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Société

« Trois ans pour sauver le Monde ! »

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Un expert en énergie et climat décrypte les changements climatiques à venir... L'urgence est là !

Jean-Marc Jancovici expert en réchauffement climatique, ingénieur conseil énergie et climat, auteur de « C'est maintenant : trois ans pour sauver le monde » explique avec pédagogie l'urgence de la situation actuelle.

Souvent les gens, disent : « quel réchauffement climatique ? vu l'hiver qu'on vient de vivre... » mais ils confondent, c'est ça ? Entre climat et temps, il ya une différence à faire...
« La différence est la même qu'entre la note d'un élève à une composition donnée et la moyenne de l'établissement dans lequel il est scolarisé. C'est pas parce que la note d'un élève particulier monte ou descend, que la moyenne de l'établissement monte ou descend. Les moyennes sont des choses qui varient beaucoup plus lentement. Quand on parle de climat, on parle de moyenne, pas d'une mesure instantanée.
Je vais prendre l'exemple de l'hiver que nous venons de connaitre. La France, fait 0.1% de la surface de la terre, et le mois de janvier par exemple, c'est un 12e de l'année... Alors qu'en climat les périodes de référence, c'est au moins trente ans. Quand Météo France vous dit la « normale de saison » c'est en fait la moyenne des températures pour 30 ans sur la saison considérée. Un mois d'hiver, c'est un petit bout d'une année, qui est un petit bout de trente ans, période de référence pour le climat, et c'est juste pour 0.1% de la surface planétaire. On est en train de parler de deux choses différentes, quand on parle de l'hiver chez nous et du climat mondial. Pour finir là-dessus, pendant que nous avions un hiver froid, l'Australie, de l'autre côté de la planète connaissait un été absolument torride, le plus torride qu'ils aient jamais eu, le plus sec... Il faut se garder de confondre ce qu'on voit devant sa porte et ce qu'il se passe réellement. Et dans cette affaire de réchauffement climatique... ce qui est ennuyeux, c'est pas ce qu'on voit maintenant, mais ce qu'on va voir plus tard. »

La crise financière, ce n'est rien par rapport à la crise climatique qu'on va vivre... C'est vrai ?

« C'est malheureusement vrai. Deux ou trois éléments. Le premier : l'économie ce n'est qu'une transformation de ressources naturelles. Toutes les activités économiques des hommes, ça consiste à prendre des ressources, du bois, des denrées alimentaires, des minerais et à les transformer pour en faire autre chose. Ce qui va se passer dans les décennies à venir, c'est que les ressources physiques qui permettent d'alimenter le système économique vont devenir de plus en plus contraintes. Une de ces ressources, c'est le climat. Le climat stable est une bonne affaire pour nos activités socio-économiques. Un climat qui se ballade de part et d'autre de manière rapide est un truc beaucoup plus mauvais pour nos activités économiques. Si on commence à avoir des problèmes de ressources graves, on aura des problèmes bien plus importants que la crise économique que nous sommes en train de vivre. Il sera question du maintien ou non de la démocratie, de la paix, du maintien d'une espérance de vie à 75 ans... Ce n'est pas juste le climat. D'une manière plus large, on a un problème aujourd'hui c'est que comme ces ressources naturelles, on ne les paye pas à la nature, la nature ne passe pas avec son tiroir caisse quand on lui prend du pétrole ou un poisson... On a rien prévu dans notre système économique pour voir arriver ce genre de choses. Donc ça nous prendra au dépourvu si on ne change pas notre manière de voir le monde. »

Le secrétaire général de l'ONU estime que dans 20 ans, la pénurie en eaux pourra faire perdre à l'Inde et aux USA la totalité de leurs récoltes... Votre avis ?

« Je suis un peu perplexe. L'eau il en tombe tout les ans. Ce qui risque de se passer par contre, cc'est qu'elle risque de tomber plus mal. L'eau qui nous intéresse beaucoup quand on fait des cultures, c'est le crachin breton, qui tombe régulièrement, de manière fine et qui recharge bien les sols. L'eau qui nous intéresse pas du tout, c'est l'orage méridional. Ça tombe en une seule fois, ça dévale en bas de la montagne, ça ravine, ça érode, ça recharge pas les sols... La question se pose de savoir si dans un climat qui change, l'eau qui va se mettre à tomber de plus ou plus sous forme d'orages méridionaux ou sous forme de crachin breton. Mais il continuera à tomber de l'eau.»

Et la fonte des glaces, la montée des eaux... le littoral va être modifié ?

« C'est un vrai sujet. Le problème quand on dessine des traits de côtes fictifs, c'est que la montée des eaux peut aussi modifier les courants côtiers, et c'est cela le déterminant majeur. La montée de l'eau n'intervient pas beaucoup. La fonte des glaces ça va vraiment arriver. Ce qu'on appelle les glaciers des moyennes latitudes, (La Mer de Glace, la Cordillère des Andes, etc.) vont se mettre à fondre à vitesse accéléré. Le Groenland va commencer à fondre et ça, c'est beaucoup plus ennuyeux parce qu'il y a énormément de glace sur le Groenland. Une partie de l'Antarctique, la calotte occidentale, est aussi menacée dans le réchauffement en cours... Et enfin une dernière glace qui va fondre, mais qui ne fera pas monter le niveau de l'eau, c'est la banquise... mais c'est de la glace qui flotte, donc ça ne fait pas monter le niveau de l'eau quand ça fond. Par contre cette fonte va accentuer le réchauffement près du Groenland, qui va donc fondre encore plus vite. »

La rédaction