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Une vigneronne enceinte de 9 mois et sur le terrain dénonce le manque de main d'œuvre dans le milieu agricole

Mathilde Savoye, enceinte de 9 mois, en train de travailler dans ses vignes dans la Marne.

Mathilde Savoye, enceinte de 9 mois, en train de travailler dans ses vignes dans la Marne. - Capture d'écran Instagram

Mathilde Savoye, une vigneronne champenoise enceinte de 9 mois, travaillait encore dans ses vignes le week-dernier, le régime agricole n'ayant trouvé personne pour la remplacer le temps de son congé maternité. Dans une vidéo massivement partagée en ligne, la jeune femme dénonce la pénurie de main d'oeuvre qui touche la profession.

Enceinte de 9 mois, Mathilde Savoye pourrait accoucher à tout moment. Pourtant, la jeune vigneronne n'a pas laissé tomber son sécateur. Le week-end dernier, elle avait encore les pieds dans ses vignes, faute d'avoir trouvé quelqu'un pour la remplacer sur son domaine de La Neuville-aux-Larris dans la Marne.

À la veille de son terme samedi dernier, la jeune femme de 27 ans se retrouve donc seule face à plusieurs hectares de vignes à tailler. Fatiguée et inquiète, elle brandit son smartphone et pousse un coup de gueule face caméra pour dénoncer le manque de main d'œuvre dans le milieu, qui peut rendre difficile une grossesse pour certaines femmes relevant du régime agricole.

"Mon terme est demain (dimanche), je vais devoir cesser toute activité physique extérieure", explique d'abord la vigneronne dans sa vidéo filmée en plein brouillard, au milieu des vignes. "J'ai fait appel au service de remplacement qui m'a trouvé un ouvrier spécialisé pour venir me remplacer le temps de mon congé maternité. Or la personne n'est pas venue et il était impensable pour moi de laisser mon activité à l'arrêt donc je continue de venir travailler".

"Le jour où j'ai tourné cette vidéo, il faisait froid, il pleuvait, je n'avançais pas beaucoup", raconte Mathilde Savoye à BFMTV.com. Malgré sa grossesse, la jeune femme continue de travailler car elle se considère relativement en forme.

"J'ai de la chance, ma grossesse se passe bien. Quand on aime son travail, on a envie de continuer d'y aller", raconte celle qui est fière "d'avoir réussi à travailler jusqu'au bout". "Alors c'est sûr que je n'ai plus le même rythme qu'avant et qu'il y a des moments compliqués, mais je m'adapte. J'ai un petit chariot, je suis assise".

Malgré tout, ce jour-là, il reste à la jeune femme plus d'un hectare sur trois à tailler seule. Alors indéniablement, elle s'inquiète de ne pas réussir à conjuguer la fin de sa grossesse, sa nouvelle vie de mère et celle de travailleuse indépendante.

"Je commençais à m'inquiéter de cette situation. Je me suis dit 'Mince! Je suis là toute seule, et je ne sais même pas si dans 15 jours/un mois le travail sera fait...", confie la vigneronne de la Marne, qui va jusqu'à s'interroger: "Je me demandais si aujourd’hui en 2022 en France c’était possible qu’une femme ait pour projet la maternité et la gérance d’un domaine viticole ou agricole ou d’une entreprise et qu’elle soit seule et indépendante sans travailler avec un père ou un mari".

Un ouvrier spécialisé attendu mercredi

"Le service de remplacement m'avait dit que la procédure qu'ils allaient lancer pourrait prendre un mois", poursuit-elle. Or "quand on est dans un milieu comme le mien, qu'on travaille avec la nature, on ne sait pas comment sera le printemps. La nature peut se réveiller à tout moment et il faut donc continuer les travaux".

Sur les réseaux sociaux, l'histoire de Mathilde est massivement relayée (plus de 12.400 vues mardi soir). Sa situation suscite une vague d'indignation, et interpelle le régime agricole. Ce mardi, la Champenoise est finalement recontactée par les services de l'État, qui l'informent qu'ils sont sur le point de "débloquer la situation afin qu'elle ne soit pas en retard au moment de la pousse des bourgeons". Ainsi, un nouvel ouvrier est censé arriver sur le domaine de Mathilde Savoye mercredi.

"Ça me rassure beaucoup", souffle la future maman, qui va enfin pouvoir se consacrer sereinement au terme de sa grossesse.

Mais le problème a beau être quasiment résolu pour elle, la jeune femme s'interroge toutefois sur ce manque de main d'œuvre qui touche massivement les métiers du milieu agricole. "On peine vraiment à recruter", pointe-t-elle. "Il faudrait quand même se poser la question: 'd'où vient ce problème? Pourquoi nos métiers n'attirent pas? Est-ce qu'on oriente pas assez nos jeunes vers les fillières agricoles?'".

Jeanne Bulant Journaliste BFMTV