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Blocage des sites pornographiques: la CNIL met en garde contre les systèmes de vérification d'âge

Un stand Pornhub à l'AVN Adult Entertainment Expo (Las Vegas), en 2017

Un stand Pornhub à l'AVN Adult Entertainment Expo (Las Vegas), en 2017 - Ethan Miller

Le décret publié par le gouvernement pour imposer aux sites pornographiques de contrôler l'âge des internautes se heurte à de nombreuses problématiques en matière de protection des données privées.

C'est un décret qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour les habitudes des internautes français qui désirent consulter des sites pornographiques. Ce 8 octobre, le gouvernement publiait un texte permettant au CSA de déclencher une procédure de blocage contre tout site pornographique ne vérifiant pas l'âge de ses visiteurs. Avec en ligne de mire l'immense majorité des plateformes, qui se contentent pour la plupart d'un simple message d'avertissement.

Mais la procédure de vérification d'âge désirée par le gouvernement s'avère risquée pour la protection des données personnelles des internautes, relève la CNIL dans un avis repéré par le site spécialisé Next INpact. La Comission a en effet été saisie sur le sujet par la ministre de la Culture Roselyne Bachelot.

Indentification des internautes illégale

Dans son avis, la CNIL rappelle qu'un système de vérification d'âge qui collecterait des informations sur l'identité des internautes serait illégal, avec en prime le risque de voir leurs habitudes de consommation de contenus pornographiques enregistrées. La fourniture d'une pièce d'identité à l'éditeur d'un site pornographique est ainsi exclue du dispositif.

"Une telle collecte de données présenterait, en effet, des risques importants pour les personnes concernées dès lors que leur orientation sexuelle – réelle ou supposée – pourrait être déduite des contenus visualisés et directement rattachée à leur identité" relève la CNIL, qui s'émeut par ailleurs des risques pour les internautes en cas de piratage ou de fuite de la base de données.

Avec de telles contraintes, les solutions de vérification d'identité s'avèrent limitées. Pour assurer la protection des mineurs comme celle des données personnelles, la CNIL suggère la mise en place d'un "tiers de confiance" pour vérifier l'âge de l'internaute à la place de l'éditeur du site (en vérifiant la pièce d'identité à sa place), sans lui transmettre la moindre donnée personnelle.

Le CSA prié de limiter sa propre collecte de données

L'utilisation d'une plateforme publique comme FranceConnect pour accéder à des sites pornographiques a été écartée en juin 2020 par le gouvernement. Pour éviter tout blocage en France en respectant la loi sur la protection des données personnelles (le RGPD), les plateformes devront donc se tourner vers des prestataires privés, auxquels les internautes devront - par définition - faire confiance.

Toujours dans son avis, la CNIL rappelle que la vérification d'âge ne devra se limiter qu'à des sites Web principalement dédiés à la pornographie, et non à l'ensemble des plateformes sur lesquelles peuvent apparaître des contenus pornographiques. C'est par exmple le cas du réseau social Twitter, qui autorise de telles publications.

La Commission revient également sur la décision du gouvernement de rediriger les internautes souhaitant consulter des sites jugés illégaux vers une page d'information hébergée sur le site du CSA.

Là encore, elle relève que cette opération "ne devrait pas conduire ce dernier à collecter les données à caractère personnel des internautes concernés, et notamment leurs adresses IP", toujours pour éviter tout lien entre un individu et la nature d'un site pornographique qu'il aurait souhaité consulter.

https://twitter.com/GrablyR Raphaël Grably Rédacteur en chef adjoint Tech & Co