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Comment la CAF scrute les réseaux sociaux pour débusquer les fraudeurs

700 agents de la CAF sont chargés de repérer les incohérences entre les déclarations et la situation réelle des allocataires.

700 agents de la CAF sont chargés de repérer les incohérences entre les déclarations et la situation réelle des allocataires. - Philip Huguen

Les publications accessibles sur Facebook, Twitter ou encore LinkedIn viennent s'agréger aux informations brassées par les agents de la CAF pour repérer et sanctionner les fausses déclarations.

Elle touchait des allocations en tant que mère célibataire, alors même qu’elle vivait en couple, à une adresse différente de celle déclarée. Fin juin, une jeune femme de 31 ans a écopé d'une amende de 500 euros avec sursis, pour avoir indûment reçu près de 40.000 euros de la part de la Caisse d'allocations familiales (CAF). De simples publications Facebook ont permis aux agents de contrôle de souligner l'incohérence entre ses déclarations et sa situation réelle.

Quelques mois auparavant, une quinquagénaire des Alpes-de-Haute-Provence subissait un sort similaire. Quelques unes de ses publications Facebook venaient illustrer sa vie de couple et mettaient en avant son compagnon de 45 ans, malgré ses déclarations au titre de parent isolé. Entre 2014 et 2018, la prévenue aurait indûment perçu 25.000 euros de prestations sociales. Et aura finalement été sanctionnée de 1.500 euros d’amende avec sursis pour ses fausses déclarations.

Trois règles

Les données librement accessibles en ligne constituent une mine d'or pour les agents de la CAF, qui y accordent désormais une vigilance particulière. Chaque année, la fraude vient gréver le budget de l'institution. En 2018, le préjudice de ces détournements d'allocations était estimé par la CAF à 304,6 millions d'euros, contre 291 millions d'euros l'année précédente. Montant moyen de la fraude: 6.785 euros.

Pour les 700 contrôleurs assermentés assignés à cette tâche sur l'ensemble du territoire français, il s'agit de se pencher sur le volet numérique de la vie de leurs allocataires en cas de suspicion sur un dossier. Aucun système de "contrôle systématique" de ces réseaux, ni même de cellule spécifique de veille ne sont prévus, indique la CAF. Ce contrôle vient s'intégrer au suivi quotidien effectué par les agents.

"Les contrôles diligentés par la Branche famille visent à confirmer ou à infirmer les informations communiquées par l’allocataire lors de sa demande de droit", indique la CAF auprès de BFM Tech. "En ce qui concerne la condamnation du mois de juin, l’allocataire a été contrôlée après une déclaration de grossesse avec le même père de son premier enfant. Et ce, alors qu'elle était considérée par la Caf comme isolée, c’est-à-dire vivant seule. Le contrôle a abouti à la constatation d'une vie maritale. En l'occurrence, la consultation des réseaux sociaux est venue confirmer une situation déjà largement démontrée par le contrôle."

Pas d'automatisation prévue

Encadré, le contrôle des réseaux sociaux se plie à trois règles: il reste circonscrit aux informations librement accessibles, à la portée de tous; les éléments recueillis par ce biais ne peuvent servir, à eux seuls, à établir la décision finale du contrôle et viennent simplement compléter d'autres éléments probants, dont ceux collectés auprès d'autres organismes de prestations sociales ou bancaires; enfin, le rapport de contrôle contient obligatoirement l'information sur la consultation des réseaux sociaux.

"Il n’y a aucun stratagème, ni volonté de tromper l’allocataire", souligne la CAF. " À la suite de la rédaction du rapport de contrôle, les faits sont discutés avec l'allocataire, qui a la possibilité de présenter ses arguments prévus".

Le suivi des publications sur les réseaux sociaux reste néanmoins fastidieux. Il n'est facilité par aucun outil en particulier, et se fait au gré des recherches en ligne des agents de la CAF. "Aucune automatisation de ce type de contrôle n'est prévue", fait savoir l'organisme de prestations sociales.

En 2019, Gérald Darmanin, alors ministre de l'Action et des Comptes publics, annonçait le lancement d'une expérimentation de trois ans d'analyse automatique des informations publiées sur Facebook, Twitter, Instagram, ou sur les sites de petites annonces comme eBay ou Le Bon Coin. Cette dernière restera circonscrite aux seuls fraudeurs fiscaux, ayant soumis de fausses déclarations d'impôts.

https://twitter.com/Elsa_Trujillo_?s=09 Elsa Trujillo Journaliste BFM Tech