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TOUT COMPRENDRE - pourquoi la Cour suprême américaine pourrait bouleverser Google, Facebook et Twitter

La Cour suprême américaine examine deux cas qui pourraient radicalement changer le fonctionnement d’internet. L’enjeu, la “section 230”, qui régule les sites depuis 1996.

Deux jours qui vont provoquer quelques tremblements dans la Silicon Valley. Mardi et mercredi, la Cour suprême américaine se penche sur la "section 230", une loi qui régit internet depuis un quart de siècle. Tech&Co fait le point sur les enjeux.

· Qu’est-ce que la "section 230"?

La "section 230" est en réalité un article d’une loi américaine (le Communications Decency Act), entrée en vigueur en 1996. Concrètement, cet article offre une immunité judiciaire aux sites internet concernant les contenus publiés par leurs utilisateurs.

Pilier de la sacro-sainte liberté d’expression sur le web, cet article déclare que les plateformes ne sont pas considérées comme des éditeurs et donc ne sont pas responsables pénalement de tout ce qu’il s’y trouve. Cela valait à l’époque pour les forums, les sites de petites annonces ou encore les contenus pornographiques qui commençaient alors à arriver sur le réseau internet.

Cette section 230 était aussi une manière de protéger le secteur du Web, en plein balbutiement, contre des procès en cascade qui auraient tué dans l’oeuf les premières entreprises.

Aujourd’hui, cette loi permet aux sites, et surtout aux réseaux sociaux, d’échapper à la justice s’ils hébergent des contenus illégaux, à quelques exceptions près: les contenus liés à la prostitution, les contenus piratés et les violations du droit pénal fédéral.

La section 230 offre en réalité une grande marge de manœuvre, qui permet aussi aux plateformes de supprimer les contenus qu’elles jugent inappropriés, même s’ils ne sont pas légalement interdits aux Etats-Unis.

· Pourquoi cette loi est-elle si clivante?

Dans la société fracturée américaine, cet article est devenu un enjeu majeur et regroupe autant de détracteurs ou de soutiens à gauche comme à droite: élément majeur de la liberté d’expression ou blanc seing pour les réseaux sociaux? Gage de stabilité économique ou pouvoir inconditionnel donné aux géants de la tech?

Depuis 1996, beaucoup ont tenté de remettre en question ce texte, à commencer par l’ex-président Donald Trump en 2020 via une ordonnance pour permettre aux partis politiques de demander des comptes aux plateformes. Elle sera révoquée un an plus tard par Joe Biden.

Cependant, de plus en plus de voix s’élèvent pour une mise à jour de cet article voté il y a un quart de siècle. Mark Zuckerberg, patron de Facebook, et Jack Dorsey, ex-PDG de Twitter, s’étaient d’ailleurs montrés favorables à une révision, lors de leur passage devant le Congrès américain en 2021.

· Pourquoi la section 230 se retrouve face la Cour suprême?

Mardi et mercredi, la haute juridiction américaine s’intéressera à deux cas distincts qui pourraient entraîner une refonte de la loi. Jusqu’à présent, elle avait refusé de se pencher sur la question.

Dans le premier cas, il s’agit d’une plainte des proches d’une américaine tuée dans l’attentat du Bataclan, en 2015. Ils reprochent à YouTube (filiale d’Alphabet, maison-mère de Google) d’avoir suggéré, via son algorithme, des vidéos de promotion de l’Etat islamique et ainsi soutenu la croissance du groupe terroriste. Pour eux, l’utilisation d’un algorithme donne à Google un rôle éditorial, ce que l’entreprise dément.

Mercredi, la Cour suprême regardera de près le cas d’une victime d'un attentat contre une discothèque d'Istanbul le 1er janvier 2017. Une cour d’appel avait jugé que Twitter pourrait être considéré comme "complice", critiquant le manque d’efforts "vigoureux" de la plateforme pour faire le ménage dans les contenus terroristes. Cette fois, c’est Twitter qui a saisi la cour suprême.

Les décisions doivent être rendues avant le 30 juin prochain.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business