

Pour profiter de sa future carte (facturée 7,99 euros par mois) au design très inspiré de celui de l’Apple Card - non disponible en France, il faut s’inscrire sur une longue liste d’attente, regroupant près de 40.000 comptes en attente. Mais certaines zones d’ombre subsistent sur le sérieux de cette jeune entreprise.

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Copier/coller sur Apple

En parcourant le site officiel de Binks, la ressemblance avec le site officiel de l’Apple Card est frappante. Les illustrations reprennent à l’identique celles de l’entreprise californienne, ainsi que certains textes, semblant être de simples traductions de ceux écrits par Apple. "Même Apple ne sait pas ce que vous avez acheté. Ni où. Ni combien vous avez dépensé. Chez Apple, nous croyons fermement au respect de la vie privée" indique la page dédiée à l’Apple Card. Une promesse quasiment identique, reprenant les mêmes codes visuels, est affichée sur le site de Binks. 

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Cette inspiration - qui semble aussi concerner l’application de Binks - est revendiquée par Elias Chetouani, fondateur de Binks. "C’est complètement assumé. Nous voulons proposer une expérience qui se rapproche de celle de l’Apple Card. Nous avons remarqué que de nombreuses personnes aimaient le style de ce produit", explique-t-il à BFM Tech. 

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Sur le site de Binks, la carte reprend l’allure de celle d’Apple, sans aucune suite de chiffres ni logo apparent. Un design théoriquement interdit par Visa.

"Comme Apple, nous avons obtenu une dérogation", assure Elias Chetouani. La carte intègre une puce identique à celle du produit Apple, pourtant breveté. "Le visuel n’est pas celui de la carte qui sera envoyée aux clients", concède celui qui se présente comme "un serial entrepreneur". 
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Pas d’agrément français

Un mot est cependant absent sur site de Binks: "banque". Et pour cause, l’entreprise n’a aucun agrément bancaire en France. Comme le confirme l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution - le "gendarme" des banques et assurances - à BFM Tech, Binks est en réalité l’agent d’un prestataire de service de paiement installé au Royaume Uni et dénommé PayrNet Limited.

Toujours sur son site, Binks assure que les fonds de ses clients sont "protégés quelque soit le montant." Une promesse permise grâce à la protection du Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR), assure Elias Chetouani à BFM Tech, évoquant le fait que son prestataire britannique fasse partie de “l’Europe”. Oubliant au passage la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier dernier.

Au 14 février 2020, Binks ne figure pas sur la liste des adhérents au FGDR, organisme d’intérêt général créé en 1999 dans le but de protéger les clients des banques en cas de défaillance.

Une précédente version du site de Binks (et de sa fiche sur l'App Store) évoquait une garantie "jusqu’à un million d’euros" assurée via un cantonnement de fonds auprès de Crédit Mutuel Arkéa. Ce qui a aussitôt été démenti par l’entreprise concernée.

Auprès de BFM Tech, le fondateur de Binks ne s’explique pas la nuée de commentaires positifs d’internautes sur l’App Store, alors que le service doit d’après lui être lancé en avril. D’autant plus qu’à première vue, il semble en grande partie identique à ce que peuvent proposer des concurrents comme Revolut ou N26. Il ne souhaite pas non plus commenter l’appellation “#1 Banque en ligne”, qui entre en contradiction avec la réalité du service promis (qui n’est ni “premier”, ni une banque).

Contacté par BFM Tech, le youtubeur Cédric BK explique cette accumulation de bonnes notes par des promesses faites aux utilisateurs de remonter dans la liste d’attente en échange de cinq étoiles - une pratique formellement interdite par Apple. Il précise avoir prévu un partenariat avec Binks, avant de se rétracter en raison de ses doutes quant à la fiabilité de l’entreprise. Il affirme par ailleurs avoir dû supprimer une vidéo et des tweets évoquant Binks après plusieurs menaces reçues de la part du fondateur de la plateforme.

A ce jour, Binks est immatriculée sur l’avenue des Champs-Élysées, à une adresse liée à un prestataire spécialisé dans la domiciliation d’entreprise. Elias Chetouani assure cependant que son équipée est constituée de six personnes, chargées de la programmation informatique, du marketing et de l’application du droit bancaire.

Contacté par BFM Tech, Visa n'a pas confirmé ou démenti la dérogation accordée à Binks. L'article sera mis à jour dès réception de leur réponse.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co