BFMTV
Société

Violences sexuelles faites aux enfants: 11 membres de la Ciivise démissionnent et critiquent le gouvernement

11 membres de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, sur la vingtaine qu'elle contient, ont annoncé jeudi leur démission en signe de protestation, quelques jours après l'annonce du remplacement du juge Édouard Durand par l'ex-rugbyman Sébastien Boueilh.

Ils veulent frapper l'opinion avec une démission massive. 11 membres de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) ont annoncé ce jeudi 14 décembre leur démission, quelques jours après l'annonce d'un remaniement de la commission.

Lundi, le gouvernement a annoncé que la Ciivise serait "dotée d’une nouvelle feuille de route et d’une nouvelle organisation" avec un nouveau binôme à sa tête, actant le départ du juge Édouard Durand pourtant plébiscité par les associations. Elle sera désormais présidée par Sébastien Boueilh, ex-rugbyman et fondateur de l'association "Colosse aux pieds d'argile", qui lutte contre les violences sexuelles dans le milieu sportif et par la pédiatre et experte judiciaire Caroline Rey-Salmon.

"Un manque de reconnaissance de notre travail"

Les 11 démissionnaires, parmi lesquels le militant pour la protection des enfants Arnaud Gallais, la psychiatre Muriel Salmona ou encore Eva Thomas, l'une des premières à avoir témoigné à visage découvert contre l'inceste, soulignent qu'ils avaient demandé "le maintien de la Ciivise avec Édouard Durand". Ils n'ont par ailleurs été informés que par "voie de presse" du maintien de la commission.

"Nous déplorons également que les deux coprésident-es n’aient pas été préalablement informé-es ni du maintien de la Ciivise, ni de la nomination de Sébastien Boueilh, et donc de l’éviction d’Édouard Durand, alors même que ces derniers avaient à plusieurs reprises sollicité la secrétaire d’État à ce propos", poursuivent-ils.

"Les coprésidents étaient l’âme de la Ciivise. C’est non seulement très grossier pour eux, mais c’est aussi un manque de reconnaissance de notre travail", a estimé Eva Thomas auprès de Libération.

Inquiétude sur la nouvelle présidence

"Malgré un discours qui se veut rassurant sur la continuité, la manière dont les choses se sont passées est préoccupante: certains membres ont appris ces nominations par la presse, et malgré nos demandes répétées ces dernières semaines, nous n’avons pas reçu de réponse du gouvernement quant à notre devenir avant cette annonce", a développé Muriel Salmona.

Auprès de BFMTV.com, Arnaud Gallais se dit également "inquiet" des nominations du nouveau tandem à la présidence de la commission, qui a pu avoir des positions qui "vont à l'encontre de mesures-phares" recommandées par la Ciivise. Comme le relatait alors Mediapart, la pédiatre Caroline Rey-Salmon avait démissionné de la Ciivise en 2022, opposée à l'une de ses recommandations: celle de l'obligation de signalement pour les médecins soupçonnant des violences sexuelles commises sur des enfants.

Et Sébastien Boueilh s'est déjà déclaré en défaveur de l'imprescriptibilité des viols et agressions sexuelles commis contre les enfants, qui est pourtant préconisée par la Ciivise dans son rapport final. "Nous avons fait le constat que la prescription sert aussi de levier pour aller déposer plainte avant que les faits ne soient prescrits", a-t-il justifié auprès de Ouest-France mercredi.

Les ex-membres dénoncent les "méthodes" du gouvernement

Les ex-membres de la Ciivise dénoncent par ailleurs "l’absence de membres du gouvernement lors de la présentation publique du rapport" final de la commission fin novembre - il avait été remis quelques jours plus tôt au gouvernement.

"Nous dénonçons ce silence en réponse à nos sollicitations. Nous le dénonçons d’autant plus au regard de notre mission qui visait à "briser le silence". Ces méthodes vont à l’encontre de nos engagements pris depuis la création de la Ciivise. Elles vont à l’encontre également des 30.000 personnes qui nous ont fait confiance en témoignant", écrivent les signataires, dont le président de l'association Les Papillons, Laurent Boyet. 

Le travail de la Ciivise devait prendre fin le 31 décembre, au grand dam des acteurs de terrains, d'élus et de personnalités, qui ont multiplié les appels depuis cet été en faveur d'une prolongation de son existence. Pendant un temps, l'exécutif a entretenu le flou sur le devenir de cette commission. Il avait finalement promis mi-novembre de la maintenir, avec une nouvelle feuille de route.

Sophie Cazaux