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"Amas de propagande": Shein suscite un tollé en invitant des influenceuses dans une usine

La marque de fast-fashion aux multiples reproches a organisé un voyage pour quelques influenceuses triées sur le volet. Une démarche qui a été vivement critiquée sur les réseaux.

Elles se décrivent comme "fashion designer", collaboratrice de Shein, actrice ou entrepreneuse. Ce sont six influenceuses, triées sur le volet et venues de partout dans le monde, qui ont été invitées par la marque de fast-fashion Shein lors de ce mois de juin, à participer à un voyage aux airs promotionnels.

Ensemble, elles ont participé à des conférences organisées par la marque, visité des lieux touristiques, pris des photos et vidéos. Mais l'étape-clé de ce voyage, c'était aussi et surtout une visite de l'une des usines Shein, dans la province de Guangzhou, en Chine.

Elogieuses, elles ont multiplié les publications avec le hashtag "SheinOnTheRoad" ("Shein sur la route"), largement relayées par les différents comptes de la marque.

Dans l'une d'entre elles, partagée par le compte Instagram officiel de Shein, l'une des influenceuses invitées, "itsjustajlove" (un million d'abonnés), répond aux questions des internautes.

On l'y entend notamment dire que "les employés ont des salles pour se reposer", "des ventilateurs à disposition". "Ils ne transpirent même pas", dira d'ailleurs l'une d'entre elles, mentionnant des vêtements, "fabriqués et cousus main".

"Je m'attendais à voir une usine remplis de gens exploités, mais j'ai été agréablement surprise de constater que la plupart des processus sont robotisés", peut-on également entendre.

Entre les lignes de ces vidéos, un fil rouge est tenu par les influenceuses: celui de "dénoncer la propagande qu'on nous sert aux Etats-Unis" et de "pouvoir voir de ses propres yeux et penser de manière indépendante", selon l'influenceuse danidmc. Par "la propagande" citée ici, il faut entendre les reproches faits à l'entreprise.

Derrière la façade

Car Shein, marque d'ultra fast-fashion tentaculaire qui propose des vêtements tendances à prix dérisoire, accumule les charges sur les plans humain et environnemental. Elle est notamment soupçonnée de participer à l'exploitation de la population Ouïghoure, une minorité musulmane enfermée dans des camps en Chine et soumise au travail forcé depuis des années.

Les conditions de travail dans ses usines sont également largement décriées. Une ONG avait estimé, fin 2021, que les employés pouvaient réaliser jusqu'à 75 heures de travail par semaine, étant soumis au rythme effréné de la marque.

Chaque jour, Shein propose environ 7000 nouveaux vêtements sur son site, chacun étant disponible pendant en moyenne deux mois sur la plateforme. Des chiffres à l'extrême de la "fast-fashion", incomparables avec des magasins de vêtements classiques.

"Un amas de propagande"

Aucune de ces considérations ne transparait dans les vidéos issues de ce "voyage Shein", qui donnent une image moderne et bienveillante de la marque. Et malgré les bonnes volontés de ces influenceuses pour redorer son image, les internautes ont très vivement critiqué la démarche. Sur les réseaux sociaux, ils ont été nombreux à dénoncer les vidéos des jeunes femmes dans l'usine.

The Rogue Essentials, une influenceuse spécialisée sur la "low fashion" et la consommation éthique", a publié une vidéo en réaction à ce voyage, rappelant les faits reprochés à Shein, avant de conclure sa vidéo en disant "Arrêtez de tuer la planète. Je vous vois cibler les plus jeunes, agiter la carotte. C'est vraiment dégoûtant".

D'autres vidéos parodient sur fond vert la visite de l'usine, utilisant les vidéos d'un documentaire de Channel 4 qui dénonçait les conditions de travail de l'entreprise. "Un amas de propagande merdique", scande Melissa, une tiktokeuse aux 30.000 abonnés.

"C'est vraiment louche. Si cette entreprise était correcte, pourquoi auriez vous autant besoin d'insister sur le fait que les personnes y travaillent dans des conditions décentes?", pointe internaute. "Tout le monde a un prix, tout le monde peut être acheté", en conclut un autre.

Victoria Beurnez