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Toulouse en pointe sur les "salles de shoot"

Dans une ville comme Toulouse, qui compte environ 5.000 usagers de drogues de type cocaïne et morphiniques selon l'association, le débat fait rage entre la mairie, volontaire pour tester ces salles de consommation et l'opposition de droite, qui y voit un

Dans une ville comme Toulouse, qui compte environ 5.000 usagers de drogues de type cocaïne et morphiniques selon l'association, le débat fait rage entre la mairie, volontaire pour tester ces salles de consommation et l'opposition de droite, qui y voit un - -

par Jean Décotte TOULOUSE (Reuters) - Tatouage sur le bras et tignasse sombre, Emmanuel se présente comme un ancien toxicomane qui "essaie...

par Jean Décotte

TOULOUSE (Reuters) - Tatouage sur le bras et tignasse sombre, Emmanuel se présente comme un ancien toxicomane qui "essaie d'arrêter".

Cet homme de 42 ans, sous traitement de substitution, est venu pour une consultation médicale. Il patiente en feuilletant un journal dans le jardin de la "Maison", lieu d'accueil de l'association toulousaine Clémence-Isaure, qui vient en aide aux personnes souffrant d'addiction aux drogues.

Aujourd'hui, Emmanuel dit ne plus se droguer, mais il aurait aimé bénéficier de salles d'injections supervisées, ou "salles de shoot", dispositif sanitaire dont le gouvernement envisage une expérimentation prochaine en France.

Dans une ville comme Toulouse, qui compte environ 5.000 usagers de drogues de type cocaïne et morphiniques selon l'association, le débat fait rage entre la mairie, volontaire pour tester ces salles de consommation et l'opposition de droite, qui y voit un encouragement à l'usage de stupéfiants.

"C'est une très bonne initiative, ça permettrait d'avoir des risques moindres pour l'injection", tranche Emmanuel.

"Il y a beaucoup de gens qui ont une mauvaise hygiène, qui manquent d'encadrement. Dans une salle pour injecter, au moins c'est propre, il y a moins de risque de maladie."

Toulousain depuis plus de 20 ans, Emmanuel dit avoir connu des "shootoirs provisoires dans des immeubles détruits" et salue le volontariat de la mairie de Toulouse.

"Il vaut mieux que ce soit encadré. Au moins, les enfants ne risquent pas de se contaminer en jouant. Et puis, pour les premiers secours, c'est mieux d'avoir un médecin pas trop loin pour les risques d'overdose", explique le quadragénaire habillé d'un survêtement noir et coiffé d'une casquette.

UNE RÉPONSE, PAS UNE SOLUTION

Comme Emmanuel, l'association Clémence-Isaure prend en charge environ 1.600 personnes chaque année. Créée en 1987, elle dispose de plusieurs structures à Toulouse et anime un réseau de familles d'accueil, de places d'hébergement et d'aide à la réinsertion.

Dans la "Maison", un médecin, une assistante sociale, des éducateurs, un psychologue et un avocat se relaient à l'écoute des toxicomanes.

Martine Lacoste, directrice de l'association, parle des salles d'injection comme d'une "marche supplémentaire qui complète le dispositif (...), où va pouvoir s'ouvrir le dialogue sur leur pratique".

"Le débat sur les salles d'injection supervisées doit s'inclure dans un programme complet. Il est important que partout où c'est utile, il y ait des expérience de salles supervisées", estime celle qui est aussi vice-présidente de la Fédération Addiction.

"Ce n'est pas une solution, c'est une réponse. C'est une mesure préalable à d'autres mesures d'accompagnement: les personnes très dépendantes aux morphiniques sont exclus et se sentent exclus. Il faut élargir la palette. Il faut leur proposer une dynamique, il faut que le train parte de chez eux."

NUISANCES

Le débat sur les "salles de shoot", qui avait déjà divisé le précédent gouvernement de droite en 2010, a été relancé la semaine dernière par le député socialiste de Paris Jean-Marie Le Guen. Ce dernier a demandé au ministère de la Santé d'en autoriser dans la capitale du fait de l'augmentation de la consommation d'héroïne.

La mairie de Toulouse, à majorité socialiste, s'était déjà proposée il y a deux pour accueillir une telle structure et a réaffirmé cette volonté jeudi dernier.

"Les salles de consommation de drogue à moindre risque sont une réponse, dès lors qu'elles sont intégrées dans des dispositifs de prévention et d'insertion", dit le maire Pierre Cohen (PS) dans un communiqué, aiguisant les critiques de l'opposition.

Pierre Esplugas, porte-parole de l'UMP en Haute-Garonne, s'élève contre ce projet, comme sa formation politique le fait au niveau national, "qui reviendrait à encourager la consommation" et rappelle que l'usage d'héroïne est interdit par la loi.

"L'Etat n'a pas à être un dealer, l'Etat n'a pas à être un délinquant (...) Je ne suis pas médecin, mais je suis sûr que ce n'est pas en facilitant la consommation qu'on aide à arrêter", juge-t-il.

Du côté des syndicats de police de l'agglomération, on s'interroge également sur le "paradoxe" d'un Etat qui lutte contre les addictions et qui pourrait dans le même temps faciliter la prise de drogue.

"Qui est responsable si quelqu'un meurt dans la salle de shoot ? Ou bien si un toxicomane a un accident de voiture en sortant de la salle ?", se demande Luc Escoda, secrétaire zonal du syndicat Alliance.

"Sans parler des nuisances. Le danger avec ce genre de salle, c'est que ça fasse rappliquer les dealers, comme tout lieu de rassemblement de toxicomanes. Il faut une politique claire et cohérente sur cette question."

Edité par Yves Clarisse