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Un maire de Bretagne autorise le prénom Fañch, en dépit du tilde pourtant interdit par l'état civil

Un débat houleux a lieu en Bretagne, après que le caractère spécial "tilde", utilisé dans les noms bretons comme Fañch, a été interdit par le registre français des naissances, au nom du respect de la langue française.

Un débat houleux a lieu en Bretagne, après que le caractère spécial "tilde", utilisé dans les noms bretons comme Fañch, a été interdit par le registre français des naissances, au nom du respect de la langue française. - FRED TANNEAU / AFP

Le tilde, sur la lettre "n" du prénom breton, ne peut pas être utilisée, selon le registre français des naissances. Le combat pour la légalité de ce prénom était devenu, en 2017, celui de la culture bretonne.

C'est une bonne nouvelle pour les militants de la culture bretonne. Le maire de Lorient, Fabrice Loher, a autorisé des parents à prénomer leur enfant Fañch ce jeudi, alors que les services de l'état-civil de la mairie avaient dans un premier temps refusé ce prénom, rapporte Ouest-France.

Un signe pas autorisé par l'état civil

En cause, une circulaire relative à l'état civil publiée par le ministère de la Justice le 23 juillet 2014, qui expliquait que le tilde, ce signe sur le "n" du prénom Fañch, ne faisait pas partie des signes diacritiques et des ligatures autorisés et "connus dans la langue française".

"Tout autre signe diacritique (que ceux listés dans la circulaire, ndlr) attaché à une lettre ou ligature ne peut être retenu pour l'établissement d'un acte de l'état civil", précise le texte.

Or, "la jurisprudence des tribunaux judiciaires" autorise le tilde, selon les propos du maire de Lorient rapportés par le quotidien régional. Il a donc décidé, ce jeudi, de valider le prénom de l'enfant, avec l'orthographe traditionnelle qui l'accompagne.

"Je n’ai pas le sentiment de (...) toucher à l’unité républicaine à laquelle je suis très attaché" par cette décision, a indiqué Fabrice Loher auprès de nos confrères. Il a également assuré avoir reçu de nombreux coups de téléphone, évoquant que sa décision a "fait le tour politique" de la Bretagne. La famille s'est réjouie de cette décision.

Une longue bataille judiciaire

Le nourrisson est né le 17 juin, et ses parents ont rapidement eu l'aval de Fabrice Loher pour le prénommer comme ils le souhaitaient. Ce n'était pas le cas de la famille d'un autre petit Fañch, né le 11 mai 2017. La justice estimait que la tilde sur le "ñ" n'était pas légale: "Fañch" devait alors s’appeler "Fanch", en dépit de l'orthographe traditionnelle de ce prénom breton.

Les parents de l'enfant se sont vu refuser une première fois ce tilde sur le prénom de leur enfant par le tribunal de Quimper, avant de faire appel de cette décision. Le premier jugement indiquait qu'accepter un tel caractère pourrait mettre "en danger l'unité de la République", rapportait auprès de BFMTV.com Charlie Grall en 2018.

Président de l’association "Skoazell Vreizh", qui "vient en soutien des gens de langue ou de culture bretonne qui ont des problèmes avec la justice", il a accompagné cette famille dans son long parcours judiciaire, jusqu'à obtenir, en appel, l'autorisation de nommer leur enfant comme cela, puisqu'il ne s'agissait pas d'un prénom inconnu de la langue française, avec ou sans tilde.

Ne pas être contraire aux intérêts de l'enfant

Le choix du prénom de son enfant peut parfois virer au casse-tête, en France. Il n'existe plus, depuis 1993, de liste des prénoms autorisés, le choix pouvant donc être libre, à condition que le prénom retenu ne soit pas contraire aux intérêts de l'enfant ou au droit des tiers à vouloir protéger leur nom de famille, selon le Code civil.

Dans le cas où l'officier d'état civil, à qui les parents déclarent la naissance d'un enfant et lui indiquent le prénom qu'ils ont choisi pour lui, estime que ces règles ne sont pas respectées, il peut demander à modifier le prénom, ou émettre un signalement au procureur de la République. Cela a notamment été le cas pour un bébé prénommé "Jihad" ou un autre "Nutella", ce qui a été retoqué par la justice.

Malgré de longs parcours judiciaires et l'autorisation de certains prénoms ou caractères spéciaux non énoncés dans la circulaire de 2014, aucun texte de loi n'est venu préciser ou étendre les contours législatifs relatifs aux prénoms, ce que demandent pourtant de nombreux défenseurs des langues régionales (le breton mais aussi l'occitan, notamment) et associations.

Marine Ledoux