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Vers un durcissement du paysage syndical français ?

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par Jean-Baptiste Vey PARIS (Reuters) - La nouvelle liste des syndicats pouvant négocier des accords sociaux en France, qui sera publiée vendredi,...

par Jean-Baptiste Vey

PARIS (Reuters) - La nouvelle liste des syndicats pouvant négocier des accords sociaux en France, qui sera publiée vendredi, pourrait entraîner un durcissement du paysage syndical avant de difficiles réformes économiques et sociales dans le pays.

La CFTC, un syndicat enclin à négocier et à signer des accords avec le patronat, pourrait en effet être exclue de la table des négociations nationales, tandis que la CGT et Force ouvrière, plus contestataires, prendraient davantage de poids.

Cette réforme de la représentativité syndicale, issue de la loi de 2008 voulue par Nicolas Sarkozy, ne menacera pas directement l'accord sur l'emploi conclu en janvier entre la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC et les organisations patronales car il a été signé avant l'entrée en vigueur de la réforme attendue en mai.

En revanche, elle affaiblirait le soutien politique à cet accord lors de l'examen du texte qui en découle au Parlement si la nouvelle liste montrait qu'il n'aurait pas pu passer avec les nouvelles règles, du fait de l'opposition de la CGT et de FO qui le jugent néfaste.

Le gouvernement s'est engagé à transcrire fidèlement cet accord dans la loi et donc à contenir les tentations de le durcir en faveur des salariés, le ministre du Travail, Michel Sapin, promettant mardi devant des journalistes qu'"il n'y aura aucun amendement auquel je n'aurai pas donné mon accord".

Une transformation du paysage syndical pourrait rendre encore plus difficiles les réformes promises par le gouvernement, comme celle de la formation professionnelle qui passera par une négociation, celle des retraites qui passera par une consultation ou la fixation de nouvelles règles pour l'assurance chômage d'ici début 2014.

PLUS FACILE DE REFUSER LES ACCORDS ?

"La réforme de la représentativité trouble les relations depuis quatre ans et risque de durcir les relations dans les semaines à venir", explique Bernard Vivier, spécialiste des relations sociales à l'Institut supérieur du travail.

"Il va y avoir de la crispation au niveau national" plus que dans les entreprises, ajoute-t-il, "parce que dans les entreprises, la réalité sociale, c'est le chômage, la lourdeur, et ce ne sont pas des facteurs d'exaspération sur le terrain".

Si la CFTC était rayée de la carte, elle pourrait réagir de façon vigoureuse, souligne-t-il.

"Il y a une loi et on la respectera, même si elle ne nous arrange pas", a dit à Reuters le président de la CFTC, Philippe Louis. Mais "pour l'avenir, une chose est sûre : la direction prise ne sera plus la même".

"Nous on négocie, et si ça ne marche pas, ça peut mener au rapport de force. D'autres voient la négociation comme un terrain pour le rapport de force. C'est plutôt ceux-là qui pourront gagner du terrain", a-t-il ajouté.

Pour être représentatif - et donc habilité à conclure des accords - un syndicat devra désormais avoir dépassé 8% des suffrages lors des élections professionnelles, des élections dans les très petites entreprises et des élections aux chambres départementales d'agriculture organisées ces dernières années.

Le même seuil sera nécessaire pour être représentatif dans une branche professionnelle, tandis qu'il faudra au moins 10% des suffrages pour être représentatif au niveau de l'entreprise.

RENFORCER LA LÉGITIMITÉ DES SYNDICATS

La CFE-CGC étant un syndicat catégoriel (les cadres), elle bénéficie d'un traitement particulier et devrait rester représentative au niveau national. L'Unsa et l'union syndicale Solidaires (les syndicats Sud) devraient avoir du mal à passer la barre des 8% au niveau national, selon les spécialistes.

Jusqu'en 2017, année de la prochaine mesure d'audience syndicale, les syndicats représentatifs au niveau national le seront automatiquement dans les branches professionnelles.

De nouvelles règles de validité des accords entreront en vigueur en même temps, qui pourraient renforcer la capacité de la CGT et de FO à bloquer ensemble un accord, ce qu'elles n'ont pu faire avec le texte sur l'emploi.

Pour être valide, un accord devra être signé par un ou des syndicats représentant au moins 30% des suffrages et ne pas être refusé par des syndicats représentant plus de 50%, ces niveaux étant calculés sur les seuls votes en faveur des syndicats ayant obtenu au moins 8%.

Les listes des syndicats représentatifs au niveau national et des branches seront dévoilées vendredi matin lors d'une réunion du Haut conseil du dialogue social.

La Direction générale du travail vérifiera ensuite que les syndicats ayant dépassé la barre des 8% respectent les autres critères de représentativité : respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale de deux ans, influence, effectifs et cotisations.

Les listes seront ensuite fixées par arrêtés, courant mai pour la liste nationale et courant juin pour les branches. Ces arrêtés pourront être contestés devant la Cour d'appel de Paris dans un délai de deux mois.

La loi de 2008 avait pour objectif de renforcer la légitimité des syndicats, qui souffrent en France d'un taux d'adhésion particulièrement faible par comparaison à l'Allemagne, en asseyant leur représentativité sur les élections. Elle faisait suite à une position commune adoptée par la CGT, la CFDT et les organisations patronales Medef et CGPME.

Jusqu'alors, cinq confédérations syndicales étaient représentatives au niveau national : la CGT, la CFDT, FO, la CFTC et la CFE-CGC, un privilège assis sur des critères comprenant, entre autres, l'attitude sous l'Occupation.

Avec Nicholas Vinocur, édité par Yves Clarisse