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Statut des animaux: ça change quoi?

Actuellement, un chat est considéré dans le Code civil comme un "bien meuble", au même titre qu'une chaise ou qu'une armoire.

Actuellement, un chat est considéré dans le Code civil comme un "bien meuble", au même titre qu'une chaise ou qu'une armoire. - DR

Les députés débattent ce soir d’un amendement donnant aux animaux la qualité d’"être vivant doué de sensibilité". Garde du chien ou du poisson rouge familial en cas de divorce, punition de l’abandon et de la cruauté envers les animaux… BFMTV.com passe en revue les possibles implications de cette modification du Code civil.

L’Assemblée nationale discute ce jeudi soir en seconde lecture d’un amendement reconnaissant “le caractère vivant et sensible” des animaux, une modification qui leur donnerait un statut propre dans le Code civil. Ce nouveau statut permettra-t-il de mieux protéger les animaux? BFMTV.com fait le point.

> Pourquoi cet amendement?

Jusque là, un chat était considéré dans le Code civil comme “bien meuble”, de la même façon qu’une chaise ou qu’une armoire. L’amendement introduit par le député PS Jean Glavany dans le cadre du Projet de Loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures donne aux animaux la qualité d’"être vivant doué de sensibilité”. La mesure a déjà votée le 15 avril dernier dans le cadre d'un projet de loi de modernisation et de simplification du droit, mais a été recalée en commission mixte. Après son examen en seconde lecture, cette disposition devra être examinée par le Sénat, puis repasser entre les mains des députés pour être définitivement adoptée.

L’idée est d’aligner le Code civil sur les codes pénal et rural. La sensibilité de l’animal est déjà reconnue à l’article l’article L214-1 du Code rural, disposant que "tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce". Et l'article 521-1 du Code pénal punit déjà les actes "de cruauté ou de maltraitance" de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende.

> Quels sont les animaux concernés?

Sont visés les animaux dits “appropriés”, soit les animaux de compagnie et d'élevage. Les animaux sauvages ne sont eux pas concernés. Autrement dit, on reconnaît une sensibilité aux chiens, aux chats, aux vaches ou encore aux moutons, pas aux loups ni aux vers de terre.

> Qu’est-ce que ça va changer?

“Cet amendement n’entraîne aucune conséquence juridique, aucun effet juridique non maitrisé”, a tenu a rassurer la rapporteure PS du texte Colette Capdevielle en avril, expliquant que c’est “un amendement de cohérence avec le code rural et le code pénal”.

Pour Jean-François Legueulle, délégué général de la Fondation 30 Millions d'Amis interrogé par BFMTV.com, cette modification du Code civil va “permettre une meilleure application des dispositions protectrices des animaux”. Il s’agit selon lui de s’attaquer à une “incohérence dans le droit français qui rend la protection des animaux imparfaite. Il faut harmoniser ces différents codes pour redonner de la cohérence à la règle de droit”, indique-t-il. “Ca n’est pas du tout une grande révolution”, réagit de son côté Christophe Marie, porte-parole de la Fondation Brigitte Bardot, auprès de BFMTV.com. “C’est logique, c’est normal, mais ça ne va pas assez loin”, ajoute-t-il jugeant qu’”il n’y aura pas d’incidence particulière”. Interviewé par BFMTV.com, l’avocat spécialisé dans la défense des animaux Patrice Grillon, est plus nuancé. “On reconnaît un statut particulier de l’animal. C’est une avancée majeure. Le Code civil, c’est le code de Napoléon, c’est quand même le code majeur de notre droit”, salue-t-il. La mesure a donc valeur de symbole, mais selon lui, “ne va pas changer grand chose”.

> La violence contre les animaux sera-t-elle plus sévèrement punie?

L’arsenal juridique existe déjà. Dans le Code pénal, la cruauté envers les animaux est passible de 2 ans de prison et 30.000 euros d’amende. Mais ces peines sont rarement appliquées. “Sur 5 affaires de maltraitance ou d’actes de cruauté, 4 sont classées sans suite”, déplore Jean-François Legueulle, “et sur celle qui aboutit, bien souvent, on voit que ce sont des peines de prison avec sursis ou uniquement des peines d’amendes. Ou alors il faut des cas médiatiques comme ce chat qui avait été jeté contre un mur à Marseille”. Selon lui, reconnaître une sensibilité aux animaux “va permettre de faire évoluer les mentalités, notamment chez les magistrats et les procureurs pour que les peines soient réellement appliquées”.

Patrice Grillon, lui, pense que ça ne “changera rien du tout”. “Reconnaître que les animaux sont vivants, c’est une lapalissade!”, ironise-t-il, ajoutant que “les êtres humains sont doués de sensibilité, et pourtant ils sont maltraités”.

> Qu’en est-il de l’abandon des animaux?

L’abandon d’un animal est déjà puni. Délit régi, au même titre que la cruauté envers les animaux, par l’article 521-1 du Code pénal, il est également passible de 2 ans de prison et 30.000 euros d’amende. L’incidence de l’amendement examiné par les députés devrait donc être la même que pour la violence envers les animaux.

> En cas de divorce, qui garde le chien?

A l’heure actuelle, “c’est une question de propriété”, explique Patrice Grillon. “Qui est-ce qui a acheté l’animal: c’est madame ou monsieur? Avec un régime de séparation des biens ou de communautés des biens?”, détaille-t-il. En somme, “le chien ou le chat familial suit le même régime que le lave-vaisselle”, abonde Jean-François Legueulle.

Ce mode de partage sera-t-il amené à changer avec la modification du Code civil ? Les avis divergent. Pour Jean-François Legueulle, “le juge aux affaires familiales va pouvoir prendre en compte la situation financière des époux, les soins prodigués à l’animal, les relations avec les enfants pour le conseiller plutôt à monsieur ou à madame. Ils pourront même aller jusqu’à accorder un droit de visite et d’hébergement, voire le versement d’une pension alimentaire”, avance-t-il. Mais Patrice Grillon n’est pas de cet avis. “En cas de divorce, savoir que le chien est doué de sensibilité ne va rien changer au débat”, lance-t-il. 

> Quid de l'élevage intensif, de la corrida, des expérimentations scientifiques?

L'écologiste Laurence Abeille avait présenté en avril des sous-amendements pour remettre en cause l’élevage intensif, menaçant selon elle la sensibilité animale. Mais ceux-ci ont été rejetés, de même qu’un amendement pour interdire la corrida et les combats de coq. Et de l'avis de Jean-François Legueulle, l'amendement Glavany examiné ce soir devrait n'avoir aucune incidence pour les expérimentations à des fins scientifiques ou médicales.

Violette Robinet