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Société

Une sorte d'esplanade des religions à 30 kilomètres de Paris

À Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), au coeur d'un quartier en construction, s'érigent sur une même route un temple bouddhiste taïwanais (photo) qui sera inauguré dimanche, ainsi que les fondations d'une pagode laotienne et d'une mosquée. Juste à côté

À Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), au coeur d'un quartier en construction, s'érigent sur une même route un temple bouddhiste taïwanais (photo) qui sera inauguré dimanche, ainsi que les fondations d'une pagode laotienne et d'une mosquée. Juste à côté - -

par Chine Labbé BUSSY-SAINT-GEORGES, Seine-et-Marne (Reuters) - Une véritable cité du religieux censée cimenter des communautés disparates va...

par Chine Labbé

BUSSY-SAINT-GEORGES, Seine-et-Marne (Reuters) - Une véritable cité du religieux censée cimenter des communautés disparates va s'ouvrir à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne), à 30 kilomètres de Paris, où deux pagodes, une mosquée et une synagogue seront bâties côte-à-côte.

À 10 minutes de la gare, au coeur d'un éco-quartier en construction, s'érigent sur une même route un temple bouddhiste taïwanais qui sera inauguré dimanche, ainsi que les fondations d'une pagode laotienne et d'une mosquée, qui devraient être achevées d'ici la fin de l'année. Juste à côté de la mosquée, un terrain recouvert d'herbes hautes devrait, lui, accueillir une petite synagogue avant juin 2014.

Ce quartier "cultuel et culturel", surnommé "l'esplanade des religions" par la mairie, est le fruit d'une volonté politique de faciliter le dialogue entre les différentes communautés de la ville. Un projet qui a germé dans l'esprit d'Hugues Rondeau, le maire radical de Bussy-Saint-Georges, en 2004.

"L'idée, c'était qu'en ville nouvelle, à partir d'une population qui venait s'agréger de tous les coins du monde, les religions pouvaient être un moyen de créer un ciment entre les différentes communautés", dit-il, rappelant que la commune, qui abrite aujourd'hui près de 30.000 personnes, n'avait que 300 habitants dans les années 1970.

"Nous estimons que l'organisation spatiale que nous avons proposée permet aux religions d'exister pleinement, de dialoguer les unes avec les autres, et puis de dialoguer avec le reste de la ville."

L'édifice le plus vaste de cet ensemble, un temple bouddhiste taïwanais présenté comme le plus grand d'Europe, sera inauguré dimanche, après deux ans de travaux.

Il ouvrira ses portes au public le 1er juillet prochain. Futur siège européen de l'ordre monastique chinois Fo Guang Shan, l'une des huit branches du bouddhisme, ce temple en bois, béton et verre de 7.000 mètres carrés pourra accueillir jusqu'à 1.100 fidèles.

À ses côtés, les lieux de culte juif et musulman pourront recevoir les quelques centaines de familles que représentent ces deux communautés dans la ville, où elles priaient jusque-là dans des préfabriqués.

CULTE ET CULTURE

Cette "esplanade des religions" est un projet unique en France qui, dit Hugues Rondeau, a suscité à ses débuts quelques réticences de la part de l'Etat, très attaché à la loi de 1905.

"C'est l'idée d'une laïcité pertinente, d'une laïcité bien comprise", assure aujourd'hui le maire. "Nous avons pensé que nous avions un rôle d'organisateur, de facilitateur, et qu'il était préférable que ces communautés trouvent des lieux prédéfinis plutôt qu'elles cherchent sur notre territoire communal des espaces qui ne seraient pas forcément bienvenus comme sites d'implantation", ajoute-t-il.

Facilitateur, Hugues Rondeau l'a été non seulement dans l'attribution des terrains, mais aussi pour le financement des édifices religieux. Il s'est ainsi rendu à Taïwan pour trouver des mécènes pour le temple bouddhiste, qui a coûté environ 15 millions d'euros, et dont 70% a été financé par l'ordre monastique et 30% par des donations de fidèles.

Deux autres projets sont aujourd'hui en gestation a Bussy-Saint-Georges et pourraient voir le jour aux côtés des lieux de culte déjà prévus: un temple évangéliste pour les fidèles d'origine chinoise et un centre culturel arménien.

Le quartier est conçu comme un espace de culte mais aussi de culture. Une fois finis, les édifices religieux s'ouvriront sur des espaces avec bibliothèques et salles de classe. Le temple taïwanais proposera ainsi des cours de mandarin et des cérémonies du thé, tandis que les visiteurs de la mosquée pourront prendre des cours d'arabe et de civilisation musulmane.

"Ces gens sont là, donc on ne propose pas un supermarché, on propose à chacun et chacune qui est représentatif d'un groupe numérique suffisamment important à Bussy de trouver un espace organisé et de faire profiter de ses traditions le reste de la ville, y compris des gens qui sont athées, ou qui seraient a priori hostiles", explique Hugues Rondeau, soulignant que 45% de la population buxangeorgienne est d'origine asiatique.

UN EFFET D'OPTIQUE

Ce quartier, salué en novembre dernier par l'Unesco, espère devenir un modèle de vivre en commun.

"Je suis réaliste, les tensions, je ne peux pas les faire disparaître, mais je suis très fier aujourd'hui que la mosquée et la synagogue soient l'une en face de l'autre, utilisent des équipements en commun, notamment le parking, et qu'il y ait une cohabitation parfaite entre l'imam et le rabbin", souligne Hugues Rondeau. "C'est une tentative", ajoute-t-il.

Une tentative saluée localement mais dont certains observateurs du fait religieux dénoncent "l'affichage".

Pour Jean Mouttapa, directeur de la collection Spiritualités vivantes chez Albin Michel et coorganisateur des premières assises du dialogue interreligieux, "ce n'est pas ça qui va faire que les gens vont mieux se comprendre." D'après lui, le dialogue entre religions doit fonctionner par invitation mutuelle et la proximité spatiale "n'a aucun sens".

"Il y a un effet d'optique qui est que ne sont mises en évidence les cultures qu'à travers leurs édifices religieux, or les communautés sont souvent composées de laïcs, et c'est souvent entre les laïcs que le dialogue est le plus fécond", dit-il.

Il y a peu de chances que la mise côte-a-côte des religions favorise le dialogue interreligieux, qui est en plein recul du fait de la crise économique, estime par ailleurs Odon Vallet, historien des religions.

Mais Hugues Rondeau veut croire qu'à force de croiser moines, rabbins et imams, "les gens seront plus tolérants", et qu'en attirant fidèles, curieux et touristes, ce quartier contribuera au rayonnement de la ville. Le seul danger de cet endroit, c'est qu'il devienne un lieu de prosélytisme, prévient un rabbin. "À nous d'être fermes là-dessus", dit-il.

Edité par Yves Clarisse