Tech&Co
Réseaux sociaux

Malgré l'afflux des déçus de Twitter, les habitués de Mastodon ne croient pas à une tendance durable

Depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, beaucoup d’internautes ont décidé de migrer vers Mastodon. Certains avaient toutefois sauté le pas il y a bien plus de temps. 

Il y a ceux qui tâtonnent encore quant à l’utilisation de Mastodon et tentent de comprendre le fonctionnement de ce réseau social. Et il y a ceux qui maîtrisent déjà bien les codes un peu particuliers de la plateforme.  

Trouver des personnes ayant investi Mastodon depuis plusieurs mois, voire depuis ses débuts en 2016, n’est pas la tâche la plus compliquée. Mais les contacter en revanche… Sur Mastodon, les messages privés n’existent pas. Il faut écrire un toot (équivalent d’un tweet), mentionner la personne voulue et ensuite restreindre son toot à cette même personne mentionnée. 

Autrement dit un parcours du combattant pour avoir une conversation normale. Mais les aficionados de Mastodon ont l’habitude. Et les raisons qui les ont poussés à investir le réseau social sont multiples. 

Se défaire des géants

L’objectif numéro 1 de Mastodon est de créer une alternative aux grosses entreprises du secteur, comme Facebook, Instagram ou Twitter. Les utilisateurs de ce type de réseaux veulent donc avant tout fuir les géants, souvent perçus comme une menace.

Mastodon a souvent été avant-gardiste, développant certaines fonctions bien avant ses concurrents, comme le content-warning (contenu signalé comme sensible) ou les messages restreints à une partie de sa communauté.

Allan, technicien pour un gros opérateur téléphonique, a investi la plateforme en 2017. "J’ai tendance à aller tester les nouvelles choses, encore plus quand ce sont des alternatives aux GAFAM. Je n’aime pas forcément les gros groupes qui décident de tout et ne font pas assez attention à mes données personnelles."

Même son de cloche pour Gee, artiste illustrateur et ingénieur en informatique, qui a créé son compte sur Mastodon en 2017. Le mastonaute aux 3500 abonnés est entre autres membre de l’association Framasoft, qui travaille sur l’éducation aux enjeux numériques. L’association se penche ainsi sur des alternatives aux grosses entreprises. Ils ont même une instance à eux sur Mastodon, Framapiaf.

L’ingénieur explique toutefois continuer à utiliser Twitter, de la même façon que Mastodon: "Je continue de publier mes dessins sur les deux applications. Twitter me permet d’avoir de l’echo, avec une publication qui peut parfois "percer". Mais Mastodon m’offre une meilleure visibilité, vu qu’il y a moins de monde, mes publications apparaissent mieux dans la timeline des utilisateurs." Et les chiffres parlent d’eux-mêmes: Gee possède désormais deux fois plus d’abonnés sur Mastodon que sur Twitter.

Compte Mastodon de Gee
Compte Mastodon de Gee © Capture d'écran

Il faut toutefois noter que la plupart des anciens mastonautes sont issus d’un même milieu: celui des passionnés de nouvelles technologies. Techniciens, ingénieurs ou étudiants en informatique, les utilisateurs de Mastodon ont tous un fort attrait pour cet univers. Et c’est souvent ce qui les a poussés à poser leurs valises sur ce territoire peu exploité.

Un havre de paix

Pour ces mastonautes confirmés, Mastodon représente aussi un espace de liberté, loin des jugements et polémiques fréquentes sur Twitter. Allan affirme que Mastodon est devenu une safeplace (endroit sûr, ndlr) pour partager des choses de la vie sans pour autant vouloir le dire à tout le monde. "C’est plus personnel, je n’ai pas cherché à développer mon réseau ici, j’ai juste quelques amis proches."

Hakim, 27 ans, étudiant en master d’informatique à l'Université Lyon 2 apprécie également cette tranquillité sur le réseau.

"J'ai un assez gros contingent d'abonnements et d'abonnés sur Twitter donc Mastodon est un peu une bouffée d'air frais en petit comité, sans être assailli de notifications" confie l'étudiant.

Il est vrai que même avec la vague de nouveaux arrivants sur la plateforme, Mastodon reste encore très loin de la fréquentation du réseau social d’Elon Musk. Les arrivées massives de déçus de Twitter ont permis à Mastodon de dépasser le cap des 3 millions d’utilisateurs. Mais face aux plus de 430 millions d’utilisateurs de Twitter, difficile de faire le poids. Alors le calme règne encore, mais jusqu’à quand?

Une vague éphémère?

Tous sont unanimes: Twitter ne va pas s’écrouler. Et Mastodon ne sera pas submergé de nouveaux arrivants indéfiniment. "On a déjà eu des vagues précédemment et ça redescend toujours. Même si Twitter devenait payant et que plus personne n’y allait, je suis persuadé que ça ne fonctionnera pas" concède Allan.

"Au niveau des serveurs ça ne suivra jamais car c’est un réseau indépendant et non lucratif" poursuit le technicien.

Des petits pics d’arrivée ont été observés à de multiples reprises ces dernières années, en particulier après chaque grosse mise à jour sur Twitter. La vague s’est accentuée en avril dernier, lors des rumeurs de rachat de Twitter par Elon Musk, avant d’arriver à celle que l’on connaît aujourd’hui.

Mais la complexité de Mastodon reste pointée du doigt, même par les habitués comme Gee: "Ce qui peut effrayer et rebuter certains c’est l’expérience utilisateur qui est évidemment plus "rugueuse" que sur Twitter, mais il faut s’habituer. Il y a aussi cette impression de vide qui est encore présente. Aussitôt arrivé, on a directement envie de repartir en voyant le peu de monde présent."

Les habitués sont toutefois conscients d’une chose: difficile encore aujourd’hui de faire une croix totale sur Twitter. La plateforme reste nécessaire pour se créer un réseau ou une communauté, garder le contact avec ses connaissances ou encore s’informer sur l’actualité. "J’espère pour les personnes qui travaillent sur Mastodon que l’essor va durer. Mais si je suis réaliste, cela va être compliqué" concède Hakim.

Julie Ragot